R A P P O R T DE N I P I RGUERD
(
VILAYET DE DIARBEKIR)
(
fin.)
PILLAGES.
—
H y a à peine deux mois que
l'Arménien Ghirs, deMi n k d i n g , partit d'ici
désespéré. Celui-ci, à sou retour de Halep,
rencontre, un agent près de notre district ;
ce dernier lui enlève ses 100 medjidiés, tout
son bien. Le pauvre homme lit d éma r c h e s
sur d éma r c h e s a u p r è s du gouvernement,
prouva par témoins le vol commis par l'a–
gent, mais en vain ; il ne put rien obtenir.
N'oublions pas de dire que l'agent avait
une grosse part de son vol au k a ï ma k am .
Un fait de pillage très regrettable a élé
commis d e r n i è r eme n t sur 20 Armé n i e n s de
Van. Ces pauvres gens, qui rentraient dans
leur pairie, étaient arrivés à l'endroit appelé
Darindjé-Thélani, non loin de Segherd,
quand tout à coup ils furent a t t a q u é s par
une bande de brigands kurdes et furent
pillés de tous leurs biens. C'était vraiment
navrant de voir tous ces malheureux dont
l'un avait travaillé quatre ans et les autres,
cinq, six et sept ans, loin de la patrie ; tous
à la sueur de leur froid, avaient g a g n é un
peu d'argent, et maintenant comme ils .pleu–
raient, en pensant qu'ils rentreraient affamés
et dépouillés chez eux, où les enfants leur
demanderont du pain et le gouvernement
sans cœu r exigera les i mp ô t s .
Rassoul, fils de Hadji Babigh, chef de la
tribu des Rachkissdan enlève d e r n i è r eme n t
les cinq bœufs d'un Armé n i e n de K i r i g h . Le
pauvre a rmé n i e n voyant qu'il n'avait aucun
moyen de reprendre ses bêtes, va se jeter
aux pieds de cet homme barbare et le sup–
plie d'avoir pitié de lui ; le Kurde barbare
se montre touché de ses prières et promet
de lui rendre ses bœufs à condition de lui
apporter 12 medjidiés. L'Arménien, déses–
péré, s'adresse partout et réussit à peine à
emprunter la somme d éma n d é e à un soldat
à un taux très élevé et va la porter au susdit
tyran. Celui-ci, après s'être emp a r é de la
somme, le chasse et vend les bœufs à un
autre. C'est ainsi que le malheureux paysan,
«
voulant sauver ses moustaches, abandonna
sa barbe par-dessus le ma r c h é »
Hadji Mahmoud agha, de Pérouk, l u i
aussi, s'en allant d e r n i è r eme n t au susdit
village de K i r i g h , fait des menaces en disant
que si les paysans ne l u i paient pas 40 med–
jidiés, i l commettra un assassinat et versera
du sang, après quoi i l s'éloigne. Quelques
jours après, une lutte ayant eu lieu entre
cetagha et une autre tribu, un des hommes
de l'agha est t u é . Le chef du village de
K i r i g h , avec quelques collègues s'en va faire
ses condoléances à l'agha. Celui-ci, aussitôt
qu'il les voit, les interroge pour savoir s'ils
viennent lui apporter les 40 medjidiés ; le
chef du village déclare qu'ils viennent faire
leurs condoléances et, lui remettant 5 med–
jidiés, le supplie de ne rien réclamer de
plus, car les. paysans, d i t - i l , sont très
malheureux. L'agha sans cœu r jette les
5
medjidiés à leur figure et s'écrie : « S i dans
un ou deux jours vous ne m'apportez pas la
somme d ema n d é e , sachez que vos têtes en
r é p o n d r o n l . » Le chef du village et ses cama–
rades rentrent chez eux c l , de concert avec
tous les paysans, décident d'emprunter à un
soldat 15 autres medjidiés a un taux très
élevé et de les poi ter aussitôt à Mahmoud
pacha, lui demandant de vouloir bien accor–
der quelques jours de délai pour les 20 autres
medjidiés.
Khalil agha, chef de la tribu de Khissar-
kan, d'après son habitude, ce mois-ci aussi,
fait un tournée dans les villages a r mé n i e n s
de la plaine et oblige même les plus malheu–
reuses familles de vendre le produit de
leurs champs et de lui remettre le prix, d é –
clarant que cette a n n é e i l lui faut de l'ar–
gent à la place du blé. Pour les pauvres
Arméniens, combien d'autres percepteurs en
dehors du sultan !
ETABLISSEMENT DU RÉGIME DE LA FÉODALITÉ
ET DU SERVAGE.
—
Comme nous ayons di t
dans notre introduction, les cinquante vil–
lages a rmé n i e n s qui sont situés dans la
plaine appartenaient autrefois en propre aux
A r m é n i e n s ; chaque Armé n i e n était proprié–
taire de sa terre et de sa maison. Mainte–
nant ces villages appartiennent aux aghas et
aux beys; les A rmé n i e n s cultivent la terre ;
une très petite parlic du produit de leur
labeur reste dans leurs mains et tout le reste
appartient aux aghas. Il restait encore quel–
ques villages appartenant aux paysans, mais
ils leur furent enlevés aussi d e r n i è r eme n t .
Sakoun agha, un des aghas d'ici, pour pou–
voir s'emparer du village de Thirbisth, a
c omme n c é par y envoyer en secret des
vo eurs et des brigands pour opprimer les
paysans et dévaster leurs possessions. Les
paysans se sont adressés au gouvernement
et ont d ema n d é quelques soldats pour leur
protection c l leur s é c u r i l é ; mais ils se sont
repentis bien vite, car les sbldats arrivés
pour leur sécurité et leur tranquillité, les
Opprimaient davantage. Désespérés et ne
trouvant aucun autre moyen de salut, les
pauvres paysans sont allés trouver Sakoun
agha, sachant bien que c'était lui la cause
de tous ces maux ; ils lui ont d ema n d é de
devenir le chef de leur village et de les pro–
t é g e r contre les attaques des brigands et de
cultiver eux-mêmes les terres, en serfs, et de
vivre ainsi. C'est ainsi que le susdit agha
s'appropria le village de Thirbisth. C'est de
la même façon que Sadik bey s'empara du
village de Go u n d é d j a n o , dont les braves
habitants l u t t è r e n t longtemps contre les
bandes de brigands kurdes et furent vaincus
à la
fin.
L'agha, sans cœu r et sanguinaire,
a fait construire une maison dans un des
villages ainsi enlevés, et quand i l s'y rend
quelquefois, i l fait venir par force près de
lui les femmes a rmé n i e n n e s qui vont à la
fontaine ou s'en retournent,
HAYAGES. - Le village de Kodjon, qu i
jusqu'au commencement du mois d ' a o û t
était habité par des A r mé n i e n s et assez
peuplé, est maintenant dévasté. Mirzha
agha, chef de la tribu de Radjaban, pour
pouvoir s'emparer aussi de ce village, a p r è s
avoir longtemps o p p r i mé les habitants, il y
a quinze jours, y envoya son fils avec une
bande des siens pour faire des menaces aux
paysans. Ces Kurdes barbares arrivent de
nuit au village et environnent le chef du
village, Mardross; ils insultent à haute voix à
sa femme, à sa religion et à sa croix et lui
oi donnent de dire « amen » à tout ce qu'ils
venaient de lui adresser. Le chef du village
se voit en danger et i l ne peut prononcer un
mot. A ce moment, un jeune homme, Bo -
glioss, qui se trouvait là, ne pouvant résis–
ter, leur d i t : « Mes amis, pourquoi êtes-vous
si e n r a g é s ; ce que vous faites là n'est pas
convenable. » A peine avait-il fini de pro–
noncer ces mots que les Kurdes arrivent sur
lui et le battent sans pitié. Le chef du vil–
lage, Mardross, profilant du désarroi, prend
la poudre d'escampette. Le lendemain, les
paysans abandonnent leurs maisons et leurs
biens et s'enfuient du village. Les Kurdes
s'inIroduisent dans les maisons, emportent
tout ce qu'ils trouvent, jusqu'aux portes des
maisons. Maintenant le village est désert,
les c h a umi è r e s à moitié ruinées, el les mois–
sons a b a n d o n n é ! s. Le gouvernement turc,
au lieu de trouver les coupabh s et la c h â –
tier, arrête le p r ê t r e du village et quelques
autres personnes, les emprisonne et les
oblige de rentrer dans le village. Le gou–
vernement aussi pense que si le village reste
désert, i l se trouve privé dt s imp ô t s , mais
il ne pense nullement que c'est de son
devoir de p r o t é g e r le village et les paysans.
Telle est l a situation réelle des A rmé –
niens de Nipirguerd et des environs.
Coupures de journaux
Agence OBSERVER
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SUCCURSALES A
Budapest, Genève, Londres,
New-York,
Paris, Rome, Stockholm.
L E MOUYEMENT PROARMÉNIEN
En Allemagne.
Après une p r emi è r e conférence à
L e i p z i g , M
m e
Use Frapan en a d o n n é
une nouvelle à Hambou r g , le ven–
dredi
23
ma i , devant une a s s emb l é e
de
400
personnes. E l l e con s i dè r e comme
un honneur pour elle d'avoir à parler
d'une cause d ' h uma n i t é . Elle montre
que depuis des siècles les A r mé n i e n s
sont, par excellence, le peuple q u i re–
p r é s en t e dans l'Asie a n t é r i e u r e , la c i v i –
lisation occidentale. E t c'est là leur
ma l heu r ; c'est la cause des effroyables
massacres qu'elle relate avec des détails
si précis que des dames quittent la
salle, comme cela s'était déjà produit
lors de la conférence de Georges Bran–
dès, à Be r l i n .
Le peuple a r mé n i e n est un peuple
Fonds A.R.A.M