rieur ; malheureusement l'ordre n'arrivait
        
        
          pas ; les beys turcs avaient ailleurs une autre
        
        
          occupation, surtout le célèbre Rifate bey, le
        
        
          boxer turc (âgé de quarante à quarante-cinq
        
        
          ans, d'une
        
        
          famille noble, kaïmakam
        
        
          militaire), qui, outre qu'il est l'auteur de
        
        
          tous les maux commis dans le pays, est en
        
        
          même temps l'auteur des brigandages,
        
        
          comme i l a été prouvé plus d'une fois ; le
        
        
          susdit se hâte de courir vers Polomori,
        
        
          négocie en personne avec le chef des bri–
        
        
          gands, Cheikh-Hassan, et le chef de tribu,
        
        
          Bako, de qui i l prend beaucoup d'argent et
        
        
          d'autres effets ; i l apporte pareillement une
        
        
          partie des biens du consul et if les lui remet;
        
        
          et d'après sa promesse i l fait des supplica–
        
        
          tions à qui de droit ou faveur de son pro–
        
        
          tégé ; mais à Dersime les singeries pour les
        
        
          réformes continuent. Le consul resta ici
        
        
          seulement six à sept jours et de là i l partit
        
        
          pour Gamakh; son camarade partit aussitôt
        
        
          pour Erzeroum.
        
        
          Le gouvernement tardait à faire le pas
        
        
          décisif, comme s'il attendait l'ordre par
        
        
          écrit ; pour négocier avec les Kurdes, le
        
        
          kaïmakam militaire, Yaver effendi, est envoyé
        
        
          au village de Gernœrouk près du susdit
        
        
          village de Djendjigné, habité par des
        
        
          Kurdes ; celui-ci négocie en personne avec le
        
        
          sudit Bako, en lui demandant de se sou–
        
        
          mettre ou de se réconcilier; L'agha kurde
        
        
          répond ainsi : « Moi, je ne serais pas révolu–
        
        
          tionnaire ou brigand si votre gouvernement
        
        
          ne m'avait pas offert l'occasion; donc mes
        
        
          actes sont dirigés contre le gouvernement
        
        
          plutôt que l'effet d'un caprice individuel; si
        
        
          vous levez des soldats contre nous, nous
        
        
          autres nous sommes prêts à combattre. »
        
        
          Les soldats attendaient sur les montagnes
        
        
          désertes; les négociations restèrent sans
        
        
          résultat; et voici que comme si l'ordre par
        
        
          écrit depuis longtemps attendu fût arrivé,
        
        
          le vali de la ville, Assaf fâcha, le porta en
        
        
          personne au lieu où se trouvait l'armée. Le
        
        
          contenu de l'ordre par écrit était l'anéantis–
        
        
          sement de Dersime. Nous autres nous
        
        
          n'avions pas une raison pour ne pas y croire,
        
        
          puisqu'on avait donné une si grande impor–
        
        
          tance à l'affaire du moins extérieurement, et
        
        
          surtout qu'il y avait la réclamation d'une
        
        
          grande Puissance étrangère. Mais quelle
        
        
          déception ! la montagne en travail enfanta
        
        
          une souris, d'après la fable ; le chien n'a pas
        
        
          mangé de la chair de chien ; le susdit pacha
        
        
          à son arrivée, ordonne d'abord d'incendier
        
        
          un ou deux villages qui étaient déjà vides ;
        
        
          ces villages incendiés étaient : Polomori, à
        
        
          une distance de deux à trois heures, vers le
        
        
          sud, Pandjrasse, Tchirek, (chacun avec
        
        
          quinze et vingt-cinq maisons), Daghbeg, et
        
        
          quelques autres étables...; les Kurdes ne se
        
        
          repentent pas encore et le mutessarif en
        
        
          personne commence à négocier avec des
        
        
          menaces et des promesses; en s'adressant
        
        
          particulièrement au susdit Bako et à un chef
        
        
          de brigands, Mehmed, fils d'Oulache ; i l
        
        
          obtint encore une réponse négative ; cette
        
        
          fois-ci (d'après l'ordre écrit qu'il avait à la
        
        
          main sans doute) i l mande près de lui quel–
        
        
          ques Kurdes innocents au nombre de dix à
        
        
          quinze dans lesquels se trouvaient un ou
        
        
          deux aghas (et qui n'avaient aucune raison
        
        
          pour ne pas venir); ils sont arrêtés comme
        
        
          les vrais révolutionnaires et ils sont empri–
        
        
          sonnés ; l'incident est ainsi clos.
        
        
          Certes, i l n'est pas sans intérêt, de citer
        
        
          les faits suivants : quand le mutessarif
        
        
          était occupé à incendier les villages,
        
        
          ailleurs le susdit Bako entrait dans le village
        
        
          de Meghatzig, dans la plaine de Erzinghian,
        
        
          avec quelques camarades ; i l faisait nuit ;
        
        
          il veut aller chez Je moukhtar qui est un
        
        
          riche, pour en tirer vengeance parce qu'il
        
        
          avait signé la circulaire qui confirme que les
        
        
          Kurdes sont révolutionnaires, dans l'une des
        
        
          rues du village, ils blessent un autre Turc au
        
        
          nez et à la lèvre pour les avoir conduits à un
        
        
          endroit faux, c'est-à-dire chez un Arménien;
        
        
          le moukhtar turc averti, prend la fuite; les
        
        
          Kurdes s'éloignent. Le lendemain, les Turcs,
        
        
          pour tirer leur vengeance des Arméniens,
        
        
          accusent devant le gouvernement l'un des
        
        
          notables du village, Kirazian Toross (âgé de
        
        
          quarante-cinq à cinquante ans) comme com–
        
        
          plice de Bako ou comme cachant les choses
        
        
          volées, lequel est aussitôt emprisonné avec
        
        
          les soi-disant Kurdes révoltés; quinze ou
        
        
          vingt jours avant ma présente lettre, on
        
        
          a photographié officiellement les Kurdes
        
        
          arrêtés; la première photographie avait été
        
        
          tirée, à une distance de deux heures de la
        
        
          ville, vers l'ouest, près de la caserne de
        
        
          Hamidié, dans les montagnes; les Kurdes
        
        
          combattent, dans leur position, les fusils à
        
        
          la main, avec les soldats ; des soldats les
        
        
          environnent d'un autre côté, comme si c'eût
        
        
          été le lieu de la bataille (si jamais combat a
        
        
          eu lieu)... mais la dernière et la troisième fois
        
        
          on les a photographiés, dans d'autres endroits
        
        
          sous différentes formes, c'est-à-dire, leur
        
        
          arrestation, etc.; leurs armes et d'autres effets
        
        
          chargés sur des chevaux et environnés de
        
        
          soldats sont apportés à la ville; tout cela,
        
        
          certes, a pour but, ainsi que toujours, de
        
        
          jeter la poudre aux yeux de l'Europe et non
        
        
          pas autre chose.
        
        
          
            
              (
            
          
        
        
          
            
              A suivre.)
            
          
        
        
          NOUVELLES D'ORIENT
        
        
          E x
        
        
          
            MACÉDOINE.
          
        
        
          
            —
          
        
        
          Le dimanche
        
        
          
            10
          
        
        
          fé–
        
        
          vrier, S. E . Sinowielf, ambassadeur de
        
        
          Russie, a été reçu en audience particu–
        
        
          lière par le Sultan. I l semble chargé de
        
        
          jouer à l'égard des Macédoniens un rôle
        
        
          analogue à celui qui fut imposé à M . de
        
        
          Nelidoff, lors des massacres d ' Armén i e . I l
        
        
          a été convenu en effet entre l u i et son
        
        
          sanglant interlocuteur « que n i l a Tur–
        
        
          quie, n i la Russie, n i les autres puissances
        
        
          ne toléreraient les incursions des
        
        
          
            comités
          
        
        
          en Macédoine ».
        
        
          S. E . Sinovvieff a blâmé « l a patience
        
        
          des autorités turques à l'égard des agita–
        
        
          teurs » et r e commandé « les mesures les
        
        
          plus rigoureuses », tout en laissant en re–
        
        
          pos « les populations inoffensives et en
        
        
          évitant les incarcérations sans motif suf–
        
        
          fisant ».
        
        
          Les paroles prononcées par le représen–
        
        
          tant du tsar ont eu un résultat immédiat
        
        
          :
        
        
          trois compagnies de nizams, dès le n fé–
        
        
          vrier, ont été envoyées d'Uskub à Ichtib
        
        
          pour « r ép r ime r de nouvelles tentatives
        
        
          de troubles des représentants du comité
        
        
          macédonien ».
        
        
          Quelques jours après, on annonçait au
        
        
          
            Times
          
        
        
          la formation à Salonique d'un corps
        
        
          spécial de gendarmerie, destiné à pour–
        
        
          suivre les brigands bulgares.
        
        
          E t en attendant mieux, de nombreuses
        
        
          arrestations étaient opérées à Me l n i k et à
        
        
          Strumnitza ; à Salonique même, seize Ma –
        
        
          cédoniens, dont deux instituteurs étaient
        
        
          jetés en prison. Dans le nombre se trou–
        
        
          verait un ancien sergent de l'armée bul–
        
        
          gare et un prisonnier souffrant d'une
        
        
          blessure qu'il reconnaît avoir reçue dans
        
        
          un engagement avec les troupes turques.
        
        
          U n troisième s'est tué d'un coup de revol–
        
        
          ver et son corps a été r appo r t é à Salo–
        
        
          nique, ainsi qu'une grande quantité de
        
        
          couteaux, revolvers, cartouches et de do–
        
        
          cuments compromettants dont, bien en–
        
        
          tendu, plusieurs lettres plus ou moins
        
        
          apocryphes de M . Savalof, président du
        
        
          comité macédonien.
        
        
          On a pu juger par les innombrables
        
        
          attentats et sévices que nous avons relatés
        
        
          dans les précédents numé r o s du sort ré–
        
        
          servé aux Macédoniens : jusqu'ici les au–
        
        
          torités turques agissaient avec « une blâ–
        
        
          mable patience ». S i désormais elles pro–
        
        
          cèdent avec rigueur, selon les bienveillants
        
        
          conseils de S. E . Sinovvieff, l a bastonnade
        
        
          sera donnée deux fois par jour au lieu
        
        
          d'une dans les prisons; et les villages épar–
        
        
          gnés jusqu'ici seront brûlés jusqu'à l a
        
        
          de r n i è r e maison, pour l a plus grande
        
        
          gloire de l a diplomatie européenne.
        
        
          M .
        
        
          
            LOUBET ET LES FONDS TURCS.
          
        
        
          L ' i n -
        
        
          formation mensongère des journaux turcs
        
        
          qui représentaient, en un communiqué offi–
        
        
          ciel, M . Loubet, président de l a Républi–
        
        
          que française, comme un admirateur du
        
        
          budget ottoman et un agent financier i n –
        
        
          vitant les pères de famille à remplir leur
        
        
          portefeuille de fonds turcs, série B , C ou
        
        
          D , n'a pas encore été rectifiée. I l est bien
        
        
          entendu que l'honorable M . Loubet est
        
        
          fort au-dessus des insinuations calom–
        
        
          nieuses inventées par Mu n i r bey et pro–
        
        
          pagées par Abd-ul-Hamid. Mais s ' i l né–
        
        
          glige de s'occuper de ces deux personnages
        
        
          essentiellement méprisables, le ministre
        
        
          des affaires étrangères devrait faire res–
        
        
          pecter en Turquie le chef de l'État fran–
        
        
          çais et jusqu'à nouvel ordre cesser toutes
        
        
          relations avec Mu n i r bey, auteur premier
        
        
          d'une infamante allégation.
        
        
          
            TRÉSOR VIDE.
          
        
        
          —
        
        
          L a mirifique commis–
        
        
          sion des finances instituée par le Sultan
        
        
          pour trouver des ressources nouvelles et
        
        
          parachever l a ruine du trésor et du pays
        
        
          Fonds A.R.A.M