négligeant de démentir brutalement Mu –
nir bey, que notre faiblesse n'est pas
désintéressée et que nous touchons le prix
du sang.
UNE CONFÉRENCE DE M. LEON MARILLIER.
—
L a dernière conférence de
VAssociation
de la Paix par le Droit
a eu lieu lundi
28
janvier, à l'hôtel des Sociétés Savan–
tes, sous la présidence de M . Jouet, avo–
cat à la Cour d'appel. M . Léon Marillier
parlait de « L a situation en Armén i e et le
devoir de l'Europe ». Le généreux orateur
qui dès
1896
dénonça les crimes commis,
après avoir retracé, dans ses grandes l i –
gnes, l'histoire des massacres, Orfa et son
église, les rues de Constantinople et l a
mort sous le bâton, l'incrédulité de l ' Eu –
rope, l'émotion de quelques consciences,
les prétextes diplomatiques qui servirent
à l'inertie des gouvernements, le rôle du
prince Lobanoff, — puis les meurtres pru–
dents, l'assassinat individuel, l a destruc–
tion des récoltes, l'emprisonnement col–
lectif, la saisie du bétail,
—
enfin annonçait
les craintes présentes, l'imminence d'une
grande tuerie, la nécessité que l'Europe
agisse, avant quelques semaines, mar–
quait l'obligation qui incombe aux signa–
taires du traité de Rerlin, faisait entrevoir
comme probable, d'après certains signes
et certaines sources, une intervention des
Puissances. L'orateur
était
acclamé.
M . Lucien Le Foyer, en quelques mots,
remerciait
Pro Armenia,
etaussi M . Tcho–
banian, du concours prêté pour l'organi–
sation de l a r éun i on , mettait une fois de
plus, pour des articles de fond, des inser–
tions de documents ou des exposés de
faits, l a revue
la Paix par le Droit
à l a
disposition des défenseurs de l'Arménie.
ARAB-CHÉFIK.
—
On l i t dans les jour–
naux de Constantinople :
«
S.E.Chéfikbey, ministre de l a police,
vient d'être l'objet d'une nouvelle faveur
impériale. S. M . I. le Sultan, en témoignage
de sa haute satisfaction pour les services
signalés qu'il ne cesse de rendre à son
souverain et à son pays, a bien voulu l u i
faire remettre l a plaque en brillants de
son ordre impérial de
YOsmanié.
«
C'est là une récompense bien méritée
pour l'énergie et les efforts déployés par
le ministre de l a police pour assurer
dans l'empire l a tranquillité et le bien-
être des fidèles sujets de S. M . I. le Sul–
tan. »
Les vrais titres de Chéfik bey à la faveur
impériale ont été omis dans l a note offi–
cieuse. C'est comme tortionnaire d'Armé–
niens, inventeur de complots, insulteur
de femmes que ce bandit arabe a été dé–
coré par son maître, qui sait récompenser
les bourreaux d'élite.
FONCTIONNAIRES EX FUITE EX EUROPE.
—
Le nommé Hassan Fé hmi est condamné
par contumace par la Cour criminelle à la
détention perpétuelle dans une enceinte
fortifiée, à l a privation de tous ses droits
civils et politiques et à la confiscation de
ses biens. Cet individu est l ' un de ceux
qui sont en fuite en Europe et est accusé
comme perturbateur et comme ayant l'in–
tention de publier à Londres le journal
Emèle,
qu'il faisait paraître déjà en
Egypte.
= Q
DOCUMENTS
LA JUSTICE D ABD-UL -HAMID
Les documents ci-dessous sont emprun–
tés au
Blue Book
(
Turkey, n° G). Ils don–
nent une idée exacte de la man i è r e dont
sont traités les prisonniers « politiques »
sous le règne de S. M . I. Abd-ul-Hamid.
LE CONSUL CUMBERTACH A SIR A. NICOLSON
En me reportant à ma dépêche du
12
décembre dernier au sujet des prisonniers
arméniens, j ' a i l'honneur de vous faire savoir
que le nouveau procès a commencé le 3o dé–
cembre. La séance de ce jour a été prise tout
entière par la lecture du procès-verbal de
Yuzgat. La séance suivante eut lieu le
4
cou–
rant : la lecture de cette procédure y fut ter–
minée et l'interrogatoire des prisonniers
commença.
Le procès-verbal présente dans son ensem–
ble une grande analogie avec celui concer–
nant le professeur Thoumaian et ses co-accu-
sés et je ne suppose pas que vous désiriez
avoir un compte rendu détaillé de son con–
tenu. Il suffira peut-être, pour le présent, de
vous dire qu'il ne contient que des preuves
indirectes et à mon humble opinion ne serait
point de nature à apporter la conviction de–
vant un tribunal anglais. Les ordinaires dé–
positions incriminées sont lues pour être désa–
vouées par tous les prisonniers qui se décla–
rent innocents des graves charges portées
contre eux. L'audience suivante a été remise
à une date indéterminée pour donner le temps
de venir à de nombreux témoins que deux
des prisonniers prétendent devoir établir leur
alibi.
Cela retardera le procès de plusieurs se–
maines.
En attendant, je me crois obligé d'attirer
votre attention sur le fait suivant. Appelé
devant la Cour pour expliquer la différence
qui existait entre sa déposition devant le
juge de Tchoroum où i l avait été arrêté et
ses déclarations devant la cour, un des pri–
sonniers donna pour raison les différentes
sortes de tortures auxquelles il avait été sou–
mis par l'instigation et à la connaissance du
Kaïmakam de Tchoroum, dans le but de lui
faire signer son interrogatoire.
Il déclara :
i° Qu'on l'avait battu jusqu'à briser sur
son dos trois solides bâtons et qu'il s'était
évanoui de douleur;
2
0
Qu'on lui avait rasé les cheveux au som–
met de la tête ; qu'on y avait fait un trou rond
dans lequel une coquille de noix à demi pleine
de poux avait été enfoncée avec une grosse
pierre jusqu'à ce quelle tînt d'elle-même. Il
s'évanouit plusieurs fois et chaque fois on lui
rendit les sens au moyen d'alcool, mais cha–
que fois la noix était davantage enfoncée
dans sa tête ;
3"
Que pendant une nuit on l'avait pendu
par la tite et les jambes entre deux chaînes
suspendues ;
4"
Que pendant toute une autre nuit on
l'avait pendu par le cou, les pieds touchant à
peine terre :
5
° Que des anneaux de 1er avaient été ap–
pliqués à ses chevilles et l'avaient griève–
ment brillé.
On lui demanda pourquoi i l n'avait pas
attiré l'attention des autorités de Yuzgat sur
ces actes de cruauté ; i l dit qu'il l'avait fait
et qu'un docteur avait trouvé les marques de
violences sur son corps et que les cicatrices
de ses chevilles étaient encore visibles.
Je trouvai occasion cet après-midi d'appe–
ler l'attention du gouverneur général sur ces
allégations que, présent au tribunal, j'avais
entendu à grand regret ; mais Son Excel–
lence ne sembla pas y attacher d'importance
et tes prétendit imaginaires.
H. A.
CUMBERTACH.
(
Livre Bleu,
n° 6. — Pièce annexe
au n° i3.)
LETTRE DE YUZGAT AU CONSUL CUMBERTACH
24
avril
1894.
Le nombre des témoins cités par les auto–
rités pour soutenir les fausses accusations
machinées contre les Arméniens par les
Musulmans, en connexité avec l'incident du
12
décembre, était d'abord de 3oo à
400
;
mais
l'ex-procureur Aril bey, comprenant que si la
présence d'un si grand nombre de Turcs à
l'église était admise, cela parlerait contre le
gouvernement, réduisit ce nombre à 5o et les
divisa en quatre groupes, qui devaient ap–
porter leur témoignage sur autant de charges
différentes.
Au procès, chaque Arménien qui figurait
sur le procès-verbal remis à la Cour, comme
suspect de culpabilité, était placé à part près
de lui. Le président lui posait la question :
«
Avez-vous vu cet individu ? » L'un des
témoins répondait : « Je l'ai vu avec un
revolver et un yatagan dans la main. » Les
autres témoins confirmaient cette déposition
quelquefois en ajoutant : « C'est exactement
comme Kiamil agha l'a raconté. »
Ce cours de procédure fut continué jusqu'à
la fin.
Si dans sa défense, un prisonnier osait citer
un article de la loi ou faire une objection à
ces témoins, i l était réprimandé en leur pré–
sence comme i l suit : «Ces hommes sont des
Musulmans et de bons croyants ; si leurs
dépositions vous incriminent, nous devons
les admettre sans discussion. Que pensez-
Fonds A.R.A.M