civils et les pensions sont payées moins
régulièrement que jamais. Les caisses
provinciales sont vides et les frais militaires
en Macédoine épuisent les dernières res–
sources.
Les jours annoncés par M . Paul Cam-
bon seraient-ils proches où les porteurs
de Dette trembleront pour leurs valeurs et
où les gouvernements interviendront? On
le croirait presque, à lire le discours du
Commandant Léon Berger à l'Association
des porteurs français de valeurs étrangères
(23
juillet); i l s'agissait de faire ratifier le
projet d'unifieation rédigé par M . Rouvier
et accepté parla Sublime Porte. « Le projet,
a dit le commandant Berger, est diverse–
ment jugé par ceux qui désirent une amé–
lioration immédiate et sont prêts pour cela
à sacrifier les perspectives lointaines et par
ceux qui préfèrent se contenter du revenu
présent et espèrent que, dans l'avenir, leurs
titres acquerront une haute valeur. Je me
tiens pratiquement au point de vue des pre–
miers ». Et i l ajoutait que la situation de la
Turquie n'était pas absolument sûre, bien
qu'il tienne le Sultan pour le meilleur garant
du maintie de l'ordre normal. Sans doute,
Hamid dilapide le trésor, mais i l cessera de
le faire si les créanciers de la Turquie crai–
gnent pour leur gage et si les Puissances
s'en mêlent; et ce sera le commencement
de la sagesse.
L A MALADIE DU S U L T A N .
—
Le
Tageblati,
de Berlin, en son numéro du
17
juillet,
annonçait que le Sultan était malade : les
médecins lui avaient prescrit le repos
absolu et des bains chauds. Le démenti fut
assez long à venir ; i l ne fut envoyé par les
bureaux hamidiens que le
22
juillet, dans
la forme ordinaire : « Le Sultan jouit d'une
santé excellente. » Il est probable que l'in–
formation du
Tageblati
est exacte dans son
essentiel; les événements de Belgrade ont
déterminé chez le reclus d'Yldiz une crise
de terreur et de cruauté; le journal alle–
mand doit seulement s'être trompé au sujet
du traitement : la folie furieuse se traite
bien par le repos absolu, mais on emploie
de préférence les douches froides et non les
bains chauds.
L A MA R I N E T U R QU E .
—
Le ministre de la
marine, Hassan Pacha, est mort, dans la
nuit du
26
au
27
juillet ; i l aidait son
maître à voler, pour son usage personnel,
les revenus des ponts sur la Corn.e-d'Or et
les bénéfices de la Compagnie Mahsoussé,
afférents, en principe, au budget de la ma–
rine. Son successeur, Djelal-bey, ministre
de l'Instruction publique, continuera ses
traditions. Hamid, outre k profit pécu–
niaire qu'il tire, du non-entretien de la
flotte, aurait presque aussi grand peur de
vaisseaux turcs en bon état que de cui–
rassés étrangers. 11 se souvient que lors de
la déposition d'Abdul Aziz, une partie de
la flotte bloquait le palais et empêchait toute
tentative de fuite par mer. Cependant les
journaux turcs enregistrent très sérieuse–
ment qu'en vue d'accroître la sécurité sur
le littoral d'Albanie, « deux vaisseaux bons
marcheurs seront désignés pour croiser
dans les eaux de Janina ».
L ' A V E N T U R E DE T A H I R BEY.
—
Tahir bey,
directeur du
Servet
et de quatre autres
journaux, propriétaire d'une magnifique
imprimerie, titulaire d'ordres impériaux
qui lui donnent droit au titre d'Excellence,
ni plus ni mo i n s q u ' àM. Gabriel Hanotaux;
Tahir bey, maître chanteur enrichi en sept
ans par les plus sales moyens, dont M .
Georges Dorys énumérait quelques-uns
dans le
Pro Armenia
du
25
mai
1901,
homme assez puissant pour dire en public
à son rédacteur en chef devant de nom–
breux visiteurs : « Quel est donc le numéro
du
Servet
ou a paru l'article de chantage
sur Monsieur X . . . ? » ; Tahir bey" mou–
chard impudent, aboyeur insatiable qui
s'attaquait même à Hamid, si le maître lui
faisait trop longtemps attendre une conces–
sion désirée ; Tahir bey vient de connaître
les ennuis d'une disgrâce momentanée. Sur
les quelques trente mille livres turques de
fortune mobilière qu'il possède, i l avait dis–
trait une somme importante pour un place–
ment fructueux : i l avait fait construire à
Halpi une somptueuse bâtisse à destination
de Casino; le jour de l'inauguration, les
personnes du beau monde, moyennant un
medjidié, étaient invitées à admirer les
splendeurs du monument.
Sa Majesté n'aime pas les assemblées trop
nombreuses, fût-ce aux Iles-des-Princes :
le gouverneur de Prinkipo en sut quelque
chose naguère quand i l fut exilé pour avoir
invité des amis à dîner sans autorisation.
La police secrète avait donc beau jeu. Tahir
fut à son tour dénoncé comme conspirateur:
les invitations lancées pour l'inauguration
du Casino en étaient la preuve. Il se sentit
menacé et pour conjurer l'orage, i l offrit de
vendre le Casino à la liste civile moyen–
nant
10,000
livres. Le marché ne convint
pas. Alors le drôle paya d'audace et prit
l'offensive : par trois dépêches envoyées le
même jour au palais, i l accusa le chef de la
police secrète, l'aide de camp Fehim Pacha,
de le vouloir faire assassiner. Sa Majesté
était dans un mauvais jour, mal remise des
émotions causées par la boucherie de Bel–
grade :
3
o
policiers s'assurèrent de la per–
sonne de Son Excellence Tahir bey, et le
Casino fut occupé militairement. Il ne pa–
raît pas que l'aventure doive avoir de consé–
quences graves : après quatre jours de cap–
tivité, le directeur du
Servet
a été relâché.
C A D E A U X HAMIDIENS.
—
Le prince hellène
Christople. de passage à Constantinople y
a reçu le meilleur accueil; on lui a rendu
des honneurs presque aussi grands que s'il
eut été un prince allemand, et Sa Majesté a
daigné lui faire don d'un cheval arabe. La
joie en fut si vive au palais d'Athènes que
le roi Georges a remercié le Sultan par télé–
gramme, et par télégramme aussi, la Bête a
adressé au roi Georges l'assurance nou–
velle de ses sentiments les .plus cordiaux.
On ne saurait faire moins pour le chef d'un
gouvernement qui traque les « brigands
bulgares » avec un zèle digne des pires
fonctionnaires turcs..
P. Q.
Variétés
Les Arméniens et les Européens à Tabriz
L e s
Hamburger
Nachrichten
p u b l i e n t une é t u d e
sur la s i t u a t i o n des A r m é n i e n s et des E u r o p é e n s à
T a b r i z . L e s observations de l'auteur sur la p s y c h o –
logie des A r m é n i e n s , sur les intrigues turques et
sur la p o l i t i q u e russe, tant en Perse q u ' e n T r a n s -
caucasie, et sur le danger de la propagande religieuse
en pays m u s u l m a n sont d'un t r è s g r a n d i n t é r ê t .
N o u s s o mm e s heureux de r e p r o d u i r e i n t é g r a l e m e n t
l'article d u g r a n d j o u r n a l a l l e m a n d : i l serait à
souhaiter que tous ses c o n f r è r e s eussent des A r m é –
niens une connaissance aussi p r é c i s e et aussi juste.
Sous le titre de « Mouvement contre les
étrangers à Tabriz »,
la Galette de Franc-
jort
reproduisait, dans son numéro du
8
courant, un court article emprunté à la
revue
Pro Armenia,
de Paris, dont la di–
rection et l'orientation sont excellentes. Peu
d'Européens, et encore moins d'Allemands,
connaissent Tabriz ; ils prendraient donc
peut-être intérêt à la suivante étude d'un
Allemand qui, peu après les derniers grands
massacres arméniens, passa plusieurs mois
dans la Perse du Nord et quelques semaines
à Tabriz, chef-lieu de cette province.-
Un événement dont je fus témoin servira
à caractériser la situation dans ce pays : un
jour, une grande agitation se manifesta
dans le quartier chrétien, assez étendu et
un peu à l'écart du quartier musulman,
ainsi que dans le bazar musulman, limi–
trophe du quartier chrétien. Le sujet en soi
n'avait rien d'extraordinaire : un chrétien
avait, dit-on, insulté dans la rue, une Per–
sane. On entend souvent de telles histoires,
surtout au bazar où se trouve tout ce qui
est nécessaire au corps, mais où les
racontars ne sont pas de reste. Les Armé–
niens, cette fois, prirent plus au sérieux le
bruit qui courait. Encore inquiets des mas–
sacres turcs, ils pensaient, non sans quelque
raison, que l'agitation anti-chrétienne pou–
vait gagner la Perse ; il y avait aussi des
signes que les mollahs se remuaient et
excitaient le peuple en ce sens.
Les Persans également étaient plus trou–
blés que d'ordinaire, bien que les plus réflé-
Fonds A.R.A.M