doino, mais qu'il tiendra à ce que la ques–
        
        
          tion d'Arménie reste é g a l eme n t posée et
        
        
          imposée aux préoccupations du sultan. (
        
        
          
            Très
          
        
        
          
            bien.' 1res bien!)
          
        
        
          M . Marcel Sembat attire ensuite l'atten–
        
        
          tion du ministre sur les influences d'ar–
        
        
          gent dans l'affaire Tu b i n i - Lo r a n d o , telles
        
        
          qu'elles ont é t é r é v é l é e s par u n p r o c è s
        
        
          pendant devant les tribunaux français :
        
        
          Ce n'est pas la première fois qu'un bruit
        
        
          pareil à une accusation de ce genre viennent
        
        
          à nos oreilles. Vous n'ignorez pas qu'au mo–
        
        
          ment des massacres d'Arménie, à maintes et
        
        
          maintes reprises le bruit a couru que si l'o–
        
        
          pinion publique française ne se soufevait
        
        
          pas, si on ne ta tenait pas mieux au courant
        
        
          des atrocités qui se passaient là-bas, c'était
        
        
          parce que la Turquie faisait le nécessaire
        
        
          pour que la France et le public français ne
        
        
          fussent pas trop bien ni trop c omp l è t eme n t
        
        
          informés.
        
        
          
            (
          
        
        
          
            Applaudissemenls à l'extrême gau–
          
        
        
          
            che.)
          
        
        
          M . le ministre, é v i d emme n t , va nous ré–
        
        
          pondre: « Que voulez-vous que j ' y fasse? Je
        
        
          suis d é s a r m é . » Je r é p o n d s : Monsieur le
        
        
          ministre, vous vous trouvez heureusement
        
        
          dans un cas où vous pouvez, non seulement
        
        
          faire justice, mais encore emp ê c h e r absolu–
        
        
          ment tout l'effet nuisible de ces manoeuvres
        
        
          criminelles sans avoir besoin de recourir à
        
        
          une poursuite judiciaire ou crimineffe. C'est
        
        
          l'idéal, n'est-ce pas ? Nous n'avons pas besoin
        
        
          de recourir à la justice répressive, car if suf–
        
        
          fît pour paralyser ces ma nœu v r e s , qu'on
        
        
          parle franchement, ctairement et CJUO le
        
        
          Gouvernement les d é n o n c e clairement.
        
        
          A partir du moment où le public français
        
        
          saura qu'il y a des gens qui distribuent de
        
        
          l'argent pour créer une fausse opinion publi–
        
        
          que française, dè s qu'il saura quels sont les
        
        
          corrupteurs et quels sont les corrompus, les
        
        
          distributions d'argent perdront tout effet
        
        
          utile.
        
        
          
            (
          
        
        
          
            Mouvements divers.)
          
        
        
          D'ailleurs, i l n'est pas vrai que nous soyons
        
        
          tout à fait d é s a rmé s . S i nous sommes d é –
        
        
          pourvus de sanctions judiciaires et sans
        
        
          recours devant fa justice criminelle, nous
        
        
          avons en revanche le droit de p r é s e n t e r des
        
        
          observations diplomatiques. S'il est exact
        
        
          qu'une puissance se livre chez nous à des
        
        
          ma nœu v r e s de ce genre, nous ne devons pas
        
        
          le tolérer.
        
        
          Vous avez bien su, lorsque s'est produit
        
        
          le dernier incident avec la Turquie, l u i dire :
        
        
          «
        
        
          Vous entretenez chez nous une police
        
        
          occulte ; nous ne voulons plus qu'on sur–
        
        
          veille à Paris a l'aide d'une police dont nous
        
        
          ne sommes pas responsables, les Jeunes
        
        
          Turcs ou les sujets ottomans coupables de
        
        
          rêver pour leur pays un meilleur r é g ime que
        
        
          la domination du sultan Ab d u l - Ham i d . »
        
        
          Vous avez ainsi emp ê c h é les policiers turcs
        
        
          de continuer leur métier. Je ne sais pas s'ils
        
        
          l'ont repris depuis ; mais vous pourriez p r é –
        
        
          senter des observations de même genre si
        
        
          des ma nœu v r e s , avérées celles-là, et qui
        
        
          semblent prouvées, étaient ourdies chez
        
        
          nous par une puissance avec laquelle nous
        
        
          sommes en relations diplomatiques.
        
        
          
            M. DELCASSÉ
          
        
        
          L'honorable M . Charles Benoist n'a rien
        
        
          dit des affaires des Ba l k a n s ; mais vous avez
        
        
          entendu, messieurs, notre ém i n e n t collègue,
        
        
          M . de Pressensé.
        
        
          M . de PresseiiMÎ vous a dit, avec une
        
        
          émotion cju'il n'était pas seul à épro"vor-,
        
        
          les souffrances des populations de la Macé–
        
        
          doine et de l ' Armé n i e ; i l vous a dit avec
        
        
          une sûreté et une c omp é t e n c e qu'if n'est pas
        
        
          possible de dépasser, tes transformations
        
        
          profondes de la péninsule balkanique au
        
        
          cours du siècle dernier. Est-ce cpie, là encore,
        
        
          la France aurait ma n q u é à ses traditions?
        
        
          Est-ce que, en ce qui concerne l'Arménie,
        
        
          elle n'a pas mo n t r é , depuis cinq ans, par des
        
        
          interventions répétées dont les A r mé n i e n s
        
        
          eux-mêmes nous ont plusieurs fois e x p r imé
        
        
          leur gratitude, qu'aucune souffrance h u –
        
        
          maine ne la laisse insensible? Est-ce que,
        
        
          hier encore, par l'envoi d'une mission s p é –
        
        
          ciale en A rmé n i e , par l'augmentation en
        
        
          A rmé n i e du nombre de nos agents, elle n'a
        
        
          pas ma r q u é nettement sa volonté de ne pas
        
        
          se relâcher d'une surveillance qui paralyse
        
        
          les mauvaises volontés, suspend les mé –
        
        
          chants desseins?
        
        
          
            (
          
        
        
          
            Humeurs au centre.)
          
        
        
          Eh oui ! messieurs. S i je vous lisais les
        
        
          extraits des rapports de ceux de nos agents
        
        
          que j ' a i envoyés en Armé n i e , vous verriez
        
        
          qu'ils constatent que l'action que nous avons
        
        
          exercée l à - b a s a été efficace.
        
        
          Ce que nous avons fait en Armé n i e , ce
        
        
          que nous continuerons de faire, nous t'avons
        
        
          fait é g a l eme n t pour la Macédoine ; MM . Geor–
        
        
          ges Berry et de P r e s s e n s é t'ont reconnu. Ce
        
        
          n'est pas d'hier que la France a signalé la
        
        
          condition malheureuse des populations de
        
        
          la Macédoine et ce n'est pas d'hier non plus
        
        
          qu'elle s'est efforcée d'amener la Turquie à
        
        
          l'améliorer, en réformant les abus d'une
        
        
          administration qui, vraiment, donne trop de
        
        
          prise à la critique.
        
        
          Le mal réel est assez grand pour qu'on
        
        
          s'abstienne de le grossir artificieilement.
        
        
          L a vérité, c'est qu'en Macédoine, les esprits
        
        
          sont dans un état d'irritation extrême. Je ne
        
        
          dis pas que c'est ta faute du seuf gouver–
        
        
          nement turc, je suis loin de mé c o n n a î t r e les
        
        
          graves difficultés d'une situation très com–
        
        
          plexe. Je sais — et M . de Pressensé le recon–
        
        
          naissait iui-même — qu'il" faut compter avec
        
        
          les aspirations très vives et très o p p o s é e s
        
        
          des populations -qui habitent la Macé–
        
        
          doine, avec les excitations de ceux qui
        
        
          exploitent ces aspirations ; mais comment
        
        
          ne pas constater, d'autre part, que fe gou–
        
        
          vernement ottoman n'a rien fait j u s q u ' à ce
        
        
          jour, ma l g r é le puissant appei que tes puis–
        
        
          sances fui ont adressé, pour apporter quel–
        
        
          que soulagement aux misères des habitants
        
        
          et pour rendre p a r l a plus difficiles les efforts
        
        
          de ceux qui spéculent sur leur d é s e s p o i r ?
        
        
          Car i l n'y a pas d'autre mot pour d é p e i n d r e
        
        
          l'état moral des habitants de fa Macédoine.
        
        
          
            (
          
        
        
          
            Très bien ! très bien !)
          
        
        
          Je n'en veux pour preuve que tes troubtes
        
        
          qui ont persisté pendant t'hiver particu-
        
        
          li.èrement rigoureux en cette région, faisant
        
        
          craindre, à la fonte des neiges, un plus
        
        
          vaste soulèvement que le souci de l'huma–
        
        
          nité non moins que de la paix de l'Europe
        
        
          commandait de prévenir.
        
        
          
            (
          
        
        
          
            Très bien!
          
        
        
          
            très
          
        
        
          
            bien.')
          
        
        
          A l i ! sans doute, en présence de ces troubles
        
        
          et de l'attention croissante que tes puis–
        
        
          sances ne pouvaient pas ne pas leur donner,
        
        
          sans doute la Porte, i l y a trois mois, a paru
        
        
          s'émouvoir. Elle a envoyé sur les lieux un
        
        
          haut commissaire pour s'y livrer à une en–
        
        
          quête, et n ommé à Constantinople une Com–
        
        
          mission pour en examiner les résultats et
        
        
          proposer les mesures qui lui paraîtraient
        
        
          a p p r o p r i é e s . Mais déjà le temps était passé
        
        
          de ces études, et ce n'était pas uns e n q u ê t e
        
        
          de plus qui pouvait apaiser tes poputations
        
        
          ni rendre confiance aux puissances. Eiles sa–
        
        
          vaient, au surplus, ce qu'il en fallait attendre ;
        
        
          elles n'ignoraient pas que certains actes
        
        
          é n e r g i q u e s d ema n d é s par le haut Commis–
        
        
          saire e n q u ê t e u r , et p r o p o s é s par fa commis–
        
        
          sion à la Porte, n'avaient'pas été o r d o n n é s
        
        
          par la Porte et que les agents d é n o n c é s n'en
        
        
          continuaient pas moins leurs exactions et
        
        
          leurs abus de pouvoir. Non 1 l'enquête était
        
        
          faite, le mal c onnu ; c'était le r emè d e qu'il
        
        
          importait d'appliquer.
        
        
          A l'heure actuelle, qu'est-ce qui exaspère
        
        
          surtout les populations? Le paysan ma c é –
        
        
          donien est très attaché au sol, dur au
        
        
          travail, tenant aux fruits de son travail. Il
        
        
          vient de couper sa r é c o l t e ; de chaque tas
        
        
          de cent gerbes, i l en détache d i x : la part du
        
        
          dîmier. Le dimier arrive, qui en prend vingt,
        
        
          souvent trente, quelquefois plus; ou bien
        
        
          le dimier se fait attendre. La récolte ne peut
        
        
          être enlevée. Cependant la pluie tombe,
        
        
          qui la détériore ; i l faut alors la vendre à
        
        
          vil prix, aux gens du dîmier, sinon au d î –
        
        
          mier l u i -même . Le malheureux paysan s'en
        
        
          retourne chez l u i . Va-t-il pouvoir au moins
        
        
          disposer de ce qu'on lui a laissé pour ne
        
        
          pas mourir de faim avec sa famille ? Sur–
        
        
          vient le gendarme, qui a faim, l u i aussi. On
        
        
          a dit au gendarme, en le nommant, qu'il
        
        
          recevrait 30 francs par mois ; mais les mois
        
        
          s'écoulent avant qu'il touche un sou ; alors
        
        
          il prend au paysan ce que l'administration
        
        
          ne lui donne pas ; au lieu de le p r o t é g e r ,
        
        
          il le pille ; i l le pille el if le bat si le malheu–
        
        
          reux veut résister.
        
        
          En faut-il dire plus long pour expliquer
        
        
          le désespoir de ces populations et pour en
        
        
          faire a p p r é h e n d e r les c o n s é q u e n c e s ? Faut-il
        
        
          parler des meurtres, des c r u a u t é s que se re–
        
        
          prochent r é c i p r o q u eme n t les Turc^s et les
        
        
          bandes révolutionnaires et dont ni les uns
        
        
          ni les autres ne sont probablement tout à
        
        
          fait innocents?
        
        
          Si la Porte n'a pas tort de se plaindre de
        
        
          la propagande des Comités révolutionnaires,
        
        
          il faut constater cependant que son admi–
        
        
          nistration leur a trop bien p r é p a r é le ter–
        
        
          rain.
        
        
          
            (
          
        
        
          
            Très bien ! très bien!)
          
        
        
          A quoi servirait de fermer les yeux? On
        
        
          aurait aimé continuer de s'endormir sur la
        
        
          pensée que, les grandes puissances é t a n t
        
        
          r é s o l ume n t pacifiques, et f'Autriche et la
        
        
          Russie, les plus directement intéressées,
        
        
          voulant r é s o l ume n t le
        
        
          
            statu quo
          
        
        
          politique et
        
        
          territorial dans les Balkans, rien ne s'y peut
        
        
          produire qui soit de nature à troubler s é –
        
        
          rieusement la paix. C'eût été s'exposer à un
        
        
          réveif désagréable.
        
        
          Il fallait tenir compte aussi des popula–
        
        
          tions balkaniques, de ce qu'elles pensent,
        
        
          de ce qu'elles sentent, de ce qu'elles souf–
        
        
          frent. Or, elles en étaient arrivées à trop
        
        
          souffrir pour écouter autre chose que les
        
        
          conseils de la misère exaspérée. C'est ce
        
        
          dont les grandes puissances se sont con–
        
        
          vaincues, et le Livre jaune vous a mo n t r é
        
        
          que la France n'a pas été la d e r n i è r e à
        
        
          signaler le mal et à demander qu'on appli–
        
        
          q u â t le r emè d e
        
        
          
            (
          
        
        
          
            Très bien! très bien!);
          
        
        
          ce
        
        
          r emè d e , c'est l'acuité même du mal qui
        
        
          l'indiquait.
        
        
          Il fallait courir au plus pressé, c'est-à-dire
        
        
          aux réformes, non seulement capables de
        
        
          r é u n i r i mmé d i a t eme n t l'adhésion des puis–
        
        
          sances, mais qui ne risquent pas de soulever
        
        
          les protestations ou les jalousies des diffé–
        
        
          rentes poputations de la Macédoine, qui'
        
        
          profitent à toutes indistinctement et dont
        
        
          l'application serait i mmé d i a t eme n t réali–
        
        
          sable.
        
        
          Et voilà pourquoi on est t omb é d'accord
        
        
          qu'il fallait tout de suite étabfir en Macédoine
        
        
          une institution financière régulière qui per–
        
        
          çoive les taxes dues et cellesdà seulement,
        
        
          et qui, avec le produit des taxes, pourvoie
        
        
          aux besoins de la province et, en premier
        
        
          lieu, aux d é p e n s e s de sûreté.
        
        
          Il faut aussi r é o r g a n i s e r i mmé d i a t eme n t
        
        
          la gendarmerie, la recruter à la fois parmi
        
        
          les chrétiens et parmi les musulmans, pro–
        
        
          portionnellement à leur nombre, et la mieux
        
        
          payer, en tous cas la payer r é g u l i è r eme n t .
        
        
          Et, comme garantie de l'exécution loyale et
        
        
          p e r s é v é r a n t e de ces deux réformes très sim–
        
        
          ples, mais aussi urgentes qu'indispensables,
        
        
          un inspecteur général, n omm é pour un temps
        
        
          d é t e rmi n é , ayant des pouvoirs é t e n d u s et la
        
        
          faculté d'en user, n'étant pas exposé à ce
        
        
          que, chaque matin, un ordre t é l é g r a p h i q u e
        
        
          de la Porte ou du Palais, passant par dessus
        
        
          sa tête, annule ceux qu'il aura d o n n é à ses
        
        
          fonctionnaires, et surveillant ces derniers
        
        
          avec l'autorité d'un homme s û r de la durée
        
        
          et de l'appui des puissances, t émo i n s atten–
        
        
          tifs de ses efforts.
        
        
          Messieurs, que ce paysan, dont je vous
        
        
          dépeignais tout à l'heure la situation i n t o l é –
        
        
          rable, demain se sente protégé ; qu'il sache
        
        
          qu'il peut d é s o rma i s travailler son champ en
        
        
          toute sécurité et que le produit de son travail
        
        
          Fonds A.R.A.M