et même heureuse, sous l'administra–
tion de Vorontzoff; et plus tard, de
1865
à 1881, sous celle du grand duc
Michel, frère d'Alexandre II, grand
oncle du tsar actuel.
A cette époque, i l y eut un grand
développement des écoles et des So–
ciétés de bienfaisance et dans la hié–
rarchie administrative, non seulement
tous les grades et fonctions étaient ac–
cessibles aux Arméniens, mais encore
on les choissait de préférence, en r a i –
son de leur connaissance du pays qu'ils
habitaient depuis plus longtemps ;
ceux-ci en retour étaient extrêmement
loyalistes à l'égard du gouvernement.
Aussi bien forment-ils un appoint
important dans l'armée russe : 50,000
hommes environ. Pendant la guerre
avec la Turquie, ils fournirent quel–
ques-uns des meilleurs généraux Ter-
ghucassef, Lazareff, Alhaseff; et l'un
des plus illustres hommes d'Etat libé–
raux russes, le comte Loris Melikoff,
conseiller très écouté d'Alexandre II,
était un Arménien.
Après le grand duc Michel, la réac–
tion commença sous le prince Doun-
doukoff Korsakoff, gouverneur pro–
visoire de la Bulgarie. IIy eut quelque
rémission pendant la période de Che-
remetieff, homme doux et maladif.
Mais c'est surtout depuis la nomina–
tion du prince Galitzine (décembre
1896)
que des mesures de véritable r é –
pression ont été prises contre les A r –
méniens. A l'époque où celui-ci prit
possession de son gouvernement, aux
Arméniens indigènes étaient venus s'a–
jouter à peu près 40,000 réfugiés
échappés aux massacres que l'on tâcha
de renvoyer en Turquie par tous les
moyens possibles.
Après un an de résidence, le prince
Galitzine adressa au tsar un rapport
où i l indiquait le « danger a rmén i en »
et proposait un plan de russification.
Il importe de donner tout d'abord une
analyse de ce rapport, qui a été na–
guère publié par le
Times.
L E RAPPORT DU PIUNCE GALITZINE
L'idée maîtresse de ce document,
idée exprimée maintes fois par le
prince Lobanoff dans des conversa–
tions diplomatiques, c'est que le «mou–
vement a rmén i en aspire à la restau–
ration de l'Arménie indépendante du
passé ».
Jusqu'ici i l a été confiné dans les
classes intelligentes des villes et le
clergé a rmén i en , sans atteindre les
classes rurales. Le prince Galitzine
rend alors compte en ces termes d'une
visite faite au catholicos Khr imi an ,
celui qu'on appelle
hairig,
lepetit père :
En septembre dernier, je visitai le pa–
triarche suprême de tous les Armén i en s à
Etchmiadsin et, en décembre, Sa Sainteté
me rendit ma visite à Tiflis. Les conver–
sations que j'eus avec l u i me convainqui–
rent que, àcause de son âge avancé, i l
n'est pas suffisamment indépendant, mais
se trouve sous l'influence des prêtres de
son entourage qui poursuivent leurs idées
personnelles et excitent les tendances sé–
paratistes de leurs compatriotes. Leur idée
est une Armé n i e grande et unifiée. Ils
inspirent au patriarche de ne pas se con–
former à nos lois et le poussent à placer
son autorité spirituelle au-dessus de la
l o i . 11 est ainsi amené à agir dans un sens
qui n'est pas conforme aux vues du gou–
vernement.
J'expliquais à Sa Sainteté que ses or–
dres permanents dans les matières concer–
nant la juridiction du Synode d'Etchmiad-
sin pouvaient causer de grandes compli–
cations en ce qui regarde la propriété et
les affaires domestiques de son troupeau
et j'insistai sur la nécessité de conformer
ses instructions aux.volontés de la l o i .
Je suis convaincu, après étude du
sujet, que la tendance des conseillers du
patriarche qui veulent le placer en dehors
de l'influence des autorités de l'Etat et de
leurs organes, doit donner au peuple la
fausse notion que le Catholicos occupe une
position exceptionnelle et presque indé–
pendante. Cela engendre dans des esprits
ignorants une idée de son importance,
non seulement comme chef spirituel de
l'Eglise a rmé n i e nn e , mais aussi comme le
représentant de l'unification des Armé –
niens de Transcausie et des États asia–
tiques voisins.
Dans mon opinion, les autorités gou–
vernementales doivent insister sur la
stricte observation de la l o i par le pa–
triarche et le Synode d'Etchmiadsin.
(
L'empereur a écrit en regard de ces
mots : « Evidemment. »)
Comme avertissement et pour p r éven i r
des désordres dans le Synode, j ' a i recom–
mandé l a démission de deux archiman–
drites, membres du Synode, nommés Va -
kan Der-Grégoriantz et Nakhapeta Nakha-
petianz, le dernier secrétaire particulier
du patriarche.
Je demandai leur bannissement hors
de Transcaucasie et Votre Majesté sanc–
tionna cette mesure le
12
novembre der–
nier.
Le transfert des écoles paroissiales au
Ministère de l'Education d'après le décret
de Votre Majesté, du
14
j u i n
1897,
est ex–
t r êmeme n t important, comme de nature à
protéger la génération qui grandit contre
l'influence délétère du clergé a rmé n i e n .
Les prêtres a rmén i en s refusèrent de se
conformer aux nouveaux règlements.
Conséqucmment, par ordre de l'autorité
supérieure du Caucase, en
1896,
et au
commencement de l'année
dernière,
3'20
écoles arméniennes ont été fermées.
I l restait encore
3
i écoles ouvertes;
mais
un certain nombre d'entre elles ont été
fermées dans la suite pour cause d'incom–
pétence des professeurs, ou parce que le
clergé agissant d'après les instructions du
patriarche, refusait les fonds pour leur
entretien.
Par décret du
11
avril
1892,
toutes les
écoles protestantes de Transcaucasie et de
l'établissement de Sarcpta à Saratoff ont
été transmises au département impérial
de l'éducation avec toutes leurs propriétés
et fonds. Dans le décret du
14
j u i n
1897,
rien, i l est vrai, n'est dit sur le transfert
des propriétés des écoles a rmén i enne s ;
mais cela était compris implicitement, car
les écoles sans les moyens nécessaires
pour les conserver deviendraient inutiles !
Je demande donc l a sanction de Votre
Majesté pour le transfert de la propriété
des écoles a rmén i enne s fermées. (Sa Ma –
jesté a ajouté : « C'est la méthode à em–
ployer. »)
Il faut faire remarquer que les fonds
et propriétés des écoles de l'Église ar–
ménienne en Transcaucasie ont été
donnés dans la plupart des cas par des
personnes privées et des sociétés, dans
l'intention formelle d'avoir des enfants
élevés sous la surveillance du clergé
a rmén i en . Le transfert de ces proprié–
tés au gouvernement russe dans de
telles conditions est donc regardé par
les Arméniens russes comme un acte
d'injustifiable confiscation et une oppo–
sition très énergique a été faite à cette
mesure odieuse.
(
A suivre).
R .
L_ E BLOC
Gazette hebdomadaire
TAU
G. CLEMENCEAU
A d m i n i s t r a t i o n :
7,
rueCardinet,
P a r i s
ABOXXKMKXT
:
F r a n c e et Colonies . . . . 25 fr.
K l ranger
20 —
Fonds A.R.A.M