fâcheux se produit dans les convictions de
tous. Même les chrétiens d'autres communautés
et d'autres églises commencent à appréhender
pour eux des conséquences analogues, et les
dispositions édictées contre les Arméniens ne
les laissent pas indifférents. On se prend à re–
douter que des mesures semblables ne trouvent
des répétitions et que les biens, non des Armé–
niens seuls, mais de tous les chrétiens en
général ne courent pas le risque de subir un
s©rt .identique.
Voilà la vérité de la situation et l'exposé sin–
cère des conséquences fâcheuses d'une mesure
i-nattendue et intempestive. Nu l doute que si
tout cela eut été porté à temps à la connais–
sance de Sa Majesté l'Empereur et Roi, les dis–
positions proposées d'après les vues étroites
d'une administration locale, n'auraient pas
obtenu la sanction voulue, et que- l'auguste
successeur des empereurs protecteurs des chré–
tiens en général, et des Arméniens en particu–
lier, aurait empêché, à l'instar de ses glorieux
ancêtres, toute action ou mesure qui, même
indirectement et éventuellement, aurait pu por–
ter atteinte à la renommée universelle de l'Em–
pire Protecteur de la chrétienté orientale tout
entière.
On aime cependant espérer avec pleine con–
fiance que l'éloquente intervention et la sagesse
des hommes illustres qui président à la poli–
tique traditionnelle de la Russie et de ses dignes
représentants, trouveront un accueil bienveil–
lant auprès de Sa Majesté Impériale, l'Auguste
Autocrate de Russie, et que l'Eglise arménienne,
grâce à une nouvelle mesure protectrice, recou–
vrera sa paix et sa tranquillité dans la jouis–
sance de ses anciens droits. Elle ne cessera
jamais, dans ses prières, de rendre grâces à
Dieu pour le maintien de la haute protection
dont elle a bénéficié jusqu'à maintenant sous
les bienveillants auspices de S. M .
1.
et R. le
Czar de toutes les Russies.
L A R É UN I ON D ' A L E X A N D R I E
Le
20
septembre, une importante
r é u n i o n
a r mé n i e n n e s'est tenue à
Alexandrie. Des discours de protesta–
tion ont été tenus par de notables ora–
teurs, rappelant les services rendus à la
Russie par les A r mé n i e n s du Caucase,
dans la paix et dans la guerre. Des
r é u n i o n s semblables ont eu lieu en
Egvpte dans tous 'les centres hab i t é s
par les A r mé n i e n s , notamment au
Caire où ont été a dop t é e s des résolu–
tions analogues qu i seront remises à la
légation de Russie. Vo i c i le texte de la
r é s o l u t i on et du t é l é g r amme envové au
catholicos d ' E t chmi adz i n .
RÉSOLUTION
Les Arméniens d'Alexandrie ainsi que tout
le Clergé, réunis dans l'église de la localité, ex–
priment unanimement leur plus profonde dou–
leur, à l'occasion de la question concernant
l'administration par l'Etat des biens de l'Eglise
arménienne en Russie.
Ils sont certains que Sa Sainteté le Patriarche
suprême de tous les Arméniens, se conformant
à la mission qu'Elle tient de Dieu, défendra les
droits séculaires de l'Eglise, et ils aiment à
croire que par des démarches directes auprès
de Sa Majesté le czar de toutes les Russies.
Elle parviendra à obtenir l'ordre impérial main–
tenant l'inviolabilité des biens ecclésiastiques
qui sont la propriété des Arméniens de tous les
pays ; et le droit de leur administration, qui
constitue la condition essentielle de l'indépen–
dance de la sainte Eglise arménienne.
Alexandrie,
20
septembre rgo3.
TÉLÉGRAMME AU CATHOLICOS
Les Arméniens d'Alexandrie, réunis dans
l'Eglise, certains que Votre Sainteté fidèle à la
mission qu'Elle tient de Dieu, défendra les
droits séculaires de l'Eglise, espèrent que par
des démarches directes auprès de Sa Majesté le
czar, Elle obtiendra l'ordre impérial mainte–
nant l'inviolabilité des biens ecclésiastiques ap–
partenant à tous les Arméniens.
Le Président, DANIEL VARTABED.
L a Question Arménienne
an XII
e
Congrès de la Paix
Le X I I
e
Cong r è s de la. Pa i x s'est tenu
à Rouen et au Havre du
22
au
27
sep–
tembre : de tous les pays civilisés du
monde, des femmes et des hommes de
c œ u r et de raison, étaient venus pour
attester leur horreur de la guerre et
chercher en c ommu n les moyens pra–
tiques d ' emp ê c h e r entre les nations de
sanglants conflits; et par une atroce
ironie du destin, i l leur fallut c o n n a î t r e
qu'en temps de paix officielle, les plus
é pouv a n t a b l e s tueries s'accomplissaient
toujours en Tu r q u i e sur l'ordre du
sultan Ab d u l - Ham i d II; i l n'v eut pas
de séance où ne fussent répétés les
noms tragiques d ' A rmé n i e et de Macé–
doine, depuis le rapport inaugural de
M . "lie Du c ommu n sur les é v é n eme n t s
de l ' anné e , jusqu'au discours de c l ô t u r e
du p r é s i d e n t Em i l e Ar n a u d et à la su–
p r ême allocution de Séverine au ban–
quet du Havre. Il est aux portes de
l'Europe, en Europe m ê m e , une terre
de dé s o l a t i on , de carnage et d'incendie
d'où ne peuvent s'écarter les regards
é pouv a n t é s de quiconque n'est pas
aveugle volontaire, par cécité d i p l oma –
tique. Les questions d ' A r mé n i e et de
Ma c é do i n e t r a i t é e s p l
US Dâ
r t i c u l i è r eme n t
dans les séances du mercredi
23
et du
jeudi 24 furent continuellement repri–
ses par allusions ou en termes formels
aux séances suivantes; c'était l'obses–
sion terrible à laquelle nu l ne pouvait
é c h a p p e r ap r è s les exposés des faits,
a ppo r t é s presque sans commentaires,
par les rapporteurs de la Commi s s i on
des actualités, M M . Jouet et Pierre Qu i l –
lard, délégué de l ' Un i o n des É t u d i a n t s
a r mé n i e n s d ' Eu r ope .
On a lu en tête du n um é r o les réso–
lutions adop t é e s à l ' u n a n i m i t é par la
Commi s s i on et par le Cong r è s . Nous
empruntons à nos confrères la
Dépêche
de Rouen
et le
Journal de Rouen,
le
compte rendu de la séance p l én i è r e du
23,
où furent votées les r é s o l u t i on s sur
l ' Armé n i e :
La parole est donnée à M . Pierre Quillard,
directeur de la revue P r o
Armenia,
rapporteur
de la Commission A , sur la Question armé–
nienne.
L'orateur annonce que le Congrès va être
invité à voter des résolutions sur les événements
de Turquie. Avec beaucoup de talent il montre
les atrocités commises en Arménie.
«
On aurait'jiu croire, dit-il, que le grand as–
sassin occupé en ce moment à la destruction
totale de ses sujets chrétiens de Macédoine lais–
serait quelque répit aux Arméniens; c'est une
erreur; S. M . Impériale peut suffire à une dou–
ble besogne et envoyer des ordres de massacre
à l'est et à l'ouest de son empire. »
Depuis qu'à Constantinople même, le pied
des
ambassadeurs européens a glissé dans le
sang, le régime des grands massacres a cessé,
c'est maintenant le régime de l'extermination
lente, des assassinats isolés.
D'après les dernières correspondances reçues,
M. Pierre Quillard nous montre les supplices
infligés par les Turcs chargés de recouvrer
l'impôt; puis ce sont les vieillards et les enfants
que l'on tue, les femmes que l'on.viole.
Le conférencier cite les villages et les villes où
le pillage a été organisé; il donne les noms des
malheureux qui ont été égorgés ou mutilés d'une
façon odieuse. En juillet dernier, le village de
Nisibin ; ailleurs, à Kharpout,
60
Arméniens
sont arrêtes, emprisonnés et torturés, sans avoir
commis aucun crime : on les accuse d'être des
révolutionnaires, trente-six d'entre eux sont
renvoyés devant les tribunaux répressifs. On
apprend à l'heure actuelle qu'ils seront tous
condamnés à mort.
Le conférencier parle des indices certains an–
nonçant que de nouveaux massacres, évités
jusque-là, grâce à la vigilance des consuls de
France, d'Angleterre et de Russie, sont immi–
nents. Il parle avec horreur de Hussein-pacha,
qui a collaboré à l'extermination de deux ou
trois mille Arméniens et a été appelé à Cons–
tantinople pour conférer avec le sultan. Les
grandes puissances laisseront-elles s'accomplir
de nouveaux égorgements ?
Sur l'invitation du Congrès de Monaco, les
gouvernements français, anglais et russe se
sont décidés à envover des consuls sur les points
le pius menacés. C'est à ce fait que l'on doit
de n'avoir pas à déplorer de plus épouvantables
massacres.
Il v a trois solutions qui se présentent : la
solution turque :
mais de celle-là, nous ne
voulons à aucun prix, car ce seraient de nou–
veaux massacres.
Fonds A.R.A.M