nents va célébrer une date pour l u i
mémo r a b l e entre toutes, on ne peut
s ' emp ê c h e r de jeter autour de soi le
coup d'œil par lequel nous r e p é r on s
annuellement le chemin parcouru sous
l'égide de S. M . I. le Sultan Ab d u l -
H am i d .
Mais i l convient de faire remarquer,
auparavant, que, cette a n n é e , nous
avons lieu d'accueillir avec encore plus
d'empressement l'occasion p é r i od i qu e
d'exprimer à notre Mona rque notre
v é n é r a t i on et notre d é v o u eme n t . Il
semble que la p r i è r e qu i , de toutes les
parties de l'Islam, monte vers le T r è s -
Hau t pour q u ' i l accorde longue vie au
grand Calife, soit encore plus ardente.
P l u s les ans s'écoulent, plus les ann i –
versaires s'ajoutent aux anniversaires,
et plus grandit l'affection de tant de
populations pour celui qu i sait guider
cet É t a t dans le sentier difficile de la
p r o s pé r i t é et de la paix.
En vérité, à quelle é poqu e de la glo–
rieuse histoire ottomane, cet emprunt
a-t-il connu cette activité fébrile à l a –
quelle nous assistons p r é s e n t eme n t ?
Partout ce.ne sont que constructions
et réfections. A peine a-t-on cessé de
doter Constantinople d'un port euro–
péen et d'un port asiatique, d'y édifier
d'imposants édifices d'hospitalisation
et d'instruction, d'assurer la capitale de
tout un système de canalisation d'eau,
en attendant que l'on commence
l'établissement d'une seconde, — que
voici de nouvelles oeuvres qu i s'ébau–
chent.
Cependant que dans le fond de l ' A -
natolie l'on amorce la grande voie fer–
rée transanatolienne, la pioche des d é –
molisseurs marche i c i d'accord avec le
marteau des constructeurs. Que ce soit
pour aider à la paix ou pour parer aux
éventualités, cette activité est géné r a l e .
A l ' ami r a u t é , la transformation de la
flotte cuirassée se continue sans a r r ê t ,
en m ê m e temps que la grande usine de
Ze ï t o u n e - Bo u r n o u est dotée d'un ma t é –
riel exceptionnel. Le grand pont flot–
tant va être refait. L ' un i v e r s i t é a com–
me n c é à fonctionner, en attendant que
soit installée l'école des mines. E t pour
loger l'administration de plus en plus
importante des postes et des télégra–
phes, un superbe b â t ime n t , dont la
p r emi è r e pierre se pose aujourd'hui
même , va s'élever sur le meilleur em–
placement de Stamboul.
Dans les h ô p i t a u x , les annexes suc–
cèdent aux annexes. L ' hôp i t a l Ham i d i é
s'étend en quelque sorte quotidienne–
ment, et on l u i affecte les revenus de
nouvelles eaux m i n é r a l e s ; l'hospice des
indigents est doté d'une ma t e r n i t é et la
clinique de la faculté de mé d e c i n e va
en recevoir une à son tour.
La grande œu v r e du r è gn e , qu i en
sera aussi la grande idée, ne subit pas
pour cela de retard : le c h emi n de fer
du Hédjaz se poursuit sans a r r ê t et des
t r o n ç o n s s'v ajoutent pour la relier à
la mer.
To u t cela parle assez de s o i -même
pour dispenser de prolonger l ' é n umé -
ration. Voilà bien de quo i illustrer
plusieurs règnes, et tout cela ne semble
pas suffisant au souci d ' amé l i o r a t i o n s
du Souverain qu i préside en ce moment
aux destinées de l ' Emp i r e ottoman. Que
lui réserve-t-il donc encore a p r è s tout
ce qu ' i l a r é a l i s é ?
Lo r s qu ' un règne est aussi bienfai–
sant, lorsque le bien-être de la popu–
lation tient à ce point au c œ u r à son
chef, cet avenir a pp a r a î t plein de pro–
messes. L a meilleure q u ' i l puisse tenir,
c'est de le conserver longtemps à sa
tête. C'est la plus s û r e garantie du salut
de ce pays. Les prières de l ' I s l ami sme
ne doivent pas avoir d'autre objet, pas
plus que celles des nombreuses popu –
lations placées sous son sceptre.
L I R E :
L'EUROPÉEN
Courrier International Hebdomadaire
POLITIQUE, DROIT INTERNATIONAL
QUESTIONS SOCIALES, LITTÉRATURES, ART.
Direction! C h . S E I G I V O B O S
(
Paris)
Rédacteur en chef : A.-FERDINAND I I E R O L D .
24,
rue Dauphine, P A R I S (vi')
Articles de M M . Frédéric PASSY, Francis de PRESSENSÉ
John.-M. RORERTSON, Dr M . KRONENBERG. A . AULARD
Marcel COLLIÈRE, Xavier de RICARD, Raoul ALLIER,
A n d r é FONTAINAS, Pierre QUILLARD, Georges EEKHOUD.
LETTRES
de Passen, de Moush et de Yan
LETTRE DE PASSEN
14/
2
7
Juillet.
Les relations commerciales sont interrompues
entre Erzeroum et Moush par ordre du gouver–
nement. A Erzeroum sont restés seulement les
artilleurs pour défendre la forteresse et la ville.
On a envoyé une partie des soldats pour défen–
dre le fort de Khnouss, et les autres, environ
870,
sont envoyés à Moush.
Le gouvernement, pour exciter les Kurdes,,
avait fait répandre le bruit : les fédaïs se propo–
sent de massacrer spécialement les Kurdes.
Ceux-ci se préparent à marcher sur Sassoun en
grand nombre pour prendre l'offensive. La pre–
mière attaque des Kurdes est faite sur Chénik,
mais les Arméniens ont repoussé les Kurdes -
T
les soldats, au lieu de venir en aide, se dirigent
vers Moush, soi-disant pour défendre la ville.
Le vrai motif parait en être ce fait que les con–
suls anglais et russe et le vice-consul français
sont arrivés de Van à Moush, lesquels s'inté–
ressent à la situation du pays, et le gouverne–
ment ne juge pas prudent de massacrer les
Arméniens devant leurs yeux, dans la situation
actuelle.
Une autre potence a été ajoutée à la série des
potences dressées par le gouvernement criminel.
Sur un autre point de l'Arménie ensanglantée,
à Erzinghian, sous les yeux de Zéki pacha, fut
pendu notre précieux camarade Roupen, sur–
nommé Kéri, lui qui, dans le temps, faisait
trembler Erzinghian entier. Le gouvernement,
après les massacres, pour étouffer l'œuvre révo–
lutionnaire et le sentiment d'une juste vengeance
de l'Arménien, a choisi le système de la pen–
daison et de la terreur. A Erzeroum, fut pendu
Aram ; à Bayazid, Haran et le maître d'école
Khatchadour; à Bitlis, le maître d'école Markar;.
à Andrinople, Bedross et Onnik; à Erzinghian,
Kéri...
Cet hiver aussi, fut pendu à Moush un pau–
vre homme, nommé Nazar, qui avait tué sa
femme pour avoir embrassé l'islam.
L E T T R E D E M O U S H
20
juin-3 juillet
1903.
Le bruit a couru qu'une bande de révolution–
naires est passée à Sassoun. Le Gouvernement
fit cerner, par les soldats, la plaine de Moush eL
fit surveiller les routes et les passages. Cela a.
duré
1
5
jours pendant lesquels le paysan armé–
nien n'osait même pas se rendre à son champ.
Bien que le siège fut levé, i l y a quelques jours,
un autre système vint le remplacer. Les soldats
attaquent de nuit les villages arméniens, ils
tirent en l'air des coups de fusil et ils attendent;
nous ne savons pas à quoi ils veulent arriver
par là ; est-ce pour attirer de nuit le paysan
dehors et le fusiller, ou bien est-ce pour savoir
si le paysan arménien possède des armes, afin
de perquisitionner chez lui et de s'en emparer ?
cette dernière supposition semble plus probable,
car quand une bande armée rentre dans le pays
les Turcs croient qu'elle vient distribuer des
milliers d'armes aux paysans arméniens.
Depuis trois semaines les soldats se transpor–
tent dans le vilayet de Bitlis, on ne sait encore
dans quel but. A Sassoun se trouvent des sol–
dats en assez grand nombre, mais ils n'ont fait
encore aucun mouvement pour l'attaque. Nous
apprenons d'une source authentique, que le
Gouvernement a prodigué des encouragements.
aux tribus Kurdes pour qu'elles s'unissent aux
soldats et attaquent les Sassouniotes et les
révolutionnaires. L a réponse de quelques-unes
des tribus a été très brève et sage; celles-ci ont.
déclaré : « Dans le temps vous nous avez pous–
sés aussi à agir de même, mais quand des ins–
pecteurs européens arrivèrent, vous avez fait
tomber toute la responsabilité sur nous, comme.
Fonds A.R.A.M