ne pa r a î t pas faire preuve d'une ingénio–
        
        
          sité très grande. Après avoir épuisé les
        
        
          caisses provinciales, elle recourt à l'ordi–
        
        
          naire procédé des emprunts usuraires :
        
        
          elle tâche d'obtenir une avance de cinq
        
        
          millions de l a Deutsche Rank et de sept
        
        
          millions de l a Banque ottomane pour
        
        
          payer les fournisseurs de l'armée, verser
        
        
          un mois aux fonctionnaires à l'occasion
        
        
          des fêtes du Courban-Baïram.
        
        
          
            POLICE TURQUE.
          
        
        
          —
        
        
          U n correspondant de
        
        
          Va r na nous renseigne au long sur l'un des
        
        
          plus récents exploits de Chefik bey, Arab-
        
        
          Chéfik, ministre de la police.
        
        
          M . M . E . . . , sujet bulgare, d'origine ar–
        
        
          mén i enne , était, depuis dix ans, comp–
        
        
          table de la Compagnie du chemin de fer
        
        
          d'Anatolie. I l demeurait à Kadi-Kenï, qui
        
        
          bien que situé sur l a rive asiatique du
        
        
          Bosphore est considéré comme un fau–
        
        
          bourg de Constantinople. A la fin de sep–
        
        
          tembre dernier, i l reçut l'ordre de se p r é –
        
        
          senter au plus vite au ministère de l a po–
        
        
          lice, et y fut conduit en effet, après de
        
        
          longues pérégrinations de corps-de-garde
        
        
          en corps-de-garde. On le relâcha. Peu
        
        
          après, i l fut convoqué à nouveau, et cette
        
        
          fois comparut devant Chéfik bey en per–
        
        
          sonne qui l u i donna l'ordre de se p r é p a r e r
        
        
          à partir dans les huit jours pour E s k i -
        
        
          chéhir, à trois cents kilomètres de Haï-
        
        
          dar-Pacha, sur la ligne d'Anatolie.M. M . E .
        
        
          a à sa charge une famille de quatre per–
        
        
          sonnes, sa femme et trois fils, âgés de
        
        
          
            18,
          
        
        
          
            16
          
        
        
          et i a ans : i l demanda à savoir au
        
        
          moins, avant d'abandonner les siens, de
        
        
          quoi i l était inculpé. Une telle question
        
        
          seule était criminelle : aussitôt le ministre
        
        
          éclata en propos furieux et déclara à
        
        
          M . M . E . que la décision était irrévocable
        
        
          et que si, dans les huit jours, i l n'était pas
        
        
          parti, on l'incarcérerait aussitôt.
        
        
          La Compagnie allemande des chemins
        
        
          de fer d'Anatolie ne fit pas l a moindre dé–
        
        
          marche en faveur d'un employé qui avait
        
        
          démissionné d'un poste avantageux dix
        
        
          ans auparavant pour venir à Ilaïdar-Pa-
        
        
          cha : le directeur se contenta de l u i déli–
        
        
          vrer un bon certificat et d'y
        
        
          r
        
        
          ajouter quel–
        
        
          ques mots de compassion banale.
        
        
          L'Agence Bulgare, au contraire, agit
        
        
          selon sa coutume avec beaucoup plus
        
        
          d'énergie que ne font les r ep r é s en t an t s
        
        
          des grandes puissances dans des cas
        
        
          analogues. Tout ce qu'elle peut obtenir,
        
        
          c'est que M . M . E . , au lieu d'être envoyé
        
        
          envoyé en exil à Eskichehir — selon toute
        
        
          probabilité i l aurait été supprimé en
        
        
          route ou une fois arrivé à destination on
        
        
          aurait accusé de sa mort le climat malsain
        
        
          de l a petite ville marécageuse — serait
        
        
          expulsé du territoire ottoman.
        
        
          Cela même ne se fit pas sans qu'il ait
        
        
          eu à donner d'importants
        
        
          
            bakchichs
          
        
        
          tant
        
        
          au ministre de l a police qu'à ses subor–
        
        
          donné s .
        
        
          Chéfik bey auparavant avait bien voulu
        
        
          dire au premier drogman do l'agence
        
        
          bulgare que M . M . E . était parfaitement
        
        
          inoffensif et que sa conduite n'avait ja–
        
        
          mais donné lieu à aucun soupçon. Son
        
        
          seul crime, dénoncé par un mouchard
        
        
          anonyme, c'était d'avoir été au collège
        
        
          Chanazar le camarade de classe de M . Minas
        
        
          Tchéras, l'honorable directeur de
        
        
          
            l'Ar–
          
        
        
          
            ménie,
          
        
        
          homme modéré s'il en fut et qui
        
        
          ne passa jamais pour un fougueux révo–
        
        
          lutionnaire. Le doux ministre daigna
        
        
          ajouter qu'il croyait agir dans l'intérêt de
        
        
          M . M . E . en le frappant d'expulsion :
        
        
          car du moment qu'il avait été une fois
        
        
          suspecté par l'entourage du Sultan, on
        
        
          songerait tôt ou tard à le faire dispa–
        
        
          r a î t r e sommairement ; en quoi Chéfik,
        
        
          bien servi par ses souvenirs et l'expé–
        
        
          rience qu'il a du ma î t r e et de ses procédés,
        
        
          disait la vérité par fortune, contrairement
        
        
          à sa coutume.
        
        
          
            FONCTIONNAIRES EN FUITE.
          
        
        
          —
        
        
          Le lieute–
        
        
          nant de marine Mahir-bin Nazif effendi,
        
        
          de l a corvette
        
        
          
            Heyber Numa,
          
        
        
          en rade de
        
        
          Smyrne, s'étant sauvé à Londres, a été
        
        
          rayé du cadre des officiers. A u cas où i l
        
        
          retournerait en Turquie, i l sera arrêté
        
        
          par la police et livré à la justice.
        
        
          P. Q.
        
        
          
            La russification des Arméniens
          
        
        
          
            au Caucase
          
        
        
          Notre éminent collaborateur Francis
        
        
          de Pressensé indiquait, dès le premier
        
        
          numé r o de
        
        
          
            Pro Armenia
          
        
        
          que l'exis–
        
        
          tence de l a race a rmén i enne , en tant
        
        
          que race proprement dite, gardant sa
        
        
          langue et ses coutumes héréditaires
        
        
          était gravement menacée non seule–
        
        
          ment par les massacres turcs, mais
        
        
          aussi par le despotisme administratif
        
        
          russe. I l y a, en effet, au Caucase une
        
        
          très importante population a rmén i enne
        
        
          — 1,900,000
        
        
          à 2,000,000 selon les der–
        
        
          nières statistiques — qui est depuis
        
        
          quelques années soumise à un régime
        
        
          de vexations analogues au système
        
        
          récemment inauguré en Finlande : là
        
        
          aussi s'exerce l'influence du terrible
        
        
          procurateur du Saint Synode, Pobe-
        
        
          donostseff, férocement hostile à tout ce
        
        
          qui n'est pas slave et orthodoxe.
        
        
          Il serait injuste de dire que cette
        
        
          politique soit traditionnelle à l'égard
        
        
          des Arméniens, qui connurent des pé –
        
        
          riodes heureuses sous la domination
        
        
          russe.
        
        
          Dès l'époque de Pierre le Grand et
        
        
          de Catherine II, ils avaient fait appel
        
        
          à la protection de ces souverains. Ils
        
        
          ne reçurent alors que de bonnes pro–
        
        
          messes sans autre effet.
        
        
          E n 1829, lorsque le traité de Turk-
        
        
          mentehaï donna à la Russie la partie
        
        
          est de la Transcaucasie jusqu'aux
        
        
          sources de l'Aras, une importante
        
        
          quantité de la population a rmén i enne
        
        
          se trouva de ce fait annexée et avec
        
        
          elle Etchmiadsin et le monastère où
        
        
          réside le Catholicos, primat de l'Eglise
        
        
          a rmén i enne .
        
        
          En 1836, une ordonnance ou
        
        
          
            Po-
          
        
        
          
            logénié
          
        
        
          régla les conditions d'exis–
        
        
          tence de la communau t é a rmén i enne
        
        
          et définit la situation hiérarchique du
        
        
          Catholicos. A ce moment déjà, i l y
        
        
          eut quelques tentatives d'assimilation
        
        
          et d'union plus complète et l'on fait
        
        
          remarquer du côté russe que les diffé–
        
        
          rences entre l'Eglise a rmén i enne et
        
        
          l'Eglise orthodoxe étaient assez mini–
        
        
          mes. Les Arméniens se trouvèrent
        
        
          offensés plus dans leurs sentiments
        
        
          patriotiques que dans leurs préjugés
        
        
          religieux, l'autonomie de leur Eglise
        
        
          équivalant pour eux surtout à une
        
        
          sorte d'autonomie nationale. Hachadur
        
        
          Abovian, dans
        
        
          
            La Plaie de l'Arménie,
          
        
        
          et Nalbendian exprimèrent avec véhé–
        
        
          mence l'opinion de leurs compatriotes.
        
        
          Mais i l n'y eut alors aucune persé–
        
        
          cution et quand en 1859, après la dé –
        
        
          faite de Schamyl qui avait résisté
        
        
          hé r o ï quemen t aux envahisseurs, la
        
        
          Transcaucasie devint réellement terre'
        
        
          russe, les Arméniens s'y installèrent
        
        
          en grand nombre, et le Caucase devint
        
        
          ainsi une province semi-arménienne :
        
        
          dans certaines villes depuis lors, l'élé–
        
        
          ment a rmén i en domina par le nombre,
        
        
          l'intelligence et l'activité, par exemple
        
        
          à Tiflis, Schemacha, Shusha, Bakou et
        
        
          Erivan. Plus tard, en 1878, une immi –
        
        
          gration importante se produisit dans
        
        
          les territoires enlevés à la Turquie, à
        
        
          Ardahan, Kars et Batoum. Les Armé –
        
        
          niens alors étaient les bienvenus, ser–
        
        
          vant d'interprètes et d'intermédiaires
        
        
          entre les populations hostiles.
        
        
          Au reste, leur situation fut tolérable
        
        
          Fonds A.R.A.M