ou qui se proposent de lui résister. Katar,
tout a rmé , circule librement à Ossdan.
Le 15 j u i n , Néma t h é Néma t h a n , hamidié,
principal domestique de Dirbache Khan, de
la tribu de Chaurakh, désire prendre comme
femme pour son fils, la fille d'une femme
turque, Almasde hanoum, du village de
Hirtehe de Haïotz Tzor. L a femme fe refuse
en présence des chefs du district. Né n a t h é
Nénathan, avec 35 cavafiers, pour tirer sa
vengeance de la femme du chef du district,
commence à opprimer les paysans, a rmé –
niens et kurdes.
Après avoir quitté Hirtehe, i l arrive avec
ses hommes à Haïotz Tzor. Il pille Der Ga-
rabed de Ghighzi avec ses trois camarades,
ainsi que deux Armé n i e n s de Assdvatzachen,
le prêtre de Norkhegh, et quelques villageois.
Pour comble de tout cela, i l va au village
de Hindistan pour y passer la nuit. Les chefs
des villages et les paysans commencent
aussitôt à faire des préparatifs pour les rece–
voir. Les hommes de Néma t h a n une fois
dans le village, s'introduisent dans les mai–
sons pour s'adonner à leur impudence ; ils
violent Eghinar, femme de Bodour, Mariam,
femme de Oh a n n è s , la femme de Kévork et
d'autres. Il n'y a pas de protestation, à qui
protester? Les malheureux désespérés et
honteux, veulent cacher cet outrage qui leur
a été fait.
Mousstapha pacha (1) deMiran, emporte par
force 360 agneaux, 30 chèvres et 200 piastres
du village d'Armichad de Chadakh. Cet i m –
pudique personnage fait revivre tes droits
féodaux soit dans sa tribu, soit parmi les
habitants a rmé n i e n s et kurdes.
On nous écrit de Issdorine Garghar, en date
du 28 juillet :
Notre situation est lamentable et nos
souffrances intolérables ; nous sommes entre
deux épées, d'un côté le gouvernement, d'un
autre côté les Kurdes, et du côté où nous
tournons l'épée perce notre coeur. Cette
a n n é e , en hiver, le 25 janvier, Saïde, kurde
barbare du village de Lernisse, fils de Fa-
roud, apporte du blé pour moudre au moulin
du village a rmé n i e n d'Arghan. Il ne veut
payer aucune r é t r i b u t i o n . Quand les Armé –
niens lui r é c l ame n t leur dû, i l s'empare d'une
grande hache, les attaque et en btesse quet-
ques-uns. Les A rmé n i e n s l'arrêtent, le désar–
ment et le conduisent au chef de la patrouille.
Celui-ci sans écouter leur protestation ren–
voie tout te monde. Quelques jours après cet
incident, d'autres Kurdes unis à Saïde, tous
a rmé s , attaquent le village a rmé n i e n . Une
balle de fusit transperce fa main d'un jeune
homme n o mm é Garabed. Nous ne savons
que faire, nous n'avons pas grande force
pour résister, et nos protestations ne sont
point écoutées.
Une veuve du village de Iéghékiss avait
h y p o t h é q u é son champ à un Armé n i e n
n omm é Mourad. L a femme, poussée par tes
Kurdes, porte plainte au cheïkhe contre
Mourad ; le cheïkhe enlève le champ à
Mourad, à condition de se le partager avec la
(1)
C'est le m ê m e Mousstapha pacha dont il est fait
mention dans le rapport turc sur Djizré.
veuve. Ensuite i l le fait moissonner aux
A rmé n i e n s et ne donne aucune part à la
pauvre femme. Celle-ci s'en va trouver le
chéïhe, le 10 juin, et l u i réclame sa part; les
hommes de ce dernier, sur un signal, l'arrê–
tent aussitôt, l'étranglent et vont enterrer
te cadavre dans du fumier.
Sé'ïde A l i , cheïkhe de Klizan est un jeune
homme de 25 ans, fils du céfèbre cheïkhe Djé-
iateddine ; i l jouit d'une grande r é p u t a t i o n
parmi les Turcs et les Kurdes et i l a une
grande influence sur le gouvernement. Les
Ka ï ma k ams de Khizan, Spargherd, Chinit-
zor, Ghétzan, Issdorine Gharghar, Tadigh,
Eroun sont élus par sa volonté et ne peuvent
rien entreprendre contre son g r é . Bien que
ce soit son oncle, qui, d'après la l o i h é r é d i –
taire, exerce les fonctions do chéïke, n é a n –
moins, c'est lui-même, qui par sa férocité et
son insofence, est à la tête du pouvoir. If n'a
autour de fui 40 à 50 partisans, tous des
Kurdes, venus un peu de partout. Il a un
arsenal à l u i , où travaille toujours un armu–
rier et où sont en réserve plus de 400 fusils.
L'armurier est un Armé n i e n ; le cheïkhe lui a
fait embrasser l'islamisme par force, à- l u i
ainsi qu'à sa famifle ; des gardes particu-
iiers le surveillent toujours.
Les susdits districts l u i payent des i mp ô t s
et le butin obtenus par force. Plus de sept
cents Kurdes a rmé s et sans armes vivent à
ses frais. Dans le seul district de Khizan, if
s'est emp a r é de 17 villages a r mé n i e n s et en
a dispersé les habitants; on peut citer parmi
ces villages, Bé t h am i n e , 40 maisons; Ghovège,
40
maisons ; Chcréz, 38 maisons ; Pirtakh,
40
maisons ; Sori, 50 maisons ; Khoban,
50
maisons, etc., etc.
Les hommes du chéïke s'emparent partout
des p â t u r a g e s , des prairies et des champs au
nom de ce dernier. Ils enlèvent aux paysans
leurs moutons et vont tes vendre aux
Khotchères en é c h a n g e de balles de fusil et
cela sur l'ordre du chéïke. Avant les massa–
cres, chaque village a rmé n i e n des susdits
districts possédait de 2 à 4,000 moutons;
aujourd'hui, grâce au chéïke, Sé'ïde A l i , un
grand nombre sont en ruines et le plus riche
village restant ne possède guère plus de
200
moutons. 11 est e x t r êmeme n t fanatique;'
comme son père, i l a réduit nombre d'églises
en étables. Ses recommandations sont res–
pectées partout ; tous ceux qui sont recom–
ma n d é s par lui peuvent entrer dans toute
tribu et jouissent d'une grande protection.
Le père du cheïkhe Djélaleddine avait été
un chéïke boiteux ordinaire, venu du pays
des Mokhs. Il avait c omme n c é par faire des
intrigues religieuses et s'était fait passer
pour un saint; son fils Djélaleddine a su le
surpasser. Dans le village de Bé t h o um i n e se
trouvait un Armé n i e n du nom de K r i k o r , le
plus notable et le plus riche. Djélaleddine
convoitait ses richesses; aussitua-t-il K r i k o r
et son fils aîné après s'être emp a r é de ses
biens et de sa maison. Les six autres fils de
K r i k o r p r o t e s t è r e n t ; i l fit tuer les deux fils
sur la route de Bitfis et fit. disparaître tes
autres. C'est à partir de cette é p o q u e que fe
cheïkhe Djélateddine parvient rapidement
aux richesses et à la «
sainteté
».
Aujour–
d'hui, Séïde A l i , petit-fils de ce chéïhe men–
diant et boiteux, est devenu la terreur des
habitants, et cela grâce au fanatisme turc et
au r é g ime corrompu du gouvernement.
L E T T R E
D ' E R Z E R O U M
7
octobre 1902.
En Turquie, fa justice n'est point faite
pour les A rmé n i e n s ; ce n'est qu'une série de
violations de droits, de viols...
Près de l'ancienne forteresse appetée Has-
san-Kalé, un vaste b â t ime n t , aux pierres
polies; construit à l'européenne, frappe les
regards du passant. C'est le palais de justice,
qui par sa forme colossale semble dominer
les habitations étroites et basses des envi–
rons.
Le courageux paysan a rmé n i e n rentre chez
lui après le dur travail d'été ; i l veut manger
un morceau de pain sec et se reposer, pour
pouvoir, le lendemain, continuer son labeur
de la veille ; et voilà que le maire du village,
de sa voix sinistre, vient troubler les heures
de repos du pauvre ouvrier. C'est l'ordre du
gouvernement; on doit aller le lendemain à
la forteresse, payer les imp ô t s , fournir qua–
rante chariots et soixante ouvriers, etc. Les
malheureux paysans travaillent continuelle–
ment, versent de la sueur, pour gagner leur
vie, et pourtant, ils restent toujours nus,
affamés et altérés.
C'est le matin, à la campagne, le soleil ne
s'est pas encore levé. Sur la route qui con–
duit à la forteresse se dirigent les chariots
que suivent les hommes tristes et tête bais–
sée. Ils travaillent toute la j o u r n é e , ils s'ex–
t é n u e n t et au lieu de recevoir un salaire, ils
sont emp r i s o n n é s les nuits pour qu'ils ne
puissent pas s'échapper. Cela dure ainsi
j u s q u ' à ce que le b â t i me n t soit achevé et que
fe commandant soit touché d'un peu de
pitié.
Les A r mé n i e n s des villages de Héképath,
Hérthev, Kirtapaz et Pathijan ont tra–
vaillé durant cinq à six mois pour la
construction du palais de justice où l'Armé–
nien est soumis à des privations, à des châ–
timents injustes et à des dénis de justice ;
ma l g r é tout cela, on l'oblige de construire de
ses propres mains son lieu de supplice. On
dit que le Ka ï ma k am a mérite les éloges des
autorités s u p é r i e u r e s . Mais celles-ci ont-elles
jamais d ema n d é par cjuel argent et par le
travail de qui ce b â t i me n t colossal a été
construit, b â t i me n t qui est unique, non seu–
lement à Hassan-Kalé, mais dans Erzeroum
entier ? Y eut-il quelqu'un pour lire dans le
triste regard de l'ouvrier résigné, ses dou–
leurs immenses et ses tortures sans fin ?
A Erzeroum, sont emp r i s o n n é s 57 ém i –
grés r e t o u r n é s de Russie ; leur unique
faute serait d'avoir é c h a p p é aux vexations.
L'émigré a quitté son foyer, sa famille, ses
b i e n a imé s ; i l a bu pendant des a n n é e s dans
fa triste coupe de l'émigration, et quand
soupirant a p r è s sa patrie, i l dirige ses pas
vers son pays e n s a n g l a n t é , on le fait pourrir
en prison, on lui dit. : « Pourquoi, ghiaour,
as-tu é c h a p p é à la tyrannie et à l'oppres–
sion ».
Dans ces deux derniers mois sont mortes
Fonds A.R.A.M