teur —que les provinces de l'Arménie et de la
Macédoine soient ouvertes à la civilisation, que
leurs habitants puissent vivre la vie que nous
vivons, sans crainte, dans la sûreté de leurs
foyers paisibles.
M . G . P I NA R D I s uc c ède à M . T . Mo -
neta. I l fait un exposé excellent et
objectif de la question a r mé n i e n n e et la
précision des faits ne nuit pas chez l u i
à l'éloquence vibrante et p a t h é t i q u e .
Quand les applaudissements se sont
apaisés, M . G . P I N A R D I con t i nue :
M . G . Pi nard i .
M . P i n a r d i explique tout d'abord de
quelles idées s'est i n s p i r é le Comi t é
italien P r o -Arme n i a et Macedonia en
organisant cette manifestation impo –
sante du peuple de M i l a n . Il définit
le but de la r é u n i o n :
Nous nous sommes réunis ici — dit-il —
nous tous, citoyens appartenant aux partis les
plus opposés, dans un sentiment de protesta–
tion unanime contre les atrocités du Sultan,
contre un gouvernement barbare qui perpétue
le Moyen-Age en Europe et qui a pris depuis
trop longtemps pour base à sa politique de toutes
les atrocités, les violations systématiques du
droit et de la justice. Mais notre réunion doit
se proposer un autre but et le poursuivre avec
toute son énergie. Nous voulons faire suivre à
la protestation contre le Sultan^, qui abuse
d'une façon si indigne de son pouvoir, un aver–
tissement aussi énergique que possible à
l'adresse de ceux qui, pouvant empêcher ces
abus ne l'ont pas fait, une injonction courtoise,
si vous le voulez, pour ce qui concerne la
forme, mais très sévère quant à son contenu,
c'est-à-dire à toutes les puissances signataires
du traité de Berlin, afin qu'elles se rappellent
leurs engagements, leurs promesses d'obtenir
du Sultan les réformes indispensables pour
l'Arménie et la Macédoine.
La terrible situation dans laquelle va se
trouver sous peu la Macédoine — ajoute
M . Pinardi — n'est que la conséquence fatale
du long oubli de l'Europe pour cette province.
Au lieu de réprimer les excès d'une administra–
tion vexatoire et spoliatrice comme pas une, le
Sultan les a presque escouragés. 11 savait qu'il
pouvait compter sur l'inertie des grandes puis–
sances et i l eût eu tort de se gêner. Voilà donc
maintenant la Macédoine qui s'agite, voilà des
bandes d'insurgés qui se forment et des émeutes
qui éclatent ou menacent d'éclater un peu par–
tout. C'est le commencement d'une révolution,
mais si l'Europe n'intervient pas ça pourrait
être aussi le prélude de massacres horribles
comme en Arménie il y a sept ans.
L'orateur trace ensuite un tableau
fidèle de la situation en Tu r q u i e et en
particulier dans les provinces d ' A rmé –
nie et de Ma c é do i n e . I l insiste sur les
abus des fonctionnaires turcs, sur le
manque de justice et de sûreté pour les
habitants, sur les spoliations qui ont
lieu r é g u l i è r eme n t ' sous les noms de
perception des i mp ô t s .
Ensuite, ap r è s avoir e xp l i qu é les
c o n s é q u e n c e s funestes de la politique
hamidienne, politique qu i a a c c e n t u é
les dé s o r d r e s et le mé c o n t e n t eme n t de
toutes les populations soumises à la
domi na t i on turque, M . P i n a r d i relate
les é v é n eme n t s sanglants qu i se sont
dé r ou l é s en A r mé n i e , s'appuyant sur
les publications officielles des gouver–
nements anglais et français. Son dis–
cours s'achève sur une exhortation
pressante au public de voter par accla–
mation l'ordre du jour p r opo s é par le
Comi t é P r o -Arme n i a et Macedonia.
M . G . P i na r d i est vivement applaudi
à plusieurs reprises.
Le p r é s i den t donne ensuite la parole
à M . P . Q U I L L A R D , r é d a c t e u r en chef de
Pro Armenia,
dont l'apparition à
l'avant-scène est saluée pendant p l u –
sieurs minutes par les cris de « Vi v e la
France ! »
M . P . Qu i l l ard
Les
applaudissements
redoublent
quand celui-ci, en exprimant les re–
grets de Fr anc i s de P r e s s en s é , retenu
en France, déclare, au nom de notre
ém i n e n t collaborateur « qu ' i l aurait été
heureux, quand i l interrogera notre
Gouvernement sur les affaires d'Orient
à la r en t r é e prochaine, de faire savoir
au Parlement français que les senti–
ments g é n é r e ux de la nation française
concordaient avec ceux de l'Italie du
risorgimento.
M . Pierre Qu i l l a r d expose ensuite,
avec référence aux documents diplo–
matiques et aux correspondances les
plus récentes, la situation p r é s en t e des
provinces a r mé n i e n n e s . Il indique
toutes les r e s pon s ab i l i t é s , celles du sul–
tan et celles des puissances e u r o p é e n n e s
qui n'ont pas fait exécuter le traité de
Be r l i n . Puis, ap r è s avoir mo n t r é que
les nouvelles reçues tout d e r n i è r eme n t
d ' A rmé n i e peuvent faire a p p r é h e n d e r
de prochains désastres, i l déclare que
la seule politique raisonnable et juste
consiste à appliquer au plus tôt les r é –
formes nécessaires, jugées urgentes par
les puissances e l l e s -même s , et notam–
ment la nécessité d ' un con t r ô l e euro–
p é e n . I l termine en affirmant avec
énergie que dans trois pays, au moins
en Europe : France, Angleterre, Italie,
l'opinion publique peut agir efficace–
ment sur les gouvernements et qu'ainsi,
par une entente analogue à celle qui
exista pour la solution de l'affaire Cre–
toise, les questions d ' A rmé n i e et de
Ma c édo i ne peuvent être réglées sans
effusion de sang, c a r « nous abominons
la guerre » et dans l'in'.érêt m ê m e de la
Tu r qu i e . I l adresse enfin aux citoyens
italiens le salut fraternel des citoyens
français unis à eux pour une cause
commune d ' h uma n i t é et de justice.
D ' ap r è s le
Secolo, «
le discours de
l'orateur français, souvent interrompu
par des applaudissements, suscite à la
fin une acclamation enthousiaste ».
Le journaliste r épub l i c a i n G . M I C E L I ,
r é d a c t e u r politique de
l'Italia del Po-
polo,
prend ensuite la parole. Bien
q u ' i l ait prié les auditeurs de ne pas
applaudir, pour ne point perdre de
temps, i l est f r é q u emme n t applaudi.
M . G . Miceli
r é d a c t e u r à
l'Italia del Popolo
L a présence dans le Comi t é promo–
teur du comice des r e p r é s e n t a n t s de
tous les partis politiques vient de p r ou –
ver qu ' i l y a dans le peuple italien un
sentiment naturel de justice en pleine
harmonie avec les traditions de notre
Droit public. I l y a des monarchistes
dans votre Comi t é qu i s'exaltent à l a
prochaine arrivée à Rome de l'empe–
reur féodal d'Allemagne , mais q u i ,
dans le secret de leur conscience, l u i
reprochent d'avoir sacrifié aux intérêts
de voyageurs de commerce allemands
la cause des ch r é t i en s de l'Orient.
Quand cette diplomatie, que G i o –
vann i Bovio a défini
insidieusement
cruelle,
vient de consacrer l'intégrité
de l ' Emp i r e ottoman, elle est respon–
sable d'une faute devant le droit inter–
national qu i nie l'existence aux sociétés
criminelles.
Et c'est comme une société c r i m i –
nelle que doit être con s i dé r é cet empire
où la vie humaine et l'honneur des
sujets ne sont pas sacrés ; où un sul–
tan dégénéré — dont les nuits sont
toujours
t r oub l é e s par le f a n t ôme
d ' Abdu l -Az z i z — a pris cent mi l l e b r i –
gands kurdes et en a fait les soldats
de la barbarie L am i d i é ; et comme ces
brigands soldats ne sont pas payés, ils
sont e n c ou r a g é s aux pillages et aux
carnages des A r mé n i e n s .
A p r é s en t on semble avoir r e n o n c é
aux grands carnages pour ne pas sur–
exciter l'opinion publique en Europe :
on ne tue plus par milliers, on tue par
Fonds A.R.A.M