rétablir l'ordre par tous les moyens. L ' E u –
rope n'a rien fait pour que le Sultan inter–
prétât ses conseils dans un sens plus humain
et les Turcs croient en conséquence que les
Puissances demeureront spectatrices pas–
sives de ces crimes. Le résultat sera l'anéan–
tissement complet des chrétiens dans les
quatre vilayets. Dans cette éventualité, les
insurgés ne peuvent restreindre leur action
à l'attaque des troupes régulières. Des re–
présailles impitoyables auront certainement
lieu, dont les grandes puissances porteront
la responsabilité.
L A PRESSE HAMIDIENNE ET M . DELCASSÉ. —
On n'a pas oublié l'extraordinaire commu–
niqué par lequel les journaux hamidiens
annonçaient que le président de la Répu–
blique française était émerveillé par la pros–
périté croissante des finances ottomanes et
la hausse si naturelle des fonds turcs. Après
M . Loubet, l'honorable M . Delcassé vient
d'être victime de semblables inventions.
Sur la foi du
Malumat,
la plupart des
feuilles tolérées à Constantinople ont
publié, le
20
et le
21
août, qu'au cours d'une
entrevue avec le chargé d'affaires ottoman,
notre ministre «
aurait déclaré que dans
tous les cercles officiels on est satisfait de
ce que les désirs impériaux de Sa Majesté
le Sultan louchant les provinces de Rou–
mélie sont exécutés avec plein succès » ;
c'est-à-dire qu'en d'autres termes, M . Del–
cassé aurait manifesté une grande admi–
ration pour les massacres, viols, incendies
et autres procédés conformes aux désirs
impériaux de Sa Majesté : i l y a des poli–
tesses auxquelles ne sauraient consentir
même des diplomates qui n'eussent point
toujours affirmé, comme M . Delcassé, des
intentions plus humaines et i l est calom–
nieux d'attribuer à celui-ci le langage de
certains rédacteurs de la
Kolnische Zeitung.
Mais si l'envoi d'une division d'escadre
dans le Levant, pour protéger les nationaux
français, ne suffisait pas à démentir l'infor–
mation du
Malumat,
on pourrait observer
qu'à la date indiquée par le journal turc, le
ministre des affaires étrangères était absent
de Paris.et qu'ainsi il n'a pu tenir aucun
des propos qui lui sont mensongèrement
attribués. Bien que les fantaisies de la presse
hamidienne n'aient pas grande importance,
il eût peut-être mieux.valu que l'ambassade
de Constantinople prît soin de rectifier ses
extravagances très ingénieusement concer–
tées.
U N E INTERVIEW DE M U N I R P A C H A .
Quel–
ques esprits mal faits, en France, n'ajoutent
pas entière créance aux communiqués de la
Sublime Porte et d'Yldiz. Ce n'est pas cepen–
dant faute de journaux iurcs imprimés en
français, à Paris; leurs rédacteurs poussent
la sollicitude envers Abdul Hamid, souve–
rain toujours calomnié, jusqu'à craindre
que le pauvre homme et ses subordonnés
ne soient en mauvaise posture devant l ' Eu –
rope; ils « font même la remarque que le
télégraphe et une bonne partie de la presse
semblent au service ou bien en faveur des
insurgés, tandis que la Turquie paraît aban–
donnée à elle-même ou réduite au régime
retardataire de rares communiqués » et
c'est ainsi que par une charité toute chré–
tienne, M . Arthur Meyer, directeur du
Gaulois,
que le duc d'Orléans traitait à la
légère d ' « ignoble juif » dans une lettre
célèbre, a envoyé un mystérieux 'person–
nage appelé Grégore auprès de Mun i r -
Pacha, afin que ce charmant homme remît
les choses au point, au point hamidien. Et
cela n'a pas traîné, Munir-Pacha a accusé
comme il convenait « les anarchistes bul–
gares » de « servir le parti toujours vivace
des pêcheurs en eau trouble, qu'il s'agisse
de politique ou de finance. » Il faut citer
sans autre commentaire le passage capital
de l'entretien où S. E . l'ambassadeur de
l'Empereur des Ottomans, explique clair
comme le jour que son Maître massacre les
Macédoniens, ainsi qu'il massacra et mas–
sacrera encore les Arméniens, par pure
philanthropie; oyez :
Voilà maintenant que l'importance des me–
sures militaires prises par la Turquie cause des
appréhensions. Vous lisez cela dans les dépê–
ches. Il suffit de lire le contraire : ce qui dimi–
nue désormais les appréhensions, ce qui pro–
duit une détente visible, ce sont précisément
ces mesures.
Oui, c'est une véritable mobilisation d'armée
que le gouvernement turc vient de réaliser.
Mobilisation achevée, il n'y a pas longtemps,
en ce qui concerne la Macédoine proprement
dite; mobilisation qui s'achève sur la frontière
de la Roumélie et autour du vilayet d'Andrino–
ple, où l'apparition et les méfaits des bandes
viennent plus récemment de se produire.
Ce sont de vastes mesures d'ensemble au lieu
de l'action partielle, de l'action par petits pa–
quets, dont nous avons eu tort de nous con–
tenter au printemps, lors du premier réveil de
l'insurrection. Un mouvement enveloppant à
grande envergure est en voie d'exécution de la
périphérie sur le centre, de façon à rabattre les
bandes en un seul point à l'intérieur de la Ma –
cédoine et à la mer dans le vilayet d'Andri–
nople.
Considérez dans ces conditions que la fin du
mouvement insurrectionnel ne se fera plus
beaucoup attendre. Mais, en outre, nous aurons
obtenu deux résultats des plus précieux.
Pré–
venir toute ejfusion de sang
inutile, d'abord.
Devant la supériorité de forces écrasantes, les
insurgés comprendront l'inutilité de la résis–
tance. Ils se rendront ou rendront leurs armes.
Nous renverrons les égarés dans leurs foyers ;
pour les coupables ou les chefs du mouvement,
la justice régulière.
Encore une fois, pas d'effusion de sang ou le
moins possible; car nous ne saurions oublier
que les insurgés locaux sont des sujets de
l'Empire, et les autres, c'est-à-dire les Bulgares,
de principauté vassale, des ressortissants de
l'Empire. Voilà les barbares que nous sommes.
L'autre résultat non moindre, c'est que nous
aurons non seulement rétabli la paix dans ces
malheureuses provinces, mais sauvegardé la
paix générale, en empêchant l'agitation macé–
donienne de nous mener par sa prolongation a
quelque conflit éventuel avec une autre puis–
sance. L'œuvre de la Turquie, dans ces cir–
constances, est, en définitive, une
œuvre de
paix
extérieure.
M A N D A T D'ARRÊT E T DÉCORATIONS.
Les
massacres ou tueries de Macédoine, d'Ar–
ménie et de Beyrouth ne distraient pas
entièrement S. M . I. du soin de poursuivre
et faire condamner quelques musulmans
suspects de Jeune Turquie. Voici le dernier
mandat d'arrêt :
Un mandat d'arrêt vient d'être lancé par le
procureur impérial près la cour criminelle de
Constantinople, contre le n ommé Chukri, ex–
directeur des postes et télégraphes à Karassi.
Chukri, qui était en extl à Chehri-Zor, a, der–
nièrement pris la fuite, et s'est sauvé en Perse,
d'où il s'est rendu à Paris. Les autorités poli–
cières ont reçu l'ordre de l'arrêter partout où
elles le trouveront.
Le service des décorations fonctionne
également à souhait, nous relevons parmi
les plus récentes :
M . E . Auguste Lemoine, citoyen français, est
nommé commandeur dans l'ordre du
Medjidié.
M . Otto Selig, fabricant de fusils à Wiesbaden,
est décoré de la
3
e
classe du
Medjidié.
S. G. M«* Gervassios, métropolitain grec
orthodoxe de Césarée, est décoré de la
2
e
classe
de
l'Osmanié.
.
Enver bey, premier secrétaire de l'ambassade
de Turquie à Téhéran, est décoré de la
2'
classe
du
Medjidié.
M*
p
Constantinos, métropolitain de Péramo,
et M<?
r
Joachim, métropolitain de Xanthi, sont
décorés de la
2'
classe de
VOsmanié.
Les RR . P P . Nicodimos et Apostolos, du
patriarcat œcuménique, sont décorés de la
4'
classe de
VOsmanié.
Un français, un allemand et quelques-
uns de ces hellènes indignes des héros de
l'Indépendance qui se font les meilleurs
soutiens du despotisme hamidien.
P. Q.
CORRESPONDANCE
Nous recevons de M . H . DE VRIES, membre de
la « Ligue Néerlandaise de la Paix par le Droit »
une généreuse lettre touchant le devoir de l'Eu–
rope. En voici la partie esentielle.
Bruxelles,
29
août
1903.
Monsieur le Rédacteur en chef,
Appartenant à une ligue, dont les mem–
bres font le rêve de la paix universelle par
l'arbitrage, nous sommes douloureusement
frappés par les nouvelles qui nous parvien–
nent de l'Orient. Quand i l y a un an, nous
Fonds A.R.A.M