rail facile à constater; mais il retourne totale–
ment superflu du moment que l'article CXVII
de la Haute Disposition de l'an i836, qui est
une loi de l'Empire, reconnaît et admet officiel–
lement que « n o u t e propriété mobilière ou im–
mobilière, affectée à l'entretien d'un monastère
ou d'une église arménienne grégorienne, ou à
une fondation pieuse, relevarît de ceux-ci, est
considérée comme appartenant en général à
toute l'Eglise arménienne grégorienne ».
11
ne
pouvait du reste en être autrement tant que le
suprême siège catholicossal d'Etchmiadzine est
la tète ou le chef de l'Église arménienne, le
Pontificat suprême et le premier Siège de sa
hiérarchie, et le centre de toutes les commu–
nautés et diocèses arméniens qui lui sont atta–
chés comme les membres inséparables d'un
même corps et les parties indivisibles d'une
même Église.
Ces idées sont profondément ancrées dans les
cœurs de tous les Arméniens. Ils se croient en
droit de faire valoir leur participation à la sau–
vegarde des propriétés qui appartiennent à eux,
comme à leurs ancêtres, et ils sont convaincus
qu'à côté des réclamations formulées par les
Arméniens de Russie,fes Arméniens, sujets des
autres puissances ont voix au chapitre pour re–
vendiquer également le maintien de leur droit
de possession et d'administration qui est, du
reste, entre les mains du siège catholicossal et
des autorités ecclésiastiques arméniennes de
Russie, à titre, non de propriétaire, mais de
simple dépositaire, d'après le sens de l'article
CXVII précité.
Qu'il soit permis d'ajouter en outre que la
pratique jusqu'ici en vigueur d'après la Haute
Disposition de
1
836,
relativement à l'adminis–
tration des biens et propriétés de l'Église armé–
nienne concentrée entre les mains du Synode
d'Etchmiadzine, instituée et élu par nomina–
tion impériale et sous le contrôle d'un procu–
reur impérial, n'était que l'expression du con–
trôle même du gouvernement impérial, lequel
se trouvait ainsi entièrement garanti, et ses pré–
rogatives se trouvaient réellement satisfaites.
D'ailleurs, l'administration des biens et pro–
priétés de l'Eglise orthodoxe russe est entre les
mains du Synode suprême de ladite Église, et
l'administration du Synode arménien était,
toutes proportions gardées, en parfaite confor–
mité avec les principes de la législation de
l'Empire.
On doit constater également que pour ce qui
concerne les biens du culte catholique romain,
du culte protestant et du culte mahométan, ce
sont les consistoires ou Commissions spéciales,
composées des ministres de leurs cultes respec–
tifs et par nomination impériale qui exercent
l'administration des propriétés de chacun des–
dits cultes, ce qui a lieu conformément à la
Haute Disposition de i856, relative au Synode
de l'Eglise arménienne grégorienne. Par consé–
quent, la nouvelle disposition arrêtée pour
•'
Eglise arménienne, c'est-à-dire l'ordre de re–
mettre l'administration de ses biens entre les
mains des ministères de l'État, loin d'être une
assimilation à la règle établie pour les autres
Cultes,.ne peut être considérée que comme une
mesure exceptionnelle ayant le caractère d'une
disposition répressive ou d'une pénalité.
Et en effet, les considérants invoqués pour
soutenir cette disposition et les publications
officieuses parlent de la mauvaise administra–
tion des autorités ecclésiastiques arméniennes
et d'un emploi repréhensible des revenus des
biens de l'Eglise. Mais pour justifier une pa–
reille imputation il aurait fallu la faire précéder
d'une enquête légale, prouver au moins quel–
ques faits patents, et commencer d'abord par
exiger des explications et par des avertissements
réglementaires. Sans vouloir rechercher pour–
quoi on a voulu éviter ces formes de procédure,
on peut faire observer que l'administration du
Synode arménien n'a.pas été inculpée jusqu'ici
et qu'on n'a pu encore lui reprocher la moindre
faute. Et si même ces soi-disantes fautes dans
l'Administration existaient, cela ne pourrait
justifier que l'ouverture d'une enquête officielle
ou une augmentation provisoire des mesures
du contrôle, mais, en aucun cas, la peine de la
perte des droits civils inhérents à tout corps
constitué et reconnu, ce qui aurait été la plus
grande pénalité à infliger dans le cas d'une
condamnation judiciaire.
Et cela soit dit uniquement par une suppo–
sition impossible. Car aucun fait d'administra–
tion défectueuse et repréhensible ne pourrait
être imputé aux Arméniens, sujets de la Russie,
qui ont toujours donné des preuves éclatantes
de leur fidélité au Trône impérial, ont rendu des
services signalés pour la grandeur et la gloire
du même Empire, ont offert des hommes illus–
tres dans toutes les branches, qui ont bien mé–
rité de la Patrie russe, ont montré spontanément
une abnégation exemplaire et se sont imposé
des sacrifices énormes pour la défense des droits
et des intérêts du gouvernement russe, et ont
en un mot contribué de tout leur pouvoir à
gagner des sympathies à la Russie et à augmen–
ter son prestige.
On comprend par conséquent combien le
sentiment intime des Arméniens se trouve
blessé en présence d'une situation si humiliante
pour eux et qu'ils doivent subir par l'adoption
du nouveau règlement, malgré les faits et les
raisons qui militent en leur faveur. Les Armé–
niens ne peuvent non plus perdre le souvenir
du temps, où le puissant Empire de Russie a
tourné pour la première fois ses regards bien–
veillants vers le Saint-Siège arménien et s'est
présenté comme le protecteur de l'Église armé–
nienne, et où les enfants de cette Eglise ont
tendu leurs bras vers 'lui comme vers le défen–
seur de leurs droits ecclésiastiques et de leur vie
religieuse. Depuis lors les glorieux Empereurs
de toutes les Russies n'ont jamais cessé de faire
preuve envers leurs sujets arméniens de la
bonté et de la sollicitude, qu'ils ont constam–
ment témoignées aux peuples chrétiens. Com–
ment croire que celui qui accordait jadis sa
haute protection à l'Église arménienne, songe à
la persécuter et à l'opprimer si inopinément au–
jourd'hui ? Celui qui reconnaissait et plaçait les
droits des Églises au-dessus même des droits
de l'État, et qui se donnait pour tâche dç_ les
consolider, les détruirait-il aujourd'hui ? La
protection solennelle dont sa main couvrait les
Églises chrétiennes, serait-elle remplacée au–
jourd'hui par une disposition, qui ferait le mal–
heur de ses sujets, sans rapporter aucun profit
à l'Empire ? Serait-il possible de prêter à l'Em–
pereur de toutes les Russies, qui est connu pour
son attachement à la foi et ses sentiments reli–
gieux, qui a toujours été le champion de l'Église
et de ses canons, qui a combattu tout ce qui
pouvait leur porter atteinte, des intentions, qui
auraient pour conséquence l'affaiblissement des
principes religieux et l'amoindrissement de l'im–
portance de l'Église.
L'Église arménienne, glorieuse par sa fonda–
tion apostolique, illustre par ses saints pères et
ses bienheureux docteurs, forte de sa foi iné–
branlable à travers les siècles, sainte par ses
souffrances pour sa foi et ses principes évangé-
liques ; l'Église arménienne jouissait, sous le
glorieux sceptre des autocrates pieux et religieux
de la Russie, d'une vie calme et propice à son
développement spirituel et à son progrès reli–
gieux. Quelle déception amère et quelle situa–
tion intolérable, si elle devrait recevoir de la
part de la Russie même le plus grand coup; un
coup fatal pour sa vie ecclésiastique,^telle qu'elle
n'en a point éprouvé même sous les plus dures
persécutions.
Les mots manquent pour traduire convena–
blement l'émotion et la peine que tous les Armé–
niens ressentent en ce moment en**présence
d'une telle disposition inattendue. Du reste, tout
le monde doit être amplement informé des
manifestations qui, pareilles à celles qui se pro–
duisent dans les provinces de Caucase, ont lieu
à Constantinople et ailleurs, partout où^ il y a
une communauté arménienne. N N . SS. les
archevêques et les évêques arméniens qui se
trouvent à Constantinople, ministres supérieurs
de l'Eglise et fils fidèles et assermentés du
Siège apostolique arménien, pénétrés de leur
devoir sacré et conscients de l'anathème cano–
nique à prononcer contre ceux qui attentent ou
laissent attenter aux droits consacrés de l'Eglise
et fils fidèles et assermentés du Siège aposto–
lique arménien, pénétrés de leur devoir sacré et
conscients de l'anathème canonique à pronon–
cer contre ceux qui attentent ou laissent atten–
ter aux droits consacrés de l'Eglise, se sont
réunis en conférence le 5/
1
8
août et ont décidé
de communiquer à S. S. le catholicos leurs
sentiments et leurs conclusions, en présence de
ce nouvel état de choses. Ils lui écrivirent le
14/27
août, en le conjurant de faire tout son
possible pour la défense de la Sainte Eglise;
d'entreprendre des démarches légales mais éner–
giques; conformément aux devoirs qui lui im–
posent sa haute dignité et sa grande responsa–
bilité; de faire appel à la miséricorde et à l'amour
de la justice, ainsi qu'aux sentiments religieux
de Sa Majesté l'Empereur de toutes les'Russies,
pour qu'elle détourne cette coupe amère des
lèvres de l'Eglise arménienne, qu'on ne la dé–
pouille pas de ses biens et de son avoir et du
droit de les administrer, qu'on ne la prive pas
de l'usage de sa langue rituelle dans l'accom–
plissement de tous les actes propres à dévelop–
per les sentiments religieux, et que l'on n'em–
pêche pas la jeunesse arménienne de recevoir sa
première instruction dans sa langue et dans sa
religion. Les Conseils administratifs siégeant au
Patriarcat sont unanimes et solidaires dans la
démarche entreprise par l'Episcopat au nom de
tous les fidèles de l'Eglise arménienne. Les
évêques et les prélats résidant dans les provinces
leur font parvenir leur adhésion ; les Conseils
diocésains expriment sous différentes formes la
même douleur et la même émotion, les esprits
commencent à s'inquiéter des intentions et des
sentiments de l'empire russe; un revirement
Fonds A.R.A.M