gnés, le crime est prouvé par témoins, mais il
n'y a point d'arrestation, mais quand un Turc
est tué, de nombreux Arméniens remplissent la
prison.
Le
7
du mois, le gouvernement, toujours pour
la même affaire, arrêta Chamiram, chef du vil–
lage et deux paysans, car un jour avant l'assas–
sinat du soldat, celui-ci aurait passé par ce
village comme voyageur.
Vous avez sans doute appris le tremblement
de terre qui eut lieu dans la nuit du
i 5
avril, il
fut pour ainsi dire aussi salutaire pour les Ar –
méniens de notre province et des provinces
voisines, que terrible par le spectacle des mai–
sons écroulées et des cadavres restés sous les
,
décombres. Soit ici, soit à Van, ainsi qu'à
Khnouss, les Turcs déclarent aujourd'hui pu–
bliquement* que les Arméniens peuvent rendre
grâce à Dieu qu'un si terrible événement ait
eu lieu comme un châtiment divin; et nous
avons renoncé ànotre intention de massacrer
les Arméniens. »
« —
Arméniens, disent les Kurdes, si ce
tremblement de terre avait eu lieu deux jours
.
après, aujourd'hui, grand nombre de vous au–
raient été envoyés à l'autre monde. »
En effet, nous avons échappé à un grand
massacre dont le plan semblait déjà être propo-
posé ; mais la mauvaise impression produite
par le tremblement de terre passa aussi;
les musulmans ont commencé à oublier que
plusieurs de leurs careligionnaires avaient été
les victimes du sinistre et les voilà qui regardent
de mauvais œil les Arméniens. Et l'Arménien
qui se voit toujours en danger, se demande si
un autre tremblement de terre aura lieu de nou–
veau pour échapper à*un massacre qui menace
de l'anéantir...
Vous pouvez juger de l'imminence dudan–
ger par la lettre ci-dessous, reçue de mon ami,
de Boulanikh, en date du 6 courant:
«
Mon bien aimé,
« 11
nous est impossible désormais de souffrir
dans les mains de ces Kurdes barbares ; ils
nous ont sucé notre sang, et de plus tous les
Kurdes d'ici sont excités comme des loups san–
guinaires ; nous sommes dans la terreur et
l'épouvante nuit et jour. Croyez-moi, cher ami,
voilà i5 jours que dans notre village (mon ami
est du village de E...), tout le monde se tient la
nuit, devant la porte de sa maison, un bâton à
la main ; est-ce pour nous protéger avec un
bâton ou bien est-ce pour sauver notre vie en
prenant la fuite en cas de danger? Je ne saurai
vous le dire. Depuis neuf jours, la terreur
générale augmente de plus en plus. Izzet bey,
avec
45
cavaliers, circule dans le district; nous
ignorons le motif ; tout ce que nous savons c'est
qu'on ne regarde pas les Arméniens d'un bon
œil.
«
En outre, le Kaïmakam, par son attitude, a
doublé notre épouvante. Tous les deux jours
il se rend au village de Hafri, pour s'entretenir
avec les cheiks ; nous savons par expérience, que
cela a lieu seulement dans les jours où l'on se
prépare au massacre.
« 11
ne faut pas m'interroger au sujet des
pillages ; cher ami, qui ne sait notre situation
ici ; il y a à peine trois jours qu'on emporta
200
moutons,
7
mulets et
5
bœufs du village de
Gho, où il y a trois bataillons de soldats et où
réside le Kaïmakam avec ses fonctionnaires;
aucun soldat ne bougea pour faire restituer le
butin.
«
Les assassinats sont sans nombre. Notre
sentiment général est qu'un mouvement révo–
lutionnaire nous serait salutaire; qu'on nous
passe tous au fil de l'épéc. Pour l'amour de la
liberté, si vous avez une nouvelle consolante,
communiquez-nous là. »
Ma lettre est tellement éloquente par elle-
même que je ne veux même pas y ajouter un
mot. Une nouvelle authentique ou fausse suffit
pour mettre le Gouvernement sur pied.
L I R E :
L'EUROPÉEN
Courrier International Hebdomadaire
POLITIQUE. DROIT INTERNATIONAL
QUESTIONS SOCIALES, LITTÉRATURES. ART.
Direction:
O h . S E
I
G I V
OJB O
S
(
Paris)
R é d a c t e u r en chef : A.-FERDINAND I I E R O L D .
24,
rue Dauphine, P A R I S (vi
e
)
Articles de MM*. Frédéric PASSY, Francis de PRESSENSÉ
John.-M. ROBERTSON, D
1
'
M . KRONENBERG, A . AULARD
Marcel COLLIÈRE, Xavier de RICARD, Raoul ALLIER,
A n d r é FONTAINAS, Pierre QUILLARD, Georges EEKHOUD.
LE NOUVEAU PAPE
E T
l es ^Vr*méïiiens
Dans son numéro de septembre, le
Ba\ma-
vep,
revue des mékhitaristes de Venise, publie
une biographie du pape Pie X . Nous tradui–
sons un passage particulièrement intéressant
sur les bonnes relations qui existaient entre le
cardinal de Venise et la savante et illustre
compagnie de San Lazaro :
Sa biographie.serait privée d'une re–
marquable partie, si je ne rappelais ses
aimables relations, familières et pater–
nelles, avec le chef de la C o mm u n a u t é
mé k h i t a r i s t e et m ê m e avec chacun de
ses membres. Celle-ci, i l y a deux
ans, fêta le jubilé de son bi-centenaire,
le cardinal Sarto présida les fêtes. Il v
porta même un toast t e rm i n é par ces
paroles :
«
L'Europe doit à l'Orient sa reli–
gion et ses progrès,
le peuple
arménien
est aunombre des fils légitimes de
l'Orient, qui, à travers des" milliers de
revers et de. précautions,
n'a pas
perdu son caractère
lucide, ses belles
qualités, grâce auxquelles il appartient
plutôt à l'Occident
civilisé
d'aujour–
d'hui qu'à l'Orient.
C'est la plus
grande partie des fils de cette grande
nation, que nous voyons ici réunie,
qui fête le deuxième
centenaire de leur
fondation...
Nous lui souhaitons d'au–
tres jubilés encore en lagloire de leur
nation et de leur patrie, car. l'Armé–
nie est notre pairie à tous... »
Il p r o n o n ç a ces paroles avec tant
de verve que les applaudissements ne
cessèrent pas de plusieurs minutes.
Le m ê m e jour l'envoyé de S. B. K h r i -
mian «H a i r i g » me disait : « P l us j'ob–
serve, plus j'admire la modestie de ce
patriarche cardinal. Il est cardinal de
Rome et i l est possible qu ' i l devienne
pape un jour. Quelle h o n n ê t e et noble
conduite! »
Quand i l rencontrait n'importe quel
Mé kh i t a r i s t e i l demandait quel était
l'état des membres éloignés de la c om–
m u n a u t é et l'état de la nation ; et i l
était heureux quand i l recevait de bon–
nes nouvelles. L u i qui à Venise dési–
rait le bonheur de la nation, n'oubliera
pas de son siège pontifical ce peuple
qui l u i était si cher, ainsi que tous
ceux de ce peuple qui l'avaient connu
gardaient de lui en leur c œ u r un cher
souvenir.
11
faut souhaiter qu'en effet le Pape en ce qui
touche les Arméniens demeure semblable au
Patriarche de Venise : i l lui sera malaisé de
recevoir en grand apparat les représentants
de l'Assassin, fussent-ils de hauts dignitaires de
l'Eglise arménienne catholique porteurs de ri–
ches cadeaux et de ne pas prononcer quelque
jour une parole de réprobation contre l'Egor-
geur de trois cent mille hommes de ce peuple
«
qui par son caractère lucide et ses belles
qualités appartient plutôt à l'Occident civilisé'
qu'à l'Orient ».
R.
LIRE :
I > 11 : INFOKMAT ION
Editeur el Bédacleur :
Josef GRAF
Arienne, Piaristengasse, 26
Nouvelles d'Orient
L A RUSSIFICATION DES A RMÉ N I E N S AU C A U –
CASE.
—
De nouveaux détails parviennent
peu à peu sur les circonstances dans les–
quelles le gouvernement russe a confisqué
lés biens de l'Église arménienne. La majo–
rité des membres du gouvernement était
opposée à cette mesure. Le ministre des
Finances fit même observer qu'un tel acte
nuirait au crédit de la Russie. Si, en effet,
on confisquait ainsi des biens dont on avait
promis de respecter la propriété, quelle
sécurité demeurerait pour les personnes,
russes ou étrangères, qui auraient à prêter
Fonds A.R.A.M