TROISIÈME A N N É E .
N ° 6 7 .
L e N u m é r o :
30
centimes.
1 5
A O Û T 1 9 0 3
Pro Armenia
'
RMaetur
en Chef
t
Pierre QUILLARD
Adresser
tout
ce
qui concerne ta Direction
à * M . Pierre Q U I L L A R D
L O ,
Rue ÏSTollet, Paris.
A B O N N E M E N T S
l
France
S »
Etranger
I O »
Paraissant le
I
e
'
et le i5 de chaque mois
COMITÉ DE RÉDACTION :
G . Clemenceau, Anatole France, Jean Jaurès
Francis de Pressensé, E. de Roberty
Secrétaire de rédaction i
Jean LONGUET
ADMINISTRATION '.
R u e Monsieur-le-Prince,
10
I > A J R I S
(6«
>
A B O N N E M E N T S :
France
8 »
Etranger
I O »
JPRO ARMENIA
est en vente :
à, rAdminiritration eue Monsieur-le-Prince, 10, PARIS (VI
e
)
et dans les principaux kiosques et librairies.
S O M M A I R E :
e massacres : Lettres de Moush et de Passen.
La Quinzaine : Violences hamidiennes et d é m a r –
ches d'ambassadeurs (PIERRE QUILLARD).
Nécrologie:
Charles Longuet
(
l'ro Arrnsnia).
L a .russification
<ies A r m é n i e n s au Cmease : Le lire de Saint-Péters–
bourg. —L a main-morte a r m é n i e n n e (FRANCISDE
PRESSENSÉ). •
Les écoles arménien! es et la culture
allemande (A. L ) . — Nouvelles d'Orient: E n Ma c -
doine; Presse hamidienne; Le moyen de parvenir
(
P. Q . ) .
V a r i é t é s : Les artisans a r m é n i e n s d'Er–
zinghian. — Documents : Correspondance diplo–
matique sur les affaires de Zeïtoun
(
suite).
Cra int es de Massacres
LETTRES DE MOUSH
ET DE PASSEN
LETTRE DE MOUSH
M o u s h ,
3
/
i 5 J u i n
1903.
Les soldats turcs arrivant de toutes parts en–
vahissent de plus en plus la province de Moush.
Des circulaires officielles adressées en particu–
lier aux chefs des tribus kurdes les invitent à
prendre les armes.
Des mesures sévères sont prises aussi à l'égard
de Sassoun. Des troupes de soldats y ont été en–
voyées pour surveiller divers défilés et barrer le
chemin à ceux qui s'en vont dans les mon–
tagnes.
Le
25
mai (8 juin), dimanche de la Pente–
côte, il y eut une agitation dans la ville de
Moush; on parlait de révolutionnaires arrivés
sur les montagnes et qui y auraient arboré le
drapeau arménien ; on racontait qu'Andranik et
ses camarades auraient reçu avec des salves les
nouveaux venus.
Aujourd'hui précisément un grand désarroi
règne en ville; les fonctionnaires sont réunis au
bureau du télégraphe ; on parle vaguement des
révolutionnaires, au nombre de 65 environ, qui
seraient vus à Boulanik et ayant passé de là à
Akhlat s'y trouveraient assiégés.
A Bitlis a été Créé un consulat russe; mais le
fonctionnaire désigné à ce poste n'est pas encore
arrivé. Le
27
mai
(10
juin), le consul français
d'Erzeroum est arrivé ici ; il descendit à « l'arat-
chnortaran » des Arméniens-catholiques. Le
gouvernement l'avait fait surveiller de près pour
qu'il n'eût pas de relations avec l'extérieur. Il
passa ici trois journées, et partit par la route de
Boulanik.
LETTRE DE MOUSH
3/
1
5
Juin
\
go3.
Le 3 mai, un incident a eu lieu dans le vil–
lage de Hozounk; Stefan, fils de Ohanès Nazi-
ghian, a été assassiné par un Kurde habitant le
village de Hounan.
Un Kurde barbare nommé Réval, habitant le
village de Hartert fit emprisonner
5
à
7
per–
sonnes comme révolutionnaires; en réalité, ces
personnes avaient été employées comme gardes
chez un bey nommé Tcherkess Timour. Ils res–
tèrent en prison assez longtemps et n'obtinrent
leur élargissement qu'à grand'peine.
Quinze à vingt personnes furent amenées du
village de Haghdjan et emprisonnées comme
suspects d'être les auteurs de l'assassinat inopiné
d'un Kurde. Après enquête faite, on constata que
c'étaient les Kurdes eux-mêmes qui l'avaient
assassiné, pour enlever une femme kurde;
néanmoins les Arméniens arrêtés restent encore
en prison.
Les émigrésTchatchan oppriment aussi beau–
coup les Arméniens; ils profitent de l'attitude
indifférente du gouvernement. Le gouverneur
de Moush s'en est allé en tournée d'inspection
dans les villages, pour distribuer aux « Tcha–
tchan » les terres désertes.
Le
17
mai, Setrak Aprahamian, du village de
Tiaret, a été assassiné par les Kurdes, chez sa
femme.
Le cœur ému, nous sommes obligés de vous
décrire encore une fois notre situation qui va
en empirant, car l'attitude du gouvernement
local prend une tournure différente. Il a envoyé
en province des soldats sans nombre ; les Kurdes
sont partout en masse. Quant à la plaine de
Moush, la population turque y est en grand
émoi et désire jouer son rôle le plus tôt possible.
La ville est également bloquée ; des canons
sont rangés des quatre côtés de la ville. Il faut
vous avouer que parmi les musulmans il y a
aussi deux partis; les uns désirent susciter les
troubles ; les autres déclarent : « Qu'il arrive ce
qui peut arriver; le gouvernement a ses soldats
et qu'il agisse »; voilà, telle est notre situation,
nous sommes dans l'épouvante
Bien que nons ayons écrit, précédemment, au
sujet de révolutionnaires arrivés à Akhlat et
assiégés, néanmoins le bruit n'a pas été con–
firmé, car nous n'avons eu aucune nouvelle à
ce sujet.
LETTRE DE PASSEN
8
Juillet.
Il y a deux jours, j'ai eu des nouvelles de
Knouss; une lutte avait eu lieu entre les soldats
se trouvant dans le village de Tiaret de la plaine
de Moush et un groupe d'Arméniens de l'en–
droit. Des perquisitions sévères ont été faites
dans le village, et environ
40
hommes ont été
emprisonnés. On dit que parmi les prisonniers
se trouvent seulement deux Arméniens qui
avaient pris part à la lutte.
Nous avions appris du village Dapigh, de
Sassoun, que les chefs des tribus kurdes s'y
étaient réunis en juin et avaient reçu l'ordre
d'occuper, de concert avec les soldats, toutes
les routes et les environs de Sassoun. Ce ren–
seignement nous est confirmé maintenant par
plusieurs sources.
Toute la plaine de Moush est sens dessus
dessous, mais le gouvernement tâche de cacher
ses projets. Au lieu de présenter des rapports
aux consuls au sujet de la susdite lutte, le gou–
vernement, par une politique qui lui est parti–
culière, montre comme prétexte la rébellion des
Fonds A.R.A.M