nombreuse s'est présentée au catholicos et l'a
prié de repousser la décision du gouvernement;
ensuite, une délégation de jeunes gens, et, en
troisième lieu, une délégation de femmes se
sont présentées dans le même but.
A u moment où le catholicos quittait Alexan–
dropol, le peuple s'est massé sur la route en si
grand nombre, que la voiture ne pouvait plus
avancer. Un gendarme s'est permis de monter
dans la voiture et de s'asseoir à côté du catho–
licos, en croyant qu'il allait faire peur à la
foule et la calmer. Le peuple, profondément
indigné, l'a fait descendre par force de la voi–
ture, en lui criant : « Misérable, vous dépassez
la mesure! descendez vite! là n'est pas votre
place. »
A Erivan, quelques milliers d'Arméniens ont
fait monter en voiture l'évêque Sukias Parziantz,
l'ont fait passer avec des démonstrations solen–
nelles devant la maison du gouverneur d'Eri-
van, pour le conduire à Etchmiadzin. La police
a voulu disperser les manifestants. L'évêque a
fait remarquer : « Mes ouailles veulent m'ho-
norer, de quel droit les en empêchez-vous ? »
Mais avant leur arriver à Etchmiadzin, le com–
mandant militaire d'Erivan fit diriger insensi–
blement la foule vers une vallée, et donna
l'ordre aux soldats postés sur la colline de tirer
sur la foule. Heureusement, le catholicos ap–
prenant ce qui se passait, se hâta d'envoyer le
vardapet Karapet, qui parvint à conjurer la
catastrophe.
Le prince Galitzine, à l'initiative personnelle
duquel on doit ce crime, craint pour sa vie. On
dit qu'il porte maintenant une cuirasse sous
ses habits. Le peuple est furieux contre lui.
Deux fois, pendant qu'il traversait la forêt, on a
tiré sur lui, mais les balles n'ont pas pénétré.
L'indignation du peuple est redoublée par le
fait que dans un article publié à son instigation
dans le « Kavkaz », l'organe officiel du Cau–
case, le prince Galitzine a insulté le clergé ar–
ménien en faisant dire que «cette décision a été
prise dans l'intérêt de l'Eglise arménienne, étant
donné que le gouvernement russe administrera
bien mieux les biens ecclésiastiques que le
clergé arménien qui les gère très mal. »
Les « aratchnorts » (chefs religieux) de toutes
les paroisses, réunis à Etchmiadzine, avec les
membres de la congrégation d'Etchmiadzine,
ont décidé de donner au gouvernement russe
une réponse dans ce sens : « Depuis
16
siècles,
le peuple arménien a confié l'administration des
biens de son Eglise à nous seuls, c'est-à-dire au
clergé élu par lui; ces biens ne sont pas à nous,
mais au peuple ; nous ne pouvons pas donner
à d'autres ce qui ne nous appartient pas. Si le
gouvernement nous les prend de force, nous
donnerons notre démission. » Les « aratch–
norts » ont écrit au synode de leur paroisse
d'envoyer des instructions formelles aux con–
seils, aux desservants, aux moines de toutes les
églises et couvents, de ne rien faire sans ordre
d'Etchmiadzine, et de ne donner aucun signe de
consentement à la demande du gouvernement.
Le catholicos a déjà écrit au Conseil des mi–
nistres russe. Or, plusieurs jours s'étant écoulés
depuis, et ne recevant aucune réponse, il a en–
voyé une dépèche au tzar pour lui demander
une audience, afin de lui donner en personne
les explications nécessaires.
Si le gouvernement russe persiste dans sa
décision, cette attitude aura les conséquences
suivantes : Les Arméniens transféreront à Sis
(
Cilicie, Turquie d'Asie) le siège central de
l'Eglise arménienne, c'est-à-dire qu'ils recon–
naîtront le catholicos de Sis comme le chef
suprême de l'Eglise arménienne (cela ne dépend
que de la volonté du peuple arménien). .
2
°
Pas un Arménien de Russie ne donnera
ni ne léguera plus un centime à n'importe
quelle institution publique se trouvant en Rus–
sie ; ils feront leurs donations à des institutions
nationales se trouvant en Turquie (où malgré
le régime tyrannique, le gouvernement ne
touche pas aux biens des Eglises, des couvents
et des écoles), en Perse, dans les colonies ar–
méniennes d'Europe et d'Amérique.
3
° Les Arméniens de Russie qui, jusqu'ici
n'avaient consacré leurs forces qu'au dévelop–
pement de leur nationalité, seront désormais
naturellement entraînés vers le mouvement
révolutionnaire russe, pour l'aider à renverser
un régime barbare qui opprime toutes les natio–
nalités se trouvant sous son joug, et qui tout en
se donnant officiellement comme « protecteur
des chrétiens d'Orient », dévalise une église
antique et vénérable qui a rendu les plus grands
services au christianisme.
T i f l i s ,
28
a o û t .
M . de Plehwe a répondu au catholicos que
le tzar l'invite à se soumettre immédiatement à
l'ukase, sinon son attitude aurait de graves
conséquences.
La catholicos a répondu par dépêche que lui
et toute la congrégation préfèrent donner leur
démission plutôt que de consentir à accepter
les nouvelles mesures.
On dit que dans le Conseil des ministres une
vive discussion s'est élevée ; ceux qui étaient
opposés au projet se montraient disposés à
démissionner eux-mêmes si le gouvernement
s'obstine à vouloir réaliser cette mesure-absurde
et inique.
Tiflis,
12
septembre.
D'après une information du
Kavkas,
environ
un millier d'Arméniens se sont réunis le 3i cou–
rant, non loin de Jelizavetopol, près de l'église
arménienne, pour protester contre la remise à
l'administration de l'Etat des biens des églises
arméno-grégoriennes, ordonnée par un ukase
du
25
mai, et pour préconiser un mouvement
de résistance ouverte contre l'exécution de cette
loi.
La police a invité les manifestants à se dis–
perser. Ses avis ayant été vains, et la foule ayant
jeté des pierres contre les agents, ceux-ci se
replièrent sur le centre de la ville, et la troupe
fut appelée. A leur tour, les officiers prièrent la
foule de se disperser. Celle-ci leur répondit par
une grêle de pierres et des coups de revolver.
Quelques agents de la police et un soldat furent
blessés. La troupe fit alors usage de ses armes;
son feu eut pour résultat de disperser la foule.
Le nombre des tués, d'après ce qu'on a pu
jusqu'ici déterminer, est de
27.
Il y a un certain
nombre de blessés.
S a i n t - P é t e r s b o u r g ,
14
septembre.
D'après lejournalLe
Caucase,
une rencontre
s'est produite hier à Tiflis entre la police et la
foule, après une distribution de proclamations
arméniennes.
Quelques agents de police ont été légèrement
blessés par la foule ; une personne a été mortel–
lement blessée par des pierres et des coups de
revolver.
(
Havas.)
f
lîti(~l 'îti ^r"ïfirnA*f o •
*
*
D'autre part, le
Novoé Vrémia
an–
nonce que le Catholicos a pub l i é un
«
G o n t a g » , sorte d'encyclique^ laquelle
défend au synode a r mé n i e n d ' E t c h –
miadzine de complaire à la réalisation
de cette mesure.
Ce m ê m e journal, qu i pendant les
massacres de
1896-97
publiait des ar–
ticles ouvertement provocants contre
les A r mé n i e n s , emploit aujourd'hui un
langage aussi insinuant, et a p r è s les i n –
tellectuels a r mé n i e n s , i l attaque le
clergé a r mé n i e n qu i a osé manifester
de l'opposition. De fait, les rapports de
l'Eglise a r mé n i e n n e et du gouverne–
ment russe sont réglés par le « Po l o -
genié » (sorte de concordat) qu i ne
peut être a b r og é de cette façon.
Il est évident, dit le
Novoé Vrénia,
qu'Etch-
miadzine est tombé dans la voie des ennemis
de la Russie. Nous ne sommes pas en France,
et Etchmiazine ne sera ni fermé ni aboli, mais
il est essentiel que la loi du
12
juin soit exécu–
tée, et elle le sera.
Nous voulons espérer que la" réunion des
évêques arméniens pour la bénédiction des
huiles saintes, trouvera prudent de ne pas
s'opposer à l'exécution de cet ordre, afin de ne
pas obliger le gouvernement russe à reviser le
Pologenié, qui date déjà de trop longtemps.
Cette opposition ne saurait d'ailleurs aboutir à
autre chose...
...
Si on veut nous menacer du retrait du
Catholicos dans un couvent de Jérusalem, cette
mesure ne pourrait être terrible que pour les
Arméniens. Mais nous espérons que le clergé
arménien se rendra compte de l'inutilité de cette
opposition.
.
&
.
L ' A N N I V E R S A I R E I MPÉR I AL
d'après les journaux turcs
Par i m p a r t i a l i t é , nous c r o y o n s utile de r e p r o d u i r e
l'article c o n s a c r é à l a gloire de S . M . I. p a r l e
Serpet,
j o u r n a l de T a k i r - b e y , m a î t r e chanteur et
favori d ' A b d - u l - H a m i d , m a l g r é ses m é s a v e n t u r e s
r é c e n t e s . L e s articles des autres j o u r n a u x de C o n s –
t a n t i n o p l e ne le c è d e n t pas en sottise et en bassesse
à celui d u
Servet;
i l e n est q u i sont s i g n é s par des
F r a n ç a i s , familiers de l'ambassadeur de l a R é p u –
b l i q u e , et correspondants de grands j o u r n a u x de
P a n s .
L'Orient a connu ton xèle
infatigable;
De tes vastes Étals au contour
formidable
Tu portes seul le lourd
fardeau
Vingt-sept ans de puissance ont affermi ta gloire
Et depuis pingt-sept ans l'inconstante
victoire
N'a pas déserté ton
drapeau.
C'est à de certains moments qu'ap–
pa r a î t plus évidente l'envergure des
grands souverains. A l'heure où l'em–
pire des deux mers et des trois conti-
Fonds A.R.A.M