dizaines chaque jour : ainsi les nou–
velles des petites tueries ne parviennent
pas en Europe.
L a Tu r qu i e a la spécialité des bachi-
bouzouks pas seulement à l'intérieur,
mais aussi dans une certaine presse
e u r o p é e n n e , qu i inventa des illustra–
tions r e p r é s e n t a n t toutes des hommes
farouches a rmé s de bombes, qu i étaient
présentés comme
les anarchistes
Ar–
méniens.
C'était une ma n i è r e indigne
d'exploiter le sentiment des conserva–
teurs en Europe, dans un moment
qu'ils craignaient beaucoup les atten–
tats des anarchistes.
Il rappelle le massacre de 3oo,ooo A r –
mé n i e n s , victimes de leur foi c h r é –
tienne et de l'amour de la patrie. Il
rappelle la défense h é r o ï q u e de Zeitoun,
où les i n s u r gé s ont r epou s s é E t hem-
pacha ; la fierté et l ' honn ê t e t é des A r –
mé n i e n s qui pendant une j o u r n é e fu–
rent les ma î t r e s de la Banque ottomane
et ne t o u c h è r e n t pas à un sou ; l'épisode
h é r o ï q u e de l'assaut de la caserne et de
la défense du mo n a s t è r e de Aj a Sou-
louk où tomba, tuée par les Tu r c s , la
jeune et belle abbesse, qu i se voua à la
foi et à la patrie.
L a situation est la m ê m e en Macé–
doine qu'en A r m é n i e ; les é l éme n t s des
diverses n a t i on a l i t é s doivent s'y mettre
d ' a c co r d pour c o n q u é r i r leur liberté.
Ce vœu est dans les traditions de la
politique r épub l i c a i ne italienne. E n
1854,
Joseph Ma z z i n i a écrit que l'ave–
nir des nationalités
o p p r imé e s de
l'Orient ne doit pas être confié à l'em–
pire autocratique de la Russie, ou à
l'empire mo s a ï q u e d'Autriche, mais à
la fédération balkanique.
Si le gouvernement italien veut inter–
venir dans les affaires d'Orient, i l ne
devra pas renouveler les erreurs c r i m i –
nelles commises dans les eaux de la
Crète en
1897,
quand l'amiral Canevaro
tirait sur les i n s u r g é s c h r é t i e n s , mais i l
devra au contraire donner protection
aux peuples qu i se battent pour la
liberté.
Ceci est le vœu de la section mi l a –
naise du parti r é pub l i c a i n , des jeunes
hommes de la Société
Alberti
Mani.
Après G . Mi c e l i , M . S I MÉ ON R A D E F F ,
r é d a c t e u r en chef du
Mouvement
Macé–
donien,
paraît à l'avant-scène et est
accueilli par une chaude ovation. T r è s
ému , i l prononce, en français, un dis–
cours souvent applaudi.
M. Siméon Radeff
L'orateur regrette de ne pouvoir
exprimer assez vivement sa reconnais–
sance et sa joie de constater que
l'Europe semble se réveiller. Hi e r ,
c'était la France, au j ou r d ' hu i , c'est
l'Italie qui s'intéresse aux o p p r i mé s
d'Orient, « la nation qu i a p r o c l amé
les droits de l ' homme et celle qu i a
p r o c l amé le droit des nations ».
Les Ma c é don i e n s revendiquent ces
droits de l ' homme qu i leur sont niés.
Ils se dé f enden t , ma l g r é les calomnies
d'une presse salariée par le Su l t an ,
en hommes et non en brigands.
Après avoir mo n t r é l'insuffisance du
projet austro-russe, i l formule ainsi
les revendications ma c é d o n i e n n e s .
No u s n'avons jamais revendiqué des droits
spéciaux pour les chrétiens. No u s ne voulons
pas faire des catégories parmis les habitants de
la Macédoine. No u s exigeons au contraire que
ces catégories disparaissent et avec elles, les
privilèges de toutes sortes. No u s v o u l on s u n
régime légal qu i ne fera aucune distinction
parmi les races et les religions de Macédoine.
No u s voulons des droits généraux et des ga–
ranties objectives. C'est tout notre p r o g r amme .
Ce programme ne peut être exécuté
que sous le con t r ô l e de l'Europe :
Le contrôle collectif de l'Europe résume toutes
nos revendications. No u s ne d ema nd o n s pas
de larges réformes organiques; nous ne v o u –
lons pas porter atteinte à l'intégrité de l'empire
ottoman. No u s désirons rester une province de
la T u r q u i e . No u s nous contenterons même des
lois turques telles qu'elles sont actuellement;
mais nous réclamons une garantie pour l'appli–
cation de lois, et cette garantie seul, le contrôle
européen peut nous la donner.
Les Ma c é don i e n s ont foi en l'Europe,
mais foi aussi en e u x -même s . Ils sont
décidés à c o n q u é r i r leur liberté par la
force, et ils feront la r évo l u t i on quelles
que soient les catastrophes dont on les
menace.
Cette pé r o r a i s on é n e r g i q u e est fort
applaudie.
A S imé on Radeff, succède le d é pu t é
belge, L O R A N D , qu i parle l'italien comme
un italien, et dont la parole simple et
forte suscite, à plusieurs reprises, de
vives acclamations.
Le député G. Lorand
11
a peu a ajouter, dit-il, à ce qu'ont
exposé les précédents orateurs qui ont
amplement traité la question. Ceux qu i
ont assisté aux r é u n i o n s de Paris et de
Bruxelles disent que la r é u n i o n de
Mi l a n égale en importance celle de
'•
Paris.
Quand nous pensons que les mas–
sacres d'Orient, que regorgement de
3
oo,ooo A r mé n i e n s se r é p é t e r on t peut-
être en Ma c é do i n e , nous devons nous
é t o n n e r que ces choses se produisent
au x x
c
siècle, à peu de distance des
grands centres civilisés et il en résulte
un sentiment de honte pour tout ce qu i
se tolère sous les yeux des peuples c i v i –
lisés.
Notre manifestation ne doit pas être
seulement une manifestation de solida–
rité humaine ou de pitié c h r é t i e n n e ,
mais une d émo n s t r a t i o n politique qu i
impose aux puissances e u r o p é e n n e s , la
conduite opportune.
C'est l'exécution du traité de Berlin
qu ' i l faut vouloir, et le c on t r ô l e efficace
des puissances e u r o p é e n n e s qu ' i l faut
mettre à e x é c u t i on .
Quand le d é pu t é radical belge a ter–
m i n é son discours, au mi l i e u des ap–
plaudissements, l'abbé D O N V E R C E S I ,
applaudi avant m ê m e d'avoir pa r l é ,
fend la foule qu i envahit la scène.
L'abbé don Ernesto Vercesi
Après avoir rappelé qu'en France,
en pleine bataille parlementaire, au
plus fort d'une lutte ardente pour ou
contre les c o n g r é g a t i o n s , des d é pu t é s ,
d'opinions e n t i è r eme n t divergentes, se
sont entendus pour parler ensemble,
le i 5 février, en faveur de l ' Armé n i e et
de la Ma c é don e , don E . Vercesi, sou–
tenu par les applaudissements chaleu–
reux de l'auditoire se félicite que la
m ê m e cause r é un i s s e , à Mi l a n « le
socialiste Tu r a t i , un p r ê t r e et les r ep r é –
sentants de tous les partis l i bé r aux et
conservateurs. »
Après avoir flétri les gouvernements
d'Europe, l'orateur constate, avec re–
gret, que la politique extérieure soit
d eme u r é e , m ê m e dans les pavs d émo –
cratiques et de libre discussion, une
sorte de territoire réservé. Il faut, au
contraire, que le peuple, tout le peuple
soit initié à la politique é t r a ng è r e . A u
reste, les demandes que nous formulons
n'ont rien d ' exagé r é .
E t que d ema nd on s - no u s , citoyens ?
Peut-être demandons-nous la déposition d u
Sultan, nous élevons-nous contre la T u r q u i e et
les Jeun«s T u r c s ? N o n , le Sultan peut d o r m i r tran–
quille, protégé c omme i l est par les intérêts des
puissances européennes; ce que nous d ema n –
dons, c'est qu'il ne rougisse plus u n trône de
sang h uma i n , baptisé o u n o n .
Il n'est pas permis d'assister, impas–
sible, aux crimes du sultan sans devenir
Fonds A.R.A.M