vous, vous, Arméniens infidèles? Vous faisiez
fi des Musulmans et chacun de vous était de–
venu un iion. Vous avez mis dans votre péti–
tion que fa justice était morte ; étiez-vous sûrs
de l'avoir enterrée ? Vous voyez que la nation
d'Islam est grande. »
Par de tels propos et d'autres sans fin, la
Cour refusait de prêter l'oreille aux Armé–
niens et leur coupait net la parole : « N'en
prenez pas la peine ! je refuse d'admettre ce
que vous êtes en train de dire. Ce n'est pas
vrai. C'est une fausse accusation, n'est-ce
pas ? Ici, c'est écrit : signez ! » et on leur fai–
sait signer le procès-verbal.
A cause de l'évidente animosité qui existe
entre Turcs et Arméniens, et surtout en con–
séquence du Fetva émanant du mufti
«
qu'il
est légal de tuer, d'attaquer, de piller et d'ac–
cuser les hommes qui font de l'opposition au
gouvernement »,
toute la population musul–
mane est prête à venir porter de fausses accu–
sations contre les Arméniens. Les choses étant
ainsi, i l n'est pas permis de dire un seul mot
représentant l'accusation comme fausse et
beaucoup de prisonniers ont ajouté à leurs
signatures : « Ma défense n'a pas été enten–
due. » Les témoins n'ont pas prêté serment
et i l n'y a pas eu de contre-interrogatoire,
parce que le procès-verbal est plein de faus–
ses dépositions du commencement à la fin.
A ta suite du conflit de vendredi
(21
jan–
vier
/2
février), vingt-deux Arméniens ont été
blessés, arrêtés et mis en prison. La police a
fait de son mieux pour inventer des griefs
contre chacun d'eux et se procurer des faux
témoins pour soutenir ces charges. Par exem–
ple, Tashdji-Hadjadour-Ousta, un homme âgé
de quatre-vingt-deux ans et à peine capable
de marcher, a été arrêté dans la rue comme
porteur d'un revolver et d'un yatagan. Il est
probable que sa vie aurait été épargnée en
prison en raison de son âge ; mais i l était
blessé et i l est mort au bout d'un mois.
Un homme de soixante-dix ans a été blessé
,
et emprisonné pour avoir demandé le nombre
des forces militaires « avec de mauvaises in–
tentions ».
Quant aux quarante accusés restant, on
avait essayé divers moyens, quand finafe-
ment un lieutenant nommé Hadji-Emin, avec
quatre ou cinq soldats ou zaptiehs, fut cité
comme témoin.
Ils accusèrent le lot
en bloc
d'avoir résisté
en armes aux soldats, alors que par un fait
curieux, ni un soldat ni un musulman n'avait
seulement saigné du nez.
Un prisonnier s'étant plaint à la Cour que
l'on eût tiré sur sa maison, trois ou quatre
soldats vinrent déposer qu'il avait un revol–
ver sur lui quand i l fut arrêté ; mais ces
témoins ayant eu quelques divergences sur
les circonstances où ils avaient vu le revol–
ver, le pacha ordonna au prisonnier et à ses
compagnons de sortir de la salle pour une
demi-heure, et à leur retour, les témoins se
trouvèrent d'accord sur les points où ils
avaient différé et ils s'écrièrent : « Oui, nous
l'avons vu avec un revolver dans la main. »
Le lieutenant susmentionné, Hadji-Emin et
les soldats, ayant déposé qu'un prisonnier
avait fait résistance armée aux soldats, le
président, s'adressant au lieutenant, dit
«
Pourquoi ne l'avez-vous pas embroché avec
votre baïonnette en l'amenant ici ? Si vous
l'aviez fait, vous auriez bientôt été capitaine.»
Là-dessus le prisonnier dit : « Effendi, ordon–
nez-lui maintenant de m'embrocher et vous
pourrez le nommer tout de suite. » Le pacha
se mit en fureur et ordonna de le renvoyer
en prison.
L'interrogatoire des autres prisonniers fut
conduit dans les mêmes conditions, et après
un emprisonnement de cinq ou six semaines,
sous prétexte que leurs blessures avaient
besoin d'être soignées, on les mit en liberté
sous caution comme personnes suspectes,
après signature d'un engagement de ne
jamais quitter leur ville natale et de se pré–
senter à toute réquisition du gouvernement.
Trois hommes furent arrêtés pour avoir osé
présenter à la cour une pétition scellée du
sceau des communautés grégorienne et pro–
testante, lis furent mis en jugement comme
personnes « suspectes » et pendant le procès
l'un d'eux exprima son étonnement de ce que
tandis que dans leur pétition ils se considé–
raient comme plaignants, ils se trouvaient
en posture d'accusés et qu'au lieu de tomber
sous le coup de la loi contre les auteurs de
méfaits ils en avaient été les victimes.
11
ajouta que le gouvernement, de compli–
cité avec la foule musulmane, avait comploté
l'extermination des Arméniens et inventé de
fausses accusations. A ces mots, le président
de la Cour, après l'avoir grossièrement in–
sulté et menacé, dit : « Pour vous, des témoi–
gnages ne sont pas nécessaires, votre con–
duite présente suffit pour que vous soyez
condamné à mort. » Il ne lui fut pas accordé
d'ajouter rien pour sa défense, toute tenta–
tive de ce genre étant tenue comme rébellion.
Un autre refusa de signer le procès-verbal
parce que sa défense n'avait pas été enten–
due. Il devint, en conséquence, victime de la
fureur de Mustapha pacha qui sauta sur lui
pour le battre et le forcera signer le procès-
verbal.
Pendant l'un des procès, le pacha président
dit au prisonnier : « Qu'est-ce que vous croyiez
mes gaillards? Pensiez-vous que le gouver–
nement était faible? Faisiez-vous cela en
comptant sur l'Angleterre? Prenez garde : je
vous exterminerai tous. Qu'est-ce que peut
faire l'Angleterre? Elle peut seulement atta–
quer et bombarder Smyrne et rien d'autre. »
Il se laissait aller ainsi à des paroles hostiles
à l'Angleterre et aussi à la Russie, disant :
«
Allez-vous-en tous au pays de l'aveugle
moscovite.»
Dans le cas des autres que l'on avait résolu
de condamner à mort, on employa le système
suivant. Par diverses sortes de pression et
de tortures, deux capitaines et le gardien
chef de la prison obtinrent de l'homme
nommé Morouk, autrement Zirar, qui avait
été pris récemment et qui a été pendu le
24
mars 5 avril, comme président de comité,
de déclarer qu'il avait passé la nuit dans les
maisons de plusieurs Arméniens qu'on lui
nommait et de dire qu'il en connaissait d'au–
tres dont les noms lui étaient donnés comme
faisant partie de comités.
L'un des prisonniers accusés ainsi demanda
à Zirar de décrire la maison ou la chambre
où i l avait passé la nuit; mais Zirar ne put
répondre que : « Je ne peux entrer dans ces
détails, j'ailaissé cela au pacha; i l peutvous
donner les détails que vous désirez. »
C'est peut-être par crainte de s'exposer à
de semblables déclarations fausses, arrachées
par force à Zirar, que l'exécution de ce der–
nier fut faite en si grande hâte.
{
Livre Bleu,
6,
pièce annexe au n°
8 0 . )
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