qui a coutume de vivre de vo l et de p i l –
lage trouva d'abord commode, lors de
la formation des h ami d i é s , de pouvoir
voler et piller officiellement, à titre de
soldat et de receveur d ' imp ô t s , au lieu
de cour i r les risques du brigandage
non a u t o r i s é . Au j ou r d ' hu i la haine de
race contre les A rmé n i e n s s'est a p a i s é e
chez l u i et i l ne distingue plus g u è r e
entre A rmé n i e n s et Tu r c s , c o n s i d é r é s
é g a l eme n t comme taillables et c o r v é a –
bles à d i s c r é t i on ; et les h am i d i é s , de
plus en plus arrogants, traitent les"
fonctionnaires turcs en intrus et en
concurrents dangereux. Pou r se con–
cilier derechef leur loyalisme, le sultan
n'a g u è r e d'autre moyen que de leur
donner l'ordre de p r o c é d e r , une se–
conde fois, à de grandioses et profi–
tables tueries.
Si l'ambassadeur avait é t é d é s i r e ux
d'informer le ministre de l'instruction
publique de la situation des provinces
a rmé n i e n n e s , i l aurait pu, une fois ter–
mi né cet e xpo s é sommaire de l'attitude
p r é s e n t e des Ku r de s , descendre aux
détails. I l n'en a eu cure probablement
et c'est dommage. J ' a i sous les yeux
des rapports r é c e n t s qu'il eû t é t é i n t é –
ressant d'analyser.
Dans le district de Segherd ( d ' a p r è s
un rapport de R i t l i s . e n date du 5 mars)
la d é t r e s s e de la population augmente.
A Deh , les Ku r de s ont pillé en t i è r e –
ment l ' é g l i s e ; Ch u k r i , fils de Hafiz,
commandant h ami d i é , est e n t r é de nuit
avec quatre autres malandrins dans la
maison de l ' Armé n i e n Selmo Gharib, a
enlevé la femme de celui-ci et l'a en–
suite i s l ami s é e .
P r è s du village de Z i v i ngo , en reve–
nant d'une t o u r n é e pastorale, l'arach-
norte Redros, de Deh é g a l eme n t , accom–
p a g n é de deux autres A rmé n i e n s a été
a t t aqué par sept Kurdes qui le d é pou i l –
lèrent e n t i è r eme n t , par un froid terri–
ble ; i l revient à grand p e i n é au village
de F i nd i k , ayant eu une jambe g e l é e .
A Roubin, Bedo Keineyan a été atta–
qu é par les Ku r de s , battu sauvage–
ment, g a r r o t t é et laissé sur place demi-
mort ; les Kurdes emp o r t è r e n t bien
entendu la charge de bois qu'il con –
duisait et vo l è r e n t les chevaux.
Enfin, les tribus de Ri chkoban et
de Bi che r i k , sous les ordres de leurs
chefs Mohammed Messe et Hassan
Ag h a , se sont livré bataille dans la
plaine de Wa k i b a n : Hassan a eu
dix t ué s et huit b l e s s é s ; Mohammed ,
cinq morts et deux b l e s s é s . L e s deux
chefs ont pris ensuite les A r mé n i e n s
de l'endroit comme t émo i n s à d é –
charge ; de quelque cô t é que se tour–
nent ces malheureux, ils auront à
subir des r ep r é s a i l l e s de l'adversaire
et les fonctionnaires turcs, c h a r g é s de
l ' e nqu ê t e , ne feront rien pour les pro–
t é g e r .
Ai l l e u r s ( d ' a p r è s un rapport r e ç u de
V a n à B i t l i s , en date du 12 avril), le
sort des A rmé n i e n s n'est pas plus en–
viable.
Le s districts de Guerzan, Ga rd i gan ,
Mo k s , Gargar, Gavache et Nosdan
contiennent cent trente et un villages
a r mé n i e n s , p e u p l é s chacun de dix à
cent familles et qui doivent au fisc de
20
à 100 livres turques, plus à diffé–
rents chefs kurdes de 500 à 1.000 l i –
vres turques : pour ê t r e en mesure de
payer le fisc, les villages ont dû , en
effet, emprunter aux dits chefs à des
taux très on é r e ux , qui s'élèvent j u s –
q u ' à 3 0/0 par mo i s . Ru i n é s , les v i l –
lages ne pouvaient payer n i le fisc n i
leurs usuriers. A l o r s se produisit le fait
ordinaire : les a u t o r i t é s et les Ku r de s
saisissent les terres a r mé n i e n n e s et les
vendent aux e n c h è r e s . Le s chefs ku r –
des en deviennent a c q u é r e u r s à des
prix d é r i s o i r e s , si bien que les A r m é –
niens d é p o s s é d é s ne retirent m ê m e pas
de cette vente presque fictive de quoi
payer leurs dettes anciennes ; ils sont
alors astreints à cultiver leurs terres
comme journaliers, en é c h a n g e de sa–
laires infimes et d'habiter comme loca–
taires leurs maisons u s u r p é e s .
Il en est partout comme à Segherd
et à Va n et l'extermination lente ne suf–
fisant pas, S. M . I. a pris soin de faire
appeler à Constantinople Hus s e i n P a –
cha et de l u i donner des instructions
qu ' i l est aisé d'imaginer.
L a bonne fortune de M . Ch a um i é
éga l e donc celle de son fils : i l a pu
ê t r e informé sur place des projets de
destruction qu'ourdit en son palais le
prisonnier volontaire d ' YI d i z ; i l a vu
de ses yeux la Bête monstrueuse; i l a
p r e s s é la petite ma i n si c h è r e à M . Ga –
briel Hanotaux, la petite main qu i or–
donne, d'un geste, tous les crimes. I l ne
manquera pas de dire à ses c o l l è gu e s
du mi n i s t è r e , M . De l c a s s é en particu–
lier, q u ' Ab d - u l -Hami d p r é p a r e des at–
tentats nouveaux et qu ' i l faut l u i en
interdire l'exécution.
C'est en ce sens que nous parlons de
sa bonne fortune : i l d é p e n d de l u i , en
quelque mesure, a p r è s ce voyage aux
terres heureuses où s ' é p a n o u i r e n t les
plus nobles civilisations humaines, de
sauver ce qu i demeure d'un t r è s ancien
peuple, coupable surtout d'avoir con–
s e r v é et maintenu, pa rmi les invasions
et les d é s a s t r e s , la culture et la p e n s é e
d ' A t h è n e s , de Rome et de l ' Eu r ope
occidentale.
Pierre Q U I L L A R D .
LIRE :
La Vita Internazionale
R E V U E BI-MEN SI/ELLE I L L U S T R É E
Directeur : E . - T . M o n e t a ,
Collaborateurs : L . TOLSTOÏ, G . Novicov,-, E . D E
AMICIS, C. LOMBROSO, G . SERGI, A . LoniA, G . F E R R E R O ,
Y .
GUYOT,
M . R A P I S A R D I ,
C . R I C H E T ,
G .
A S C O L I ,
M . NlCEFORO, E . VlDARI, E . MORSELLI, I. SlGHELE,
M .
P I L O , etc.
R É D A C T I O N :
21,
Portici
Settentrionali,
Milan.
A B O N N E M E N T S : Italie, 10 francs; autres pays,
1 5
francs ; un n u m é r o , O fr. 50.
L E T T R E
au Ministre italien des Affaires étrangères.
Excellence !
Une grande et solennelle r é u n i o n
votait, le dimanche 26 avril, a p r è s une
discussion de 4 heures, l'ordre du j ou r
suivant :
(
Suit le texte de l'ordre du jour)
L e Comi t é
Pro Armenia et Mace-
nia
remplit aujourd'hui sa t â c h e en
vous transmettant les vœu x du peuple
de Mi l a n .
L ' a d h é s i o n s p o n t a n é e et unanime des
journaux de toutes nuances, celle d'un
grand nombre d'hommes politiques et
d'Associations nous prouvent que nous
avons fait une œu v r e utile autant que
g é n é r e u s e et en tout cas patriotique.
Nou s n'ignorons pas, Excellence, que
nous nous trouvons en p r é s e n c e , dans
cette question, d ' i n t é r ê t s divergents
entre eux : qu'il s'agit de faire face à
plusieurs p r o b l ème s dé l i c a t s et com–
plexes qui tendent à retarder, pour ne
pas dire à emp ê c h e r , une solution
satisfaisante, en faveur de la paix et
de la civilisation. E t cela en dép i t des
promesses r é p é t é e s d'une puissance ou
de l'autre, souvent m ê m e de toutes les
grandes puissances ensemble. C'est
Fonds A.R.A.M