que le fer de l'assassin aura é p a r g n é s !
(
Ap–
plaudissements.)
C'est la destruction décidée, mé t h o d i q u e ,
par l'assassinat, de toute une race, ce sont
des peuples qui vont disparaître. Comprenez-
vous bien l'horreur de ces mots : la dispari–
tion d'une race, une branche du grand arbre
humain arrachée violemment sur l'ordre
d'un despote cruel ! S i l'Europe n'intervient
pas, bientôt peut-être i l ne restera plus que
quelques survivants Agés, pour ainsi dire,
dans le sang, annihilés dans la stupeur de
leur épouvante, sans force de vie, perdus
pour l'humanité L'Europe peut-elle permettre
cela?
Vous avez déjà r é p o n d u : non. L a France
ne peut pas garder le silence; elle doit être
la grande provocatrice de l'action sage, mais
résolue qui peut sauver ces peuples oppri–
més. Il faut que sa voix se fasse entendre.
Ceux qui souffrent là-bas, dans la fièvre de
ieur espérance et de leur douleur, attendent
d'elle le mot sauveur, car la France est tou–
jours pour eux, disons-le, la grande et bonne
nation. Le prestige de nos gloires guerriè–
res, dont nous• conservons la fierté ne s'est
pas éteint ; son rayonnement dure encore et
on se souvient de ce protectorat tant de fois
séculaire que nous devons conserver.
Mais ce n'est pas seulement par les gran–
deurs de notre histoire que nous sommes
connus ; c'est aussi par les bienfaits que nous
avons r é p a n d u s . On sait là-bas que la France
est la douce France. On nous y c o n n a î t par
les hôpitaux que, nous avons créés, par nos
écoles, par nos missionnaires.
(
Interruptions.)
Et là où sa puissance ne se manifeste pas, la
France est présente encore par cette force
ptus p é n é t r a n t e que les autres et qu'on
appelle la b o n t é .
(
Nouvelles
interruptions.)
Et n'est-il pas touchant, entre beaucoup
d'autres, ce fait que nous raconte M . de Con-
tenson dans son livre si intéressant. C'est à
Orfa. Vous vous souvenez des scènes terri–
bles dont cette ville a été le théâtre. On ne
se contente pas de massacrer, on brûle les
malheureux réfugiés dans i'égtise. Et c'est
une chose à faire frémir fa pensée, que cet
immonde incendie allumé par la haine, que
ces chairs humaines enduites de pétrole
tordues dans les spasmes d'une é p o u v a n t a b l e
agonie.
Quand le voyageur arrive, tout à Orfa est
encore ruine et deuil. L a France n'a pas de
r e p r é s e n t a n t officiel. Pas un homme de
notre race. Et cependant, i l est ému d'une,
émotion pleine de charme en entendant par–
ler, si loin de la patrie notre langue natio–
nale. D'où cela vient-il? C'est, que des fem–
mes, des enfants, réunis dans l'écote ou dans
f'ouvroir, ont appris les mots qui font aimer
fa France, de la bouche de quatre soeurs
Franciscaines.
(
Nouvelles inlerruplions
et
approbations.)
Et ce don qu'a notre pays de se faire
aimer, a créé là-bas ce sentiment qu'une
sorte de pacte mystérieux existe entre tout
ce qui souffre et la France. Pour cela, on
espère en nous. Ne d é s e s p é r o n s pas cette
confiance.
Que fa France fasse entendre sa grande
voix ; qu'efte provoque en Europe l'entente
qui amè n e r a la réforme de l'Orient, heureuse
pour tous, par l'exécution des traités et que
sa parole répétée par tous les échos, au
milieu des ruines e n s a n g l a n t é e s , résonne
aux oreilles des bourreaux comme un aver–
tissement, porte aux o p p r imé s les espérances
de l'avenir. (
Vifs
applaudissements.)
Allocution de M. d'Estournelles de Constant
M E S D AM E S , ME S S I E UR S ,
Il faut que cette manifestation admirable
et sans p r é c é d e n t ait une conclusion. Vous
ne voudrez pas vous s é p a r e r sans voter, à
l'unanimité, j'en suis sûr, i'ordre du jour que
nous avons p r é p a r é et dont M . Anatole Leroy-
Beaulieu, membre de l'Institut va vous donner
lecture.
Mais auparavant je dois m'acquitter d'un
devoir. Je ne puis malheureusement pas
vous donner lecture des adhésions innombra–
bles que nous avons reçues de toutes parts ;
je ne puis que vous donner connaissance
très sommairement de, quelques-unes.
Nous avons reçu les a d h é s i o n s suivantes où
nous constatons la p r é s e n c e de MM . Etienne,
Lockroy, Cuillain, vice-présidents de la
Chambre ; Lavisse, membre de l'Institut,
professeur à la Sorbonne ; Gaston Paris,
membre de l'Institut, administrateur' du
Collège de France ; Anatole France, Sully-
Prudhomme, Vahdal, de l'Académie Fran–
çaise ; Michel Bréal, Sénart, Paul Violet-
Georges Picot, Tarde, Frédéric, Passy. mem–
bres de l'Institut; Croiset, membre de l'Ins–
titut, doyen de la Faculté des lettres; Du -
claux, membre de l'Institut, directeur de
l'înstitut Pasteur; Perrot, membre de l'Ins–
titut, directeur de l'Ecole normale supé–
rieure; Mobilier, professeur à l'école des
Chartes; Séailles, Seignobos, professeurs à
la Sorbonne; Lyon-Caen, membre de l'Ins–
titut, professeur à la Faculté de droit ;
A. Meillet et Paul Boyer, professeurs à l'Ecole
desLanguesOrientales ; Charles Richet, mem–
bre de l'Académie de Médecine, ; Albert
Métin, professeur- à l'Ecole Coloniale ; L a -
picque, professeur à la Sorbonne; Victor
Bérard, rédacteur à la
Revue de Paris ;
Etienne Lamy, r é d a c t e u r à la
Revue des
Deux-Mondes;
M™ Séverine; Gaston Des–
champs, rédacteur au
Temps;
Pierre Quillard,
r é d a c t e u r ' e n chef de
Pro Armenia ;
Herold,
r é d a c t e u r en chef de
l'Européen;
Ludovic
de Contenson; pasteur Monnicr ; Jean Lo n –
guet.
MM . Piot, Claniageran, Delpech, cointe
d'Aunay, s é n a t e u r s ; Delafosse, baron Du -
treil, docteur Delbet, E . Roche, a b b é Lemire,
Bouanet, Sembat, a b b é Gayraud, Messimy,
Vazeille , Deloncle , Ferdinand Buisson ,
Simyan, Guieysse, Chauvièro, P. Deschanel,
Aynard, Flandin, P o i n c a r é , Ge o r g e s L e y g u e s ,
Henri Michel, A . Briand, Bagnol, Millevoye,
Gauthier de Clagny, de L a Batut, Grosjean,
Menier, comte d'Alsace-Hénin, Beauquier,
d é p u t é s .
En outre, de nombreuses associations nous
ont fait parvenir leurs adhésions, parmi les–
quelles l'Association générale des Etudiants,
l'Union des Etudiants A rmé n i e n s d'Europe,
la Fédération a r mé n i e n n e le
Droschak,
les
Comités Macédoniens de Sofia, plusieurs
Comités a rmé n i e n s , bulgares, serbes et grecs,
etc., etc.
Vo i c i le t é l é g r amme que je viens de rece–
voir du Père Charmetant, directeur de
WEu-
vre d'Orient :
La maladie m'éloigne de Paris, mais je suis
avec vous aujourd'hui el toujours pour les
opprimés contre les oppresseurs, pour protester
contre l'inertie de l'Europe en face des mas–
sacres d'Arménie el de Macédoine, pour de–
mander aux puissances signataires du traité
de Berlin de faire respecter leur décision el à
la France de rester fidèle aux aspirations de
son génie, à son passé humanitaire et civilisa–
teur et à son rôle séculaire qui lui ont valu
son bon renom, son influence et sa vraie gran–
deur dans le monde.
Libre aux autres nations de renier leurs en–
gagements, mais la France ne peut laisser pro–
tester sa signature.
C H A R M E T A N T .
Nous avons encore reçu la lettre suivante
de M . Clemenceau, s é n a t e u r du Va r .
Paris,
le 2 février 1903.
Mon cher député,
Je ne puis que vous remercier très cordiale–
ment de l'aimable invitation que vous me faites
l'honneur de m'adresser. Il va sans dire que
ma plus vive sgmpathie est acquise à votive
œuvre excellente et que vous pouvez enregistrer
mon adhésion. Par malheur, il me sera impos–
sible de me rendre ci votre réunion et, par
conséquent, d'g prendre la parole.
Je vous en exprime mes sincères regrets el
vous prie d'agréer mes sentiments les plus
distingues.
G. C L E M E N C E A U .
M . Louis Havet, membre de l'Institut, vice
président de la Ligue des Droits de l'homme,
nous éci'it :
Il février 1003,
5,
avenue de l'Opéra (P
r
arr.)
Mon cher président,
A mon très vif regret, il ne m'est pas pos–
sible, demain, d'être à vos côtés.
J'envoie, du moins, un salut cordial à vous,
à I
J
ressensé, à Jaurès, à ceux aussi qui ne sont .
pas des vôtres, el qui luttent avec les vôtres
pour une cause universelle.
La barbarie de l'Orient est la honte de l'Occi–
dent, et, pour ma part, je ressens cette honte,
non seulement comme citoyen français, mais
comme citoyen de l'Europe.
Louis H A V E T .
Vice-président
de la Ligue des Droits de l'homme.
M . "Emmanuel des Essarts, doyen de la
Faculté des Lettres do l'Université de Cler-
mont-Ferrand, nous adresse son adhésion
dans ces termes :
Clermonl-Ferrand,
le 9 février 1903.
Monsieur le député,
J'ai l'honneur de vous apporter mon adhé–
sion à la ligue en faveur de la cause armé–
nienne. Je vous serais obligé de m'inscrive et
de me compter au nombre de ceux qui prennent
l'initiative de cette
réclamation.
Il est temps qu'on ne laisse plus peser sur
les populations asservies la barbarie du Sultan,
odieux: anachronisme en Europe.
Hier c'était la Crète que ce despotisme san–
glant accablait; aujourd'hui, c'est la Macé–
doine, c'est toujours
l'Arménie.
Il appartient à la France de protester avant
toutes les autres nations, à lu France de
Navarin, libératrice
de la Belgique el de
l'Italie, qui doit conserver la mission que lui
décerne l'histoire el qu'ont revendiquée
pour
elle nos maîtres Hugo, Michelel, Quinei, c'est-
à-dire, la protection ries faibles et la rédemp–
tion des opprimés.
Je vous prie, monsieur le Député,
d'agréer
l'expression de mes sentiments respectueux.
Emmanuel D E S E S S A R T S ,
doyen de la Faculté
des Lettres de
Clermont.
Vo i c i enfin une tettre adressée au bureau
tout entier. Elfe est signée d'un des plus
grands noms de la Science, qui n'est pas
celui d'un agitateur; j ' a i n omm é M . Mar-
cellin Berthelot, membre de l'Académie
française, membre de l'Académie des
Sciences, s é n a t e u r inamovible :
Je m'associe volontiers et de tout cœur à
la manifestation que vous faites en faveur des
populations opprimées et égorgées
d'Arménie
el de Macédoine, Il est temps que l'Europe
intervienne au nom de la civilisation et de
l'humanité,
pour mettre fui à ces scènes de
sauvagerie et de massacre qui rappellent la
barbarie du mogen âge el qui
déshonorent
noire époque.
Il faut que le cri de l'opinion publique s'im–
pose aux gouvernements, que les intérêts par–
ticuliers qui divisent ceux-ci s'effacent et
qu'une action collective el irrésistible
des
peuples civilisés se produise, comme elle a eu
lieu autrefois en faveur de la Grèce, et de
noire temps même, en faveur de la Bulgarie.
Le but que vous poursuivez est noble et né–
cessaire, il faut soulever l'opinion publique,
et je joins ma faible voix à la vôtre : nous en
Fonds A.R.A.M