trois personnes, ne pouvant résister aux
amertumes de la vie de prison; ce sonl les
n omm é s Garabed de AltchakragK, Garabed
de Keuprikeuy, et le troisième, dont nous
n'avons pu apprendre le nom, est un habi–
tant de Patichen. Il y a aussi quelques mala–
des, dont l'état est désespéré. Les femmes
et les enfants des prisonniers arrivaient, le
3
octobre, à « l'ara tchnortaran », pour sup–
plier « l'aratchnorte » d'intervenir et d'obte–
nir l'élargissement des prisonniers; « l'arat–
chnorte » ne se chargea pas d'intervenir et
les malheureux, désespérés, et les larmes
aux yeux, r e n t r è r e n t chez eux.
Le 22 septembre fut p r omu l g u é l'iradé du
sultan, par lequel i l était o r d o n n é de faire
paver une livre d'amende à tous ceux qui
seraient arrêtés en voulant s'enfuir du pays,
et d'emprisonner tous ceux qui renflaient
de l'étranger, et cela j u s q u ' à nouvel ordre.
Par c o n s é q u e n t , tous ceux qui sont arrêtés
doivent attendre, j u s q u ' à ce que les pachas
daignent donner une suite à leurs justes
protestations qui restent toujours lettre
morte.
Il y a des naïfs qui trouvent à reprocher
aux ('migres ; ceux-là, ne savent pas que le
gouvernement turc saurait au besoin créer
tous les motifs imaginaires pour châtier
l'Arménien, à défaut d'autres prétextes, qui
sont d'ailleurs inépuisables. Que peut faire
le malheureux émi g r é ? i l échappe à la ty–
rannie, parcourt monts et vallées pendant
des j o u r n é e s entières, mais le pays é t r a n –
ger ne peut pas l u i faire oublier son foyer et
sa patrie. Il préfère les souffrances dans sa
patrie que de rester à l'étranger ; i l arrive,
et sans respirer encore l'air du pays tant
souhaité, i l trouve son repos sur la terre hu–
mide de la geôle obscure. Cette situation
va-t-elle durer longtemps — on ne le sait.
Tout ce que nous pouvons dire, c'est qu'au–
cun bon résultat ne doit être attendu.
Nouvelles d'Orient
L A
CHAIRE D ' A R M É N I E N A L ' E C O L E DE S
L A N G U E S O R I E N T A L E S .
M . L é o n Meillet,
n o mm é titulaire de la chaire d ' A r m é n i e n '
a p r è s la mort du professeur A . C a r r i è r e , a
i n a u g u r é son cours le 22 d é c e mb r e 1902 :
philologue docilement soumis a u x m é t h o d e s
scientifiques, M . L é o n Meillet ne se croit
point o b l i g é , en ce q u i ne touche pas la
science pure, à l'indifférence et à l'absten–
tion ; i l a toujours t é m o i g n é de sa s ympa –
thie pour le peuple a r m é n i e n et i l fut de
ceux q u i a d h é r è r e n t au C o n g r è s de
Bruxelles, en pleine connaissance de cause.
Dans sa l e ç o n d'ouverture, a p r è s les
remerciements d'usage, i l a r a p p e l é l'his–
toire de l a chaire d ' A r mé n i e n , l'une des
plus anciennes de l ' Ec o l e , puisque l ' a r mé –
nien C i r b i e d en a é t é titulaire d è s 1812;
puis i l a fait l'éloge de son p r é d é c e s s e u r ,
C a r r i è r e , somme professeur et comme
savant, et i n d i q u é q u ' i l s'efforcerait de se
conformer à l a m ê m e r i gu e u r c r i t i que que
celui-ci.
L'enseignement doit prendre un carac–
t è r e nouveau. A l ' é t u d e de l ' a r mé n i e n an–
cien s'ajoutera celle de l ' a r mé n i e n moderne;
cette i nnov a t i on est e x i g é e à la fois par
des n é c e s s i t é s pratiques puisque l ' a r mé –
nien moderne est la seule langue que par–
lent et é c r i v e n t au j ou r d ' hu i les popu l a –
tions a r m é n i e n n e s et par des n é c e s s i t é s
scientifiques, puisque l'histoire ne prend
son sens que pour q u i c o n n a î t le p r é s e n t .
Mais l'enseignement de l ' a r mé n i e n clas–
sique ne saurait d i s p a r a î t r e pou r c e l a ; car
d'une m a n i è r e g é n é r a l e , on ne peut expli–
quer le p r é s e n t q u ' à l'aide des a n t é c é d e n t s
historiques et, en particulier, dans le cas
de l ' a r mé n i e n , i l y a c o n t i n u i t é absolue
des faits et pour l'église et pou r l a langue
q u i sont les deux institutions, g r â c e aux–
quelles l a nation a g a r d é son autonomie
a p r è s la perle de l ' i n d é p e n d a n c e politique.
M . Meillet indique i c i les recherches à
entreprendre sur l'église, sur la langue,
sur la l i t t é r a t u r e , sur les textes, sur les
institutions relatives à la famille et à l a
p r o p r i é t é , s u r l'histoire en signalant les
principaux travaux r é c e n t s relatifs à cha–
cun de ces sujets. Il montre l ' i n t é r ê t de
l ' a r mé n i e n pou r l ' é t u d e de l'Asie Mineure
et du Caucase, et conclut en affirmant que
les travailleurs q u i p o s s è d e n t des connais–
sances g é n é r a l e s sur une branche quel–
conque des é t u d e s relatives aux s o c i é t é s
humaines, trouveront dans la philologie
a r m é n i e n n e de nomb r eux m a t é r i a u x à
mettre en œ u v r e .
E N MA C É D O I N E .
Les diplomates dis–
cutent; le sultan agit : m ê m e en hiver, i l
est possible de p r o c é d e r à d'utiles tueries.
V o i c i d ' a p r è s le
Mouvement Macédonien
les
plus r é c e n t s exploits des bandes h ami –
diennes dans les vilayets de Salonique et
de Monastir :
V I L A Y E T DE SÀLONIOUE. —
Vodena, le 10 dé–
cembre.
En même temps que les corps de
poursuite parcourent notre arrondissement
et r é p a n d e n t la terreur par leurs actes sau–
vages, des particuliers turcs commettent des
crimes semblables sur' la population c h r é –
tienne. Nous apprenons chaque jour qu'un
tel assassinat a été commis dans tel village,
que telle femme fut violée par des Turcs,
que tel bey fît b â t o n n e r une dizaine de v i l –
lageois qui refusaient de satisfaire ses ca–
prices, etc., etc. Les souffrances des c h r é –
tiens sont atroces .et rien ne p r o t è g e ces
malheureux, d é s a rmé s et poursuivis partout.
Le Comité musulman pour l'extermination
des chrétiens agit très activement sur des
ordres arrivés de Salonique. L'assassinat est
te moyen le plus souvent employé par l u i
pour se d é b a r r a s s e r de certaines personnes
qui l u i paraissent suspectes. A i n s i , i l y a
deux ou trois jours, Feredin'e bey, en sortant
d'une réunion du Comité, ordonnait à ses
hommes d'assassiner le notable du village
Kronlzévolo,
Christo Djevaler. Son ordre fut
i mmé d i a t eme n t exécuté et te gouvernement
turc, comme toujours, ne se d é r a n g e a point
pour punir le crime.
Les viols de femmes c h r é t i e n n e s sont quo–
tidiennement commis et avec un ' cynisme
barbare. Les Turcs se vantent quand ils
peuvent les commettre avec une atrocité
spéciale. Il y a deux jours, au village
Arsène,
un notable, Ay a bey, et ses camarades,
a rmé s jusqu'aux dents, e n t r è r e n t dans la
maison de Grigor Gagachoff, a t t a c h è r e n t
celui-ci et, devant ses yeux, l u i pleurant et
suppliant, violèrent sa jeune femme et ne fa
laissèrent que quand ils la crurent morte.
D'un autre côté les Turcs cherchent par
tous les moyens à augmenter les conversions
à l'islam. Quatre jeunes filles ont été enlevées
la semaine dernière et forcées à changer de
religion. Une autre jeune fille, âgée de
quinze ans, après avoir subi les derniers
outrages, fut enfermée dans un kharem pour
être p r é p a r é e à la conversion. Mais les pa–
rents de la jeune fille ayant appris où elle
était cachée, se sont p r é s e n t é s en grand
nombre devant la maison pendant l'absence
du ravisseur et ont reçu dans leurs bras la
malheureuse fitle, qui se jetait par une fe–
n ê t r e . Be n c o n t r é s en route par une bande
duravisseur, une lutte c omme n ç a qui aurait
fini par un massacre si la police ne s'était
pas p r é s e n t é e .
Le 3 d é c emb r e quelques Turcs pénétrè–
rent dans le moulin de Vané Gochteff et,
après avoir pillé tout ce qu'ils y trouvèrent,
lui infligèrent une telle bastonnade que le
malheureux s'est alité.
Les agents de la Bégie des tabacs d é –
pouillèrent une vingtaine de personnes qui
enttaient dans la ville.
Djoumaïa, le 8 décembre.
Les atrocités
commises sur tes viilages paisibles de notre
arrondissement sont affreuses. Des soldats
et des bachibozouks parcourent les villages
et soumettent les chrétiens à des tortures
inouïes. Plusieurs villages ont été détruits
par eux, d'autres a b a n d o n n é s par leurs habi–
tants pour se soustraire aux souffrances qui
les attendaient.
, —
Dans le village
Syrbinovo,
des crimes
inouïs ont été commis. Une quinzaine de
personnes y ont été massacrées, pa rmi les–
quelles : Un jeune garçon de douze ans de
Gheorghi Popoff, un autre à f'âge de six ans,
de Pètré Georghieff, ainsi qu'une jeune fîfte
de dix ans, de celui-ci, fut violée et mise en
pièces; le vieillard Nako Mantchoff, Christo
Nicoloff, les o c t o g é n a i r e s Blago Ilieff, Mito
Kïtine, Gheorghi Natcheff, Anghel Ilieff, etc.
En outre, la plupart des femmes et des
jeunes filles ont été violées par la soldates–
que. A i n s i , par exemple, une jeune fîlfe de
douze ans, de Gheorggi îllieff, une, autre de
dix ans, de Pètre Gheorghieff, la bru de
Gheorghi Athanossoff, fa femme de Christo
Dimitroff, celte de Tzvetco Nicoloff, etc., ont
été violées et atrocement maltraitées par les
soldats.
Fonds A.R.A.M