duits devant le mutéssarif de Sis qui, après
les avoir soumis personnellement à l'inter–
rogatoire, les fit battre tous atrocement. Des
mo n s t r u o s i t é s inouïes ont été commises sur
la personne du pauvre Arssen qui, d'après
les t émo i n s oculaires, aurait pleuré toute la
journée. Pourquoi s'étonner, ces victimes de
la barbarie turque ne sont ni les premières
et ne seront é v i d emme n t pas les dernières.
C'est une vérité bien connue que l'imagina–
tion du gouvernement hamidien est très fer–
tile pour créer des tortures nouvelles mons–
trueuses.
Eumcr pacha, de Sis, est un serviteur digne
de son maître; nous craignons qu'il ne
trouve un vaste terrain au cours de ses fonc–
tions, car on dit qu'une liste de plus de cent
noms a été trouvée chez Arssen ; c'est une
bonne moisson pour le gouvernement;
jusqu'ici six jeunes gens furent arrêtés à
Adana et conduits à Sis. Le gouvernement,
pour bien digérer ses victimes, agit len–
tement.
L E T T R E tl'AIIANA
12
septembre
igo2.
Le gouvernement exerce beaucoup de vio–
lences à Hadjin et dans les environs ; le
Ka ï ma k am de Hadjin est une créature déver–
gondée qui assouvit ses passions brutales
siir les pauvres jeunes filles a rmé n i e n n e s ,
a b a n d o n n é e s et sans protection ; aucune
femme ne peut être tranquille pour son
honneur; elle ne peut dormir en sécurité,
car cette bote féroce est prête toujours à faire
de nouvelles victimes de ses d é b a u c h e s . Elle
reste pourtant toujours impunie cette créa–
ture impudique, digne de son ma î t r e ; elle
d é s h o n o r e les jeunes filles et reste sans châ–
timent, elle d é s h o n o r e les femmes mariées,
elle leste impunie. Racontez à un Eu r o p é e n
que ce maudit personnage est une créature
tellement impudique, que la première nuit
des noces de son domestique (malheureuse–
ment un Arménien) c'est l u i qui remplace te
mari auprès de la femme ; sans doute on ne
voudra pas ajouter foi à ce fait et pourtant,
hélas ! c'est la vérité, c'est toujours la réalité.
Le Ka ï ma k am de Hadjin a un mode de
perception d'impôts qui lui est spécial ; i l
fait vendre à 5,000 piastres une marchandise
valant 800 piastres ; i l a l'ait vendre ainsi2,000
immeubles; un immeuble valaut5,000piastres
a été acheté par lui 300 piastres. Tout est
possible en Tu r qu i e ; des drames de tout
genre y sont représentés. Le susdit Ka ïma –
kam opprime beaucoup la classe aisée de
Hadjin; ce Grec se fait un grand plaisir
d'augmenter les souffrances des Armé n i e n s ,
car le Ka ï ma k am de Hadjin est un Grec.
Aux environs d'Adana furent commis quei-
ques assassinats, et les auteurs restent im–
punis... car les victimes étaient des Armé–
niens; quand la victime est un Armé n i e n ,
l'impunité est toujours assurée.
Les A rmé n i e n s qui arrivent i c i des autres
endroits sont arrêtés par le gouvernement et
renvoyés dans leurs pays.
Ici, i l s'est formé un syndicat pour exploi–
ter les A rmé n i e n s qui s'en vont pour l'Amé–
rique; le président en est le premier com–
missaire d'Adana; le premier A rmé n i e n qui
s'adresse à lui est a r r ê t é ; on lui dil : - Tu
vas l'enfuir en Amé r i q u e .
«
Non •», répond
le pauvre malheureux, mais en vain; i l est
emp r i s o n n é , et on lui réclame une garantie
pour son acquittement; le « s y n d i c a l * a
quelques hommes de paille qui deviennent
les garants pour tout le monde, après avoir
extorqué quelques livres ; et c'est le commis–
saire qu i en profite toujours. Oh ! que n'iuia-
gine-t-on pas pour maltraiter et exploiter ce
malheureux peuple. Ceux qui arrivent de
l'étranger ne sont pas admis dans le pays;
déjà, dans le port, on leur fait rebrousser
chemin ;voilà un autre moyen pour les mal–
mener; l'Arménien est privé aussi de sa
patrie.,, et soupire après le sol où i l est né et
a grandi.
L E S C A H I E R S D E L A Q U I N Z A I N E
8,
l'ïie (le la Sorbonne
Ont publié
Mémoires et Documents pour
la Défense des Arméniens.
Par P I E R R E Q U I L L A R D
(
Un volume de 160 pages).
Nouvelles d'Orient
E N MA C É D O I N E .
—
La mort du consul
russe Chtcherbina, c o n s é c u t i v e aux bles–
sures q u ' i l avait r e ç u e s du soldat r é g u l i e r
albanais I b r ah im, a d û a l t é r e r s i n g u l i è r e –
ment l'optimisme officiel des j ou r n a ux el
des gouvernements russe et austro-hon–
grois. Brusquement les j ou r n a ux russes
q u i avaient d o n n é à ceux de Vienne et de
Be r l i n le signal d'un concert d'injures
contre la presse et les gouvernements
f r a n ç a i s el anglais onl c h a n g é de ton. Ils
ne parlent plus des intrigues anglaises
excitant les paysans m a c é d o n i e n s à la r é –
volte, ni des é n e r g u m è n e s el des ministres
f r a n ç a i s q u i encouragent les Com i l é s de
Sofia dans leur œ u v r e malfaisante. L ' a m –
bassade russe de Cotislantinople a v i s é e
que le soldat I b r a h im a é l é c o n d a m n é à
quinze ans de travaux forcés retourne la
note ottomane en faisant observer qu ' I b r a –
h i m coupable doit ê t r e c o n d a m n é à mo r t
ou innocent mis en l i b e r t é . L e m ê m e
Novoié Vremg
,
qu i p r ô n a i t l a veille le
projet L ams d o i T - Go b e c h ows k i ,
d é n o n c e
l'Autriche comme ayant, par sou argent et
ses m e n é e s , p r o v o q u é l'allentat de Mi t r o -
vvilza et rappelle à l'hôte d ' Y l d i z que déjà
les a r m é e s russes ont o c c u p é Constanti–
nople, en le m e n a ç a ni d'un s é j o u r définitif
si elles sont o b l i g é e s d'y revenir.
Cependant, en Ma c é d o i n e , sans s'occuper
des op i n i on s successives de leurs tuteurs
peu d é s i n t é r e s s é s , russes ou au s l r o - hon -
grois, les i n s u r g é s poursuivent o b s t i n é –
ment leur campagne. L a dynamite fait
sauter les ponts de chemi n de fer et par–
tout les bandes r é s i s t e n t avec une i ndomp –
table é n e r g i e ou prennent l'offensive. Qu e
si les c o mm u n i q u é s officieux annoncent
que les paysans ne leur p r ê t e n t aucun se–
cours, les é v é n e m e n t s d ' Ok h r i d a prouvent
exactement le contraire : p r è s d ' U r b e n i ,
300
ba ch i bouzouk s e l deux compagnies de
r é g u l i e r s e n g a g è r e n t l a lutte avec une
bande r é v o l u t i o n n a i r e ; les b a c h i bou z ouk s
allaient venir à bout de leurs adversaires
quand une seconde bande survint, pre–
nant à revers les b a c h i b o u z o u k s ; une
heure plus tard, 600 paysans a r m é s de
fusils, de yalagans et de haches arrivant
des villages voisins, b a l l i r e n t les troupes
turques, leur e n l e v è r e n t fusils el munitions
et se j o i gn i r en t aux bandes insurrection–
nelles. A Kastoria et à Monastir, le m ê m e
esprit de lutte
d é s e s p é r é e anime les
paysans.
Il n'est pas j u s qu ' aux a p p r é h e n s i o n s des
E u r o p é e n s habitant lesjtrois vilayets q u i ne
d é c è l e n t la g r a v i t é de la situation p r é s e n t e .
L ' u n e des colonies e u r o p é e n n e s de Salo–
nique a d e m a n d é au consul l'envoi d'un
ou de plusieurs navires de guerre. 11 n'y a
plus, cette fois, de question de d é t r o i t s
comme lors des pourparlers pour le dou–
blement des stationna ires é t r a n g e r s \ Cons–
tantinople. Mais, vu la philanthropie des
diplomates e u r o p é e n s el leur désir d ' ê t r e
a g r é a b l e s au Su l t a n , ils ne se d é c i d e r o n t à
mettre les navires en mouvement qu'une
fois les tueries c o n g i û m c n t e x é c u t é e s .
Q U E L Q U E S H E L L Ù N L S ET L U G O U V E R N E –
M E N T HAMIDIEN.
—
Lo r s qu e parut le
Livre
Jaune
sur les affaires de Ma c é d o i n e , le
gouvernement et les j o u r n a u x d ' A t h è n e s
en r e ç u r e n t une mauvaise impression. Cer–
tains rapports consulaires f r a n ç a i s n ' é l a i e n t
pas à l'honneur du c l e r g é et des agents
h e l l é n i q u e s dans les vilayets de Sa l on i que ,
Monastir et Ko s s owo . Il p a r a î t cependant
que certains He l l è n e s ne travaillent pas
avec beaucoup de zèle à d é m e n t i r ces fâ–
cheuses rumeurs. Les souvenirs r é c e n t s
do l a guerre de 1896 sont e n t i è r e m e n t o u –
bliés : entre les palais d ' Y l d i z et d ' A t h è n e s
on é c h a n g e des d é c o r a t i o n s et des discours
amicaux et quand les e n v o y é s du Su l t a n
d é b a r q u e n t au P i r é e , on leur donne des
«
mi hma nd a r s », à la mode orientale,
comme si la terre s a c r é e de la He l l a d e
é l a i l encore un pa cha l i k ottoman.
Les é t u d i a n t s h e l l è n e s , sujets turcs, en
r é s i d e n c e à A t h è n e s , accablent de protes–
tations de loyalisme S. M . I mp é r i a l e , re–
commandent à leurs ressortissants de
sur–
veiller les agitateurs et d'informer les
autorités toutes les fois qu'ils rencontreront
de ces malfaiteurs. »
A Constantinople, un avocat h e l l è n e ,
habile sans doute aux sophismes i n g é n i e u x
fait au Sy l l ogu e l i t t é r a i r e une c o n f é r e n c e
Fonds A.R.A.M