exemple, i l avait été invité à venir à Saint-
P é t e r s b o u r g avec d'autres chefs des c om–
mu n i o n s religieuses tolérées en Russie par
le Saint-Synode pour délibérer sur les
moyens de propager dans les populations
l'esprit religieux. Ch a c u n des pasteurs su–
p r ême s apportait une ou plusieurs proposi–
tions. Il fallait r é p a n d r e plus de bibles,
pensait l ' u n ; placer plus d'ecclésiastiques,
disait l'autre. L e Saint-Synode, naturelle–
ment, était d'avis que tout devait devenir
russe orthodoxe, que c'était le meilleur et
le plus s û r moyen et q u ' i l avait c o n v o q u é
l'assemblée p r é c i s éme n t pour p r é c o n i s e r ce
moyen. Seul le catholicos a r m é n i e n se tai–
sait et souriait après chaque proposition.
Qu a n d à la fin on l u i demandait son opi–
n i o n , car i l passait pour un homme très
avisé, mais qu'on redoutait à cause de son
esprit et de ses sarcasmes, i l r é p o n d i t :
«
S ' i l faut venir en aide à la religion,
D i e u devrait me donner pour u n jour sa
toute puissance et mettre tous ses anges à
ma disposition. S ' i l le faisait, j'ordonne–
rais aux anges de courir par toute la terre
et quand ils rencontreraient un ecclésiasti–
que, de le tuer. Qu a n d le dernier ange se–
rait revenu et m'aurait a n n o n c é q u ' i l n'y a
plus d'ecclésiastique sur terre, je l u i don–
nerais c omme dernier ordre de me tuer
aussi. I l y aurait alors peut-être quelque
chance que la religion regagnât parmi les
peuples en c o n s i d é r a t i o n et en influence. »
O n peut penser que soïis u n tel chef, le
sol n'était pas bon pour le fanatisme et les
criailleries d'église et que l'école pouvait se
d é v e l o p p e r plus librement qu'en maint
pays d'Europe.
A . I.
Nouvelles d'Orient
E N M A C É D O I N E .
L e ministre anglais des
affaires é t r a n g è r e s , en faisant quelques r é –
serves sur le modeste plan de r é f o rme s
austro-russe, accordait, non sans ironie, un
délai de trois ans aux auteurs de cette m i r i –
fique et prestigieuse invention avant de
porter sur elle u n jugement définitif; i l n'a
pas fallu un an pour d é mo n t r e r l'inanité
des soi-disant amé l i o r a t i o n s célébrées sur le
mode lyrique par la presse hamidienne et
m ê m e par divers hommes d'État.
Depuis l e c omme n c eme n t d u mois d ' a o û t ,
l'insurrection g é n é r a l e a éclaté en Macé–
doine; elle s'étend aux trois vilayets et
semble devoir être beaucoup plus difficile à
r é p r i me r que celle de l'an dernier. D i x mille
i n s u r g é s tiennent la campagne, c o mm a n d é s
par Boris Sarafof, par Zankof, par d'héroï–
ques ma î t r e s d'école, par des chefs de bandes
i n e x p é r i me n t é s , c omme Totchef. Ils sont
décidés à lutter d é s e s p é r éme n t . Il est impos–
sible de dire quelle sera l'issue d u mouve–
ment présent et on peut p r é v o i r seulement
que les r e p r é s e n t a n t s des États signataires
du traité de Berlin rejetteront sur les Ma c é –
doniens toute la responsabilité des é v é n e –
ments. Ceux-ci ont le grave tort de troubler
la q u i é t u d e de l'Europe officielle qu i les
laisse opprimer et massacrer après leur
avoir promis de les protéger contre le des–
potisme asiatique; on ne trouvera pas de
mots assez violents pour flétrir « les atten–
tats r é v o l u t i o n n a i r e s » dans les journaux
bien pensants à la solde de la Bête, qu i
c o n s i d è r e n t comme véniels les plus effroya–
bles massacres quand ils sont o r d o n n é s par
u n sultan.
Qu a n d H a m i d fit pendre, le m ê m e jour,
à An d r i n o p l e , des r é v o l u t i o n n a i r e s a r m é –
niens et ma c é d o n i e n s , i l manifesta tragique–
ment la solidarité qu i existe entre tous les
o p p r i mé s de son empire. Quant à l'Europe
officielle, i l sied qu'elle fasse grâce à ceux
qui vont mo u r i r par sa faute de ses hypo–
crites consolations et de ses blâmes" i mm é –
rités. Le s r e p r é s e n t a n t s subalternes qu'elle
a en Ma c é d o i n e y font leur devoir ma l g r é
leurs chefs h i é r a r c h i q u e s ; ils ont dit la
vérité voilà longtemps et il suffirait de relire
les dépêches de M . Steeg ou de M . C h o u -
blier pour comprendre que ce qu i arrive
n'est point accidentel, mais inévitable.
Le consul russe Chtcherbina et mainte–
nant le consul russe de Monastir, Ros -
towski, ont payé de leur vie les intrigues de
leur gouvernement : ils n'ont pas été assas–
sinés par les
comiladjis,
mais par de fidèles
serviteurs d ' Ab d - u l - Ham i d . L e consul
russe Ma n d e l s t amm subira vraisemblable–
ment le m ê m e sort : i l a été établi, en effet,
que la situation de la Ma c é d o i n e empirait
de jour en j ou r ; que les troupes turques
non payées vivaient sur l'habitant déjà
r u i n é par le fisc ; que non contents de r é q u i –
sitionner des aliments, les serviteurs de la
Bête, c omme en A r m é n i e , enlevaient et
violaient les femmes et les enfants et qu'en–
fin « aussi longtemps qu'on ne mettra pas
un frein à la soldatesque turque tous les
efforts des puissances pour introduire des
r é f o rme s en Ma c é d o i n e resteront vains. »
Il faut supprimer un t émo i n aussi gê –
nant: i l n'y a pas en effet, pour les i n s u r g é s
ma c é d o n i e n s , de meilleure justification que
son rapport.
L A PRESSE HAMIDIENNE.
Les journaux
de toutes langues, tolérés à Constantinople,
ont p u b l i é , le 6 a oû t , sous le titre
En Tur–
quie dEurope,
un audacieux c o mm u n i q u é
hamidien touchant les r é f o rme s en Ma c é –
doine. Il faut noter q u ' à cette date l'insur–
rection générale avait éclaté pour mieux
g o û t e r la saveur de cette page :
Le programme d'améliorations élaboré pour
la T u r q u i e d'Europe et à l'application duquel
on procède, a commencé à porter des fruits.
Pour s'en faire une idée, i l
eter u n
coup d'céïl sur les résultats obtenus quant à
l'administration judiciaire.
Les juriconsultes sont d'accord pour attester
que le système judiciaire ottoman est en rapport
avec les exigences, et qu'il ne le cède en rien à
celui des autres Etats européens. Le système
judiciaire adopté par la T u r q u i e comporte trois
sortes de tribunaux : les tribunaux pénaux,
civils et c omme r c i a u x . Des postes de procu–
reurs généraux, des notariats, des bureaux
exécutifs et des parquets on t été créés pour
assurer la bonne distribution de la justice.
T o u t récemment et aux termes de l'iradé de
S. M . I. le Sultan promulgué relativement à la
réorganisation judiciaire de la T u r q u i e d ' E u –
rope,
1
33
nouveaux tribunaux ont été institués
dans les cazas (districts) qui en étaient jusqu'ici
dépourvus, ei plus de 200 docteurs en droit de
la faculté de Constantinople ont été nommés à
ces nouveaux postes.
Peu de temps s'est écoulé depuis que le gou–
vernement ottoman a appliqué le nouveau pro–
gramme d'améliorations, et déjà de toutes parts
se manifestent des tendances q u i démontrent
combien la population de cette partie de l ' E m –
pire ottoman est satisfaite des dispositions
prises par le gouvernement en vue d'augmenter
son bien-être. Les démonstrations de satisfac–
tion se suivent régulièrement, et de multiples
adresses de remerciements parviennent à Sa
Majesté Impériale au sujet de l'efficacité des
mesures appliquées.
D'ailleurs, les vues d u gouvernement otto–
man ne se limitent pas à ce q u i précède. Des
ordres, sont partout transmis pour donner une
nouvelle i mp u l s i o n au commerce, à l'agricul–
ture et à l'industrie, et déjà partout des plans
sont élaborés p o u r doter ces provinces d'une
foule de créations d'utilité publique etd'institu-
tions de bienfaisance. E n moins d ' un an , les
voies de c ommu n i c a t i o n existantes seront d o u –
blées, de nouveaux centres de commerce feront
subir une déviation très favorable au commerce
et à l'industrie. L e nombre des ponts jetés est
près d'atteindre trois cents.
Cela mérite d'être enregistré avec d'autant
plus de satisfaction que les ingénieurs chargés
de ces c o n s um i o n s sont pour la plupart diplô–
més des écoles ottomanes.
De nouvelles décisions on t été prises relative
ment à la création des Banques agricoles et
d'autres institutions pour procurer des facilités
aux cultivateurs et leur fournir le moyen d'aug–
menter leur outillage.
L'instruction publique ne s'est pas moins
ressentie de l'application d u programme des
nouvelles mesures. Déjà, en moins de huit
mois, plus de 800 écoles ont été fondées en dif–
férentes localités en T u r q u i e d'Europe. Les
pièces officielles qu'on a fait parvenir au dépar–
tement compétent en font foi. D'autre part, on
s'occupe de créer des londs pour doter chaque
chef-lieu de villayet d'une école normale devant
fournir des professeurs aux écoles fondées dans
le vilayet.
Il faudrait plusieurs colonnes pour énumérer
tous les résultats qu i en doivent sortir. E n
attendant, il est inadmissible que cet état de
chose ne persuade la presse européenne de la
bonne volonté de S. M . I. le Sultan et d u gou–
vernement ottoman en ce qui concerne l'appli-
Fonds A.R.A.M