qu'elles ont, biens, meubles et immeubles,
capitaux, etc., et de les remettre au ministre
des affaires intérieures qui gérera ces biens
et en pourvoyant de leurs revenus les dé–
penses pour le soutien, des écoles sus-men-
tionnées, donnera le reste aux églises. De
cette règle ne sont pas exceptés les séminai–
res arméniens, surtout le séminaire armé–
nien Nersessian, de Tiflis, qui a de grandes
richesses. Dans l'oukase impérial i l est bien
dit que le clergé arménien garde son droit
de propriété sur ces biens, mais cette for–
mule n'est mise que pour affaiblir l'effet de
la spoliation. D'un seul coup, le gouverne–
ment russe enlève aux églises arméniennes
les biens qu'elles possédaient depuis des
centaines, depuis . plus d'un millier d'an–
nées, puisque tous ces biens sont des dons
faits par les rois et les princes arméniens et
même par les gouvernements turcs, persans
et ni les Gengis-Khan ni les Tamerlan
n'avaient osé les leur enlever.
X . X . X .
L I R E :
L'EUROPÉEN
C o u r r i e r I n t e r n a t i o n a l 1 I o 1 >d o m a < l a i r e
POLITIQUE. DROIT INTERNATIONAL
QUESTIONS SOCIALES. 'LITTERATURES. ART.
D i r e c t i o n : O h . S E I G J X T O B O S
(
Paris)
R é d a c t e u r en chef ; A.-FERDINAND
I I E Î I O L B .
24,
rue Dauphine, P A R I S (vi
e
)
Articles de M M . Frédéric PASSY. Francis de PRESSENSÉ
John.-M. RoRERTSON, D
1
'
M . KRONENBERG. A . AULARU
Marcel COLLIÈRE, Xavier de RICARD, Raoul ALLIER,
A n d r é FONTAINAS, Pierre QUILLARD. Georges EEKHOUD.
L a Main-Morte Arménienne
Notre éminent collaborateur Francis de Pres–
sensé traite, dans
Le Temps
d u 2 août, la ques–
tion de la main-morte arménienne. Voici son
article :
S'il est un gouvernement qui soit,
par définition, p r o f o n d éme n t respec–
tueux des intérêts de la religion et des
droits de l'Eglise, c'est a s s u r éme n t celui
du tsar de toutes les Russies. On sait à
quel point l ' un i on , ou p l u t ô t la fusion,
—
d'aucuns disent : la confusion, —
du pouvoir civil et spirituel est faite en
la personne et sur la tête de ce souve–
rain. On sait é g a l eme n t le rôle que joue
dans ses conseils et l'influence qu'exerce
sur ses actes le r e p r é s e n t a n t attitré de
l'orthodoxie, le p r o c u r e u r - g é n é r a l près
le Saint-Synode, M . Pob i é dono s t s e v .
Rien ne serait donc plus injuste, pour
ne pas dire plus absurde, que de prêter
aux ministres de Nicolas II et à ce
monarque l u i -même des intentions non
seulement hostiles, mais simplement
peu bienveillantes à l'égard des d é po –
sitaires de l'autorité religieuse. 11 y a
sans doute dans un Etat confessionnel
comme la Russie une différence, et une
différence fort sensible, entre le r é g ime
de faveur dont jouit l'Eglise orthodoxe
et le r é g ime qui est a c c o r d é aux Eglises
dissidentes.
L a p r emi è r e est une institution po l i –
tique. Elle fait partie i n t é g r a n t e , des
cadres officiels de la société russe. Le
Ts a r s'envisage et se con s i dè r e comme
le fils a î né , comme le champ i on , comme
le fondé de pouvoir l a ï que de ce grand
é t ab l i s s emen t . C'est la l o i e l l e -même
qui assure aux organes de cette Eglise,
depuis le plus haut placé jusqu'au plus
bas, l'ensemble des privilèges et des
prérogatives en é c h a n g e desquels elle
leur assigne un certain nombre de
devoirs.
~
On peut dire que l'Eglise grecque
orthodoxe n'est autre chose que la
Russie sous son aspect religieux; qu'il
y a qua s i - i den t i t é et superposition totale
entre la nation et elle. Ce n'est que par
tolérance et pour le mo i ndr e ma l que
le gouvernement impé r i a l a laissé sub–
sister certaines Eglises dont le dogme,
l'organisation, la discipline diffèrent
dans les parties de l'empire a nn e x é e s
ou conquises. T e l était le sort des é v a n -
géliques en F i n l ande et dans les pro–
vinces baltiques, des catholiques en
Pologne, des A r mé n i e n s g r égo r i en s au
Caucase.
Autant l'autorité se montrait i mp i –
toyable pour les non-conformistes et
les sectes dans les provinces propre–
ment russes, autant elle déployait
d'indulgence — une indulgence d'ail–
leurs toujours révocable — dans les ré–
gions dites des confins et les territoires
exotiques. Cette t o l é r anc e , cette po l i –
tique n'ont pas emp ê c h é toutefois le
gouvernement du Ts a r de prendre à
diverses reprises les mesures que le
souci de sa p r é r oga t i ve ou l'intérêt de
ia société laïque l u i ont paru com–
mander.
Il est instructif de rappeler qu'en
1
863,
quand éclata ce qui fut la der–
nière tentative de r é s u r r e c t i on de la
Pologne, Alexandre II et ses conseillers,
à tort ou à raison, p e n s è r e n t q u ' i l était
dangereux de laisser à la disposition
d'une Eglise mêlée atîx luttes des partis
la propriété de ses biens, et confis–
q u è r e n t d'un seul coup tout le patri–
moine ecclésiastique. Ce fut ainsi une
puissance conservatrice au premier
chef, qui remit à l'ordre du jour et
recommanda à l'imitation
éventuelle
de puissances plus r é vo l u t i onn a i r e s les
principes fondamentaux de cette légis–
lation de la
main-morte,
qui a i mm é -
morialement consisté dans la non-
reconnaissance de ce mode de p r op r i é t é .
La portée morale de cet exemple ou
de ce p r é c é d e n t pouvait être réduite
dans une certaine mesure, eu égard à
l'espèce d'état de guerre qu i existait, au
sens littéral du mot et sans mé t a p h o r e ,
en Pologne, et qu i faisait de cette con–
fiscation un acte d'hostilité, un fait de
belligérance pur et simple. Il n'en saurait
être de m ê m e de l'importante décision
qui vient d'être prise à l'égard de l'Eglise
a r mé n i e n n e g r é g o r i e n n e et qu i , d'un
seul trait de plume, l u i enlève la libre
gestion de ses biens pour la confier au
gouvernement. Entre les r e p r é s e n t a n t s
de cette c o mm u n a u t é et le tsar Nicolas II
il n'y a, et ne peut y avoir, que des re–
lations de paix et de bonne volonté.
Si l'ukase récent vient de porter une
atteinte grave, i r r é p a r a b l e , au droit de
p r op r i é t é de cette Eglise, c'est donc
qu'en dehors de tout accident fortuit
le Ts a r et ses conseillers estiment qu ' i l
est impossible de laisser se constituer
dans l'intérieur de l'Etat un domaine
ecclésiastique particulier.
Les A r mé n i e n s se plaignent très fort
de cet acte. Ils y voient une nouvelle
preuve de la défiance qui anime la po–
litique russe à leur é g a r d . Ils p r é t en –
dent que la gestion autonome des
deniers ecclésiastiques favorisait la
cause nationale, celle de la culture gé–
né r a l e et du p r o g r è s . Ils craignent que
d é s o rma i s le dernier vestige du patri–
moine national ne disparaisse dans les
caisses sans fond d'un r é g ime centrali–
sateur et dépen s i e r , et qu'enfin l'atti–
tude de la Russie à leur égard — atti–
tude dont cette mesure n'est qu'un
s ymp t ôm e isolé — ne finisse par déses–
pérer un peuple malheureux qu i ne
trouve point de défenseur contre la
haine me u r t r i è r e de la Tu r q u i e .
LES CAHIERS DE LA QUINZAINE
S, l'vie cle la Sorbonne
Ont publié
Mémoires et Documents pour
la Défense des Arméniens.
Fonds A.R.A.M