PREMIÈRE ANNÉE.
N ° 7.
Le numé r o : France,
40
cent. — Etranger :
50
cent.
io
FÉVRIER 1901
Pro Armeni a
R é d a c t e u r en chef :
P i e r r e
Q U I L L A R D
Adresser
toutes i u i concerne la direction
à M. Pierre.. Cluillard
IO, rue Nollet, P a r i s
A B O N N E M E N T S :
France
8 »
É t r a n g e r . . . . . .
10 »
paraissant le 10 et le 25 de chaque mois
COMITÉ D E RÉDACT I ON :
Q. Clemenceau, Anatole France, Jean Jaurès
S e c r é t a i r e de r é d a c t i o n :
J e a n
L O N G U E T
Mardi et Vendredi
de
11
n. à mioi
,"
l7,
rue Cujas
scooooooooooooooooooooooooooocooooooooc
Francis de Pressensé, E. de Roberty
Pro Armenia
est en vente chez les libraires et dans les principaux kiosques de Paris.
ADMINISTRATION :
Société nouvelle de Librairie
et d'Édition
(
Librairie G. BELLAIS)
17,
rue Cujas, P A R I S
TÉLÉPHONE : 801-04
S O M M A I R E
V i g i l a n c e
J e a n J a u r è s .
Massacres à Sassoun . . . ***
L a Quinzaine
P . Quillard.
Lettres d ' A ï n t a b , de V a n
et d'Erzinghian
Nouvelles d'Orient :
E n Ma c é d o i n e .— M . Loubet
et les fonds turcs. — T r é –
sor vide. — Police turque.
Fonctionnaires en fuite
P . Q.
L a r u s s i n c a t i o n a u Caucase
R.
Documents :
L ' A r m é n i e a v a n t les mas–
sacres
E . - J .
Dillon.
VIGILANCE
Des rumeurs inquiétantes et déjà
sinistres semblent annoncer en Armé–
nie de nouveaux massacres. La folie
rouge aurait un nouvel accès. L ' E u –
rope cette fois laissera-t-elle faire ?
Déjà elle a commis un grand crime en
sacrifiant toute une population aux
terreurs furieuses du sultan, aux i n t r i –
gues de la diplomatie. Le crime serait
plus grand encore qu'à cette époque,
car elle est avertie par une expérience
terrible des résultats auxquels abou–
tissent ses divisions, ses rivalités et ses
calculs.
On se demande si, cette fois, le sul–
tan ne compte pas sur les événements
de Chine et du Sud de l'Afrique qui
absorbent les puissances et les mettent
sourdement aux prises, pour en finir
avec ce qui reste d'éléments énergi–
ques dans la nation a rmén i enne .
Voilà pourquoi nous adjurons le
gouvernement de la France de ne pas
engager à fond notre politique dans
l'aventure sans fin de
l'Extrême-
Orient. Qu'elle reste libre d'abord pour
ne pas gaspiller sa force en entreprises
brutales et coupables et aussi pour
pouvoir prévenir, par sa fermeté vigi–
lante, les crimes nouveaux qui se pré–
parent contre l'humanité.
A une récidive des massacres d'Ar–
ménie et du crime d'indifférence ou
de complicité de l'Europe l'idée même
de civilisation ne résisterait pas.
JEAN JAURÈS.
MASSACRES A SVSSOl \
[
La très haute notabilité arménienne de
Constantinople, de qui nous avons déjà pu–
blié une lettre sur la situation générale des
Arméniens en Turquie, nous adresse la com–
munication suivante sur les derniers mas–
sacres de Chouchenamark et l'imminence de
nouvelles tueries à Sassoun. Nous appré–
cions dans la
Quinzaine
ce document d'une
si douloureuse importance.]
Constantinople, i5 février
1901.
U n nouvel événement vient de s'ajouter
à ceux qui, depuis des années, ont rendu
célèbre ce district, situé dans la contrée
montagneuse entre les villes de Bitlis et
de Mouch.
Les télégrammes vous auront déjà parlé,
bien plus vite que ma lettre, de l'événe–
ment de Chouchenamark. Vers le vingt-
cinq décembre de l'année qui vient de
s'écouler, trois chefs kurdes organisèrent
avec leurs hommes une attaque sur le dit
village a rmén i en .
Les habitants dans leur tentative de
l'ésistance durent, par la nature des choses
cela va sans dire, tuer trois Kurdes. Les
Kurdes t uè r en t quatre d'entre eux et bles–
sèrent quelques femmes et quelques en–
fants. Le reste des habitants se sauva. Les
Kurdes mirent alors à sac le village et i n –
cendièrent les trois quarts des habitations.
Le village de Kéghachen aurait subi le
même sort si les Kurdes ne l'avaient
t r ouvé évacué par toute sa population.
Ses habitants étaient parvenus à se
sauver avant l'arrivée des Kurdes, à em–
porter tous leurs effets et troupeaux.
Exaspérés de leur insuccès, parce qu'ils
ne t r ouvè r en t presque rien à enlever, les
Kurdes mirent le feu à plusieurs maisons.
Les autorités de Mouch, informées de
ce qui venait de se passer, ont lancé aus–
sitôt un détachement de gendarmerie pour
arrêter les Kurdes ? ou pour leur re–
prendre le butin ? et pour protéger soi-
disant la sécurité? Mais pour que le Kurde
soit arrêté ou obligé à restituer l'objet
volé, i l faut qu'il fasse d'abord des aveux.
S'il r é pond négativement, c'est-à-dire s'il
n'admet pas qu'il ait pillé, volé ou t ué , en
ce cas, cela signifierait son innocence.
C'est d'après ce principe que le Gouver–
nement établit toujours les événements
de Sassoun. E n passant, i l ne serait pas
inutile de citer à ce même endroit que le
même principe est employé partout où i l
y a des Armé n i e n s .
L'événement de Chouchenamark a été
précédé du massacre de Spaghank ; i l y a
un an, c'était Pévénement de Hefenk; en–
suite, l'incident des terres de Sémal, les
faits de Guéléguzan, le grand massacre
de Talvorik; enfin tout cela sert à établir,
de l a façon la plus évidente, qu'une idée
fixe préside aux événements de Sassoun.
Ce district montagneux était habité par
des Armé n i e n s et des Kurdes vivant en
très bonne harmonie entre eux. Les Armé–
niens de Sassoun étaient des gens de mon-
Fonds A.R.A.M