L e commandemen t de la garde de nuit
est confié à huit g é n é r a u x qui se sont acquis
par leur parfait loyalisme les bonnes grâces
du ma î t r e . Deux d'entre eux sont de garde
chaque nuit à tour de rôle ; ils sont respon–
sables de la fidélité des officiers et soldats
qui sont placés sous leurs ordres. E t pour
les encourager à se bien conduire envers
leurs ma î t r e s , chefs et soldats touchent
ré–
gulièrement,
par nuit de garde, une haute
paie :
Deux généraux à 5o livres
100
L . T .
Un colonel
40
L . T .
Un major
35
L . T .
Un capitaine
3
o L . T.
205
L . T .
Chaque soldat touche
1
livre, soit de ce
fait encore 5o L . T . env i r on , pour le moins.
C'est donc au moins
2
bo
L . T . que coûte la
garde des appartements particuliers chaque
n u i t ;
ibo
L . T . ou un peu plus de 5.5oo fr.,
c'est-à-dire près de deux millions de francs
par an. C'est beaucoup plus que la Bête ne
vaut. Ma i s ces p r é c a u t i o n s m ê m e s sont i n u –
tiles. L ' h ô t e non invité qu i l'abattra quelque
j ou r se cache peut-être p a rmi les huit g é n é –
raux et les gardes d'élite; i l suffit que l ' un
de ces hommes se sente, une nuit, me n a c é
par H a m i d , en quelque accès d ' é p o u v a n t e
et d e d é m e n c e , pour q u ' i l le supprime avant
d'être s u p p r i m é par l u i . Et i l y aura le len–
demain grande liesse dans tout l'empire.
PRESSE HAMIDIENNE.
Le
10
a oû t , les
journaux turcs de langue française a nnon –
c è r e n t ainsi l'assassinat d u consul Ro s -
towski :
Ambassade de Russie.
Nous apprenons
avec un profond regret le décès, survenu ven–
dredi
21
août, de M . Rostkowsky, consul de
Russie à Monastir. Le défunt était un homme
de grand avenir et dont la carrière déjà bien
remplie le faisait hautement considérer de son
gouvernement. Ajoutons que sa serviabilité,
son abord affable et ses grandes qualités de
cœu r lui valaient l'affection de ses ressortis–
sants et la rapide sympathie de tous ceux qui
l'approchaient. M " ' Rostkowsky, sa veuve déso–
lée, est née princesse Dabija; nous lui adres–
sons, ainsi qu'à tous ceux que ce deuil cruel
atteint, nos respectueuses condoléances.
Un service funèbre pour le repos de l'âme du
consul russe, M . Rostkowsky, sera célébré en
la chapelle de l'ambassade de Russie.
S. A . 1. le prince Ahdmed effendi, fils de
S. M . 1. le Sultan, a été, à Buyukdéré, présenter
à l'ambassadeur les condoléances de S. M . I. le
Sultan.
L e
12,
i l fallut bien rédiger une note un
peu différente. L'avis officiel fut ainsi
établi :
Nous avons appris avec regret que le
26
du
mois, à deux heures et demie, alors que
M . Rostkowsky, consul russe de Monastir, ren–
trait en ville, il a été tué par un soldat. Le gou–
vernement turc, prenant en considération les
bonnes relations qui existent heureusement
entre lui et le gouvernement russe, a exprimé
ses regrets pour l'attaque et le crime commis
sur un fonctionnaire ayant caractère officiel.
Le gouvernement a décidé d'arrêter l'auteur de
ce crime pour le remettre à la Cour martiale
spécialement formée; de le soumettre à un ju–
gement, lui et ses complices, s'il s'en trouve, et
d'édicter un châtiment; de révoquer Al i Riza
pacha, vali de Monastir, ainsi que le colonel,
le commandant et le lieutenant des agents de
police; de payer une indemnité convenable à la
famille de la victime. D'autres mesures ont été
également prises. Nous exprimons nos regrets
sincères pour cet incident tragique dont on ne
pouvait parler qu'après un examen authen–
tique.
C'est aussi après un examen authentique
et m û r e réflexion qu'ils écrivent, sur l'état
des choses en Ma c é d o i n e , des notes c omme
celles-ci, choisies au hasard, tandis que les
journaux d'Europe s'obstinent à publier des
nouvelles défavorables et calomnieuses sur
les Bachibouzouks du Sultan et sur l'exten–
sion de l'insurrection :
La réorganisation des tribunaux, du service
de la gendarmerie et de celui de la police à
Radovichti a pris fin. Des gardes-champêtres
ont été désignés pour les villages.
L
'
Ikdatn
apprend que les autorités viennent
d'arrêter
3
o,
malfaiteurs à Louma et
43
autres à
Prizerend.
Tabsin-effendi, directeur des finances du caza
de Pétritch, a été relevé de son poste pour
inconduite.
L'Officiel
de Salonique annonce que les
bandits bulgares, persuadés qu'ils ne pourront
plus échapper aux poursuites dirigées contre
eux par le Gouvernement Impérial, ont com–
mencé à se rendre et à demander l'aman. Ainsi,
le fameux chef Manifar, fils d'Anastase, du vil–
lage de Véléch, relevant du caza de Petritch,
vient de se constituer prisonnier. En confor–
mité d'un iradé Impérial, sa grâce lui a été
accordée par le Gouvernement. D'autre part, le
chef de bandes Constantin et ses acolytes,
Stoyan et Dimitri, ainsi que les bandits Troyan
et Athanase, Lighor et un autre Athanase; se
sont rendus et ont remis leurs armes aux auto–
rités Impériales.
L E S U L T A N ET LA C A T A S T R O P H E DU M É T R O –
POLITAIN.
Hamid-effendi a e n v o y é au
P r é s i d e n t Loubet le t é l é g r amme suivant à
la nouvelle de la catastrophe d u Mé t r o p o –
litain :
Je viens vous exprimer mes regrets à l'occa–
sion du déplorable accident du chemin de fer
de Paris qui a entraîné malheureusement la
perte d'un grand nombre d'hommes.
A B D - U L - HAM I D .
M . Loubet a r é p o n d u :
Je suis touché des sentiments que Votre
Majesté m'a exprimés au sujet de l'accident du
Métropolitain et je la remercie vivement.
EMILE LOUBET.
T e l est d u mo i n s le texte d o n n é par les
j ou r naux français de F r a n c e ; les journaux
turcs de langue française l'ont j u g é trop
sec; ils y ont ajouté quelques épithètes :
Vivement ému et reconnaissant pour les sen–
timents exprimés par Votre Majesté Impériale à
l'occasion de la catastrophe du Métropolitain,
je m'empresse de présenter à Votre Majesté mes
plus profonds remerciements.
LOUBET.
L a d é p ê c h e primitive de M . Em i l e Loubet
était, croyons-nous, rédigée en tout autres
termes; en voici la suscription et le sens
g é n é r a l :
Assassin, Constantinople.
Vos regrets me
surprennent. Ce n'est pas par ma volonté que
les victimes du Métropolitain ont succombé,
mais par un coup tragique du destin. Je m'é–
tonne qu'ayant ordonné regorgement de trois
cent mille Arméniens et l'incendie de la cathé–
drale d'Orfa où étaient réfugiés trois mille vieil–
lards, femmes et enfants, vous osiez vous
apitoyer sur une catastrophe d'aussi médiocre
importance auprès de celles que vous organisez
si .savamment avec la complicité des puissances
européennes.
M . Constans, dont on c o n n a î t les senti–
ments de bonne am i t i é à l'égard du sultan,
se serait refusé à transmettre à l ' Omb r e de
D i e u la d é p ê c h e irrespectueuse du président
de la R é p u b l i q u e .
DÉCORATIONS.
Les j ou r n a ux turcs d u
10
a o û t enregistrent les d é c o r a t i o n s sui–
vantes :
Le major Yénissardi, directeur de la police
d'Athènes, a été décoré, par S. M . I. le Sultan,
de la
3"
classe de
l'Osmanié.
M . Barène, correspondant de
l'Agence Na–
tionale,
à Athènes, a reçu la
4'
classe du
même ordre.
Il est tout naturel que S. M . I. r é c om –
pense les fonctionnaires de la police hellé–
nique qu i n ' h é s i t e n t pas à l u i livrer « les
agitateurs et brigands bulgares » arrêtés en
Thessalie, ainsi que les publicistes qu i en–
voient d ' A t h è n e s à leurs agences des dépê–
ches hamidophiles.
Par contre, on s'étonne de lire dans les
j ou r naux d u 5 a o û t :
Distinction honorifique.
M . Babut, vice-
consul de France à Erzeroum, a été n ommé ,
par S. M . I. le Sultan, officier dans l'ordre
impérial de
l'Osmanié.
L a Bête se m é p r e n d é t r a n g e m e n t en
croyant que le vice-consul d ' E r z e r o um,
obligé d'accepter ses d é c o r a t i o n s infamantes,
cessera de faire c o n n a î t r e dans ses rapports
que de concert avec les a u t o r i t é s imp é r i a l e s ,
les Kurdes et les h am i d i é s se p r é p a r e n t à de
nouveaux massacres a r m é n i e n s . Ma i s pour
éviter à ses r e p r é s e n t a n t s d'aussi fâcheuses
avanies, le gouvernement français devrait
imiter l'exemple de la R é p u b l i q u e helvé–
tique et leur interdire d'accepter, au moins
en T u r q u i e , aucune d é c o r a t i o n pendant
qu'ils sont en activité de service.
P . Q .
Fonds A.R.A.M