par force à Ahme d Hadji Le u k e , de Djizré.
ses c é r é a l e s , deux villages et le mo u l i n ,
trois boutiques, et une j ume n t valant
50
livres.
Il s'empara de force de la maison de
Muffti H a d j i - A hm e d - H i l m i effendi, d'une
valeur de 20,000 piastres.
Les notables ne pouvant plus t o l é r e r
cette s é r i e de faits i n t o l é r a b l e s turent
é m u s et c o mm e n c è r e n t à manifester une
vive r é s i s t a n c e ; d ' où lutte a c h a r n é e qu i
dura trois jours, d'abord avec des b â t o n s
et des pierres et ensuite avec des armes ;
vingt à trente personnes furent b l e s s é e s
des deux c ô t é s et Sado, ma r c h a nd de tabac,
fut t u é . Ma l g r é tout cela, g r â c e à l'influence
de Mousstafa pacha, les pauvres gens
furent a p p e l é s à D i a r b é k i r et furent r é c o n –
ciliés par force et m a l g r é eux.
Ces faits tyranniques, q u i sont confir–
més par les documents qu i se trouvent
dans les tribunaux de Djizré, Mardine et
D i a r b é k i r et par les actes de protestation
du peuple, a t t i r è r e n t l'attention de K h a l i d
pacha, vali de D i a r b é k i r , lors de sa tour–
née ; voyant que g r â c e à la protection de
Mi r a n l i Mousstafa pacha, T a h i r agha com–
mettait toutes sortes de barbaries et trou–
blait ainsi la paix locale et livrait le pays à
l'anarchie, Son Excellence en fut fort
é m u e , et pensa à r emé d i e r le plus tôt pos–
sible à cet é t a t de choses regrettables.
Au s s i nomma-t-il v i c e - k a ï m a k a m feu Ab d i n -
Z a d é — A h m e d , — bey de D i a r b é k i r et l'y
envoya. Qu a n d c e l u i - c i a r r i v a à Djizré et
se fut mis au courant de la situation, g r â c e
à Sa Majesté le Su l t a n , i l fit a u s s i t ô t a r r ê –
ter T a h i r agha, Fattah agha et Ab d u l l a h
agha, iils de Ch é i k -A l i , et les envoya à
D i a r b é k i r . C'est ainsi que la t r a n q u i l l i t é
publique, qu i était t r o u b l é e depuis quelque
temps, fut enfin r é t a b l i e et à cette occa–
sion, toute l a population fit des p r i è r e s
pour la p r é c i e u s e vie de S a Majesté I m p é –
riale.
Mousstafa pacha, à ce moment, revenait
de Zozan ; a u s s i t ô t q u ' i l apprit les dispo–
sitions prises par la justice, i l c o mm e n ç a ,
par ses paroles et ses actes, à troubler la
paix pub l i qu e . Comme je pense que la
description d é t a i l l é e de ses actes de bar–
barie c ommi s à cette é p o q u e , causera un
vif et profond c h a g r i n à tout musufman,
je me contenterai de reproduire i c i seule–
ment la copie d u rapport du 2 octobre 1313
(1897),
rapport qu i a é t é r é d i g é par les
membres du conseil administratif et du
tribunal, et p r é s e n t é à Iaïf effendi, mu l e s -
sarif de Ma r d i n e , q u i se trouvait à Djizré
c h a r g é d'y r é t a b l i r l a paix.
(
A suivre).
—
Lettres de Van et d'Erzeroum
L E T T R E D E V A N
; 7
Août igo2.
Le gouvernement ne manque aucune occa–
sion pour arrêter le d é v e l o p p eme n t moral et
matériel des A rmé n i e n s . Déjà, pendant toute
l'année, l'Arménien c h a r g é d'impôts, ne peut
ouvrir les yeux; i l donne toujours sans
compter; i l donne a d r o i t e et à gauche; ni
les dettes ni la bastonnade ne prennent fin
pour l u i . Cet été, un nouveau malheur vint
s'ajouter : c'est la question de la ferme des
d îme s p e r ç u e s dans les villages. D'après la
loi, c'est au centre de chaque district que tes
d î me s perçues dans les villages doivent être
mises aux e n c h è r e s . Quand les céréales se
vendent cher, les riches usuriers turcs,
kurdes et a rmé n i e n s , comme des corbeaux
voraces, s'efforcent à qui mieux mieux
d'acheter les villages, car ils sont sûrs de se
venger sur les paysans n'importe comment,
d'autant plus que la plus grande partie des
fermiers d ' imp ô t s étant les créanciers du
gouvernement, a c h è t e n t les villages pour le
compte de leurs c r é a n c e s . (Il ne faut pas ou–
blier que les fermiers d'impôts a rmé n i e n s
perçoivent toujours la dîme a c c omp a g n é s
de un ou deux collègues turcs; if leur est im–
possible d'agir autrement.)
Cette a n n é e les céréales sont incompara–
blement bon ma r c h é ; le gouvernement veut
vendre à l'ancien prix, mais les fermiers
d ' impô t s ne s'approchent pas. Les paysans
de chaque village doivent acheter leur village
au prix très élevé des a n n é e s p r é c é d e n t e s ;
malheur à eux, s'ils s'y opposent. Et voilà
que commence une nouvelle p é r i o d e de
souffrances; les Ka ï ma k ams donnent libre
cours à leur exploitation ; les chefs des v i l –
lages sont c o n v o q u é s ; les propositions, la
bastonnade,l'emprisonnement se s u c c è d e n t ;
les oreilles des chefs se ferment devant les
protestations, et le village a rmé n i e n aban–
d o n n é de toutes parts, se voit obiigé de se
charger de cette nouveile dette pourTacquit-
tement de laquelle i l l u i faut des a n n é e s ,
puisque s'il vend même , cette a n n é e , tous ses
revenus, i l no pourra pas payer sa nouvelle
dette, le pain é t a n t vendu à de très bas prix.
Loutfi bey, k a ï ma k am du districtde Gavah,
homme » cultivé et éclairé », convoqua le
10
juillet, les chefs avec leurs conseillers
(
chaque chef a deux conseillers) des villages
de Xaregh, Païlekhner, Mokhrapert, Iliregh,
Badaghantz, Pichavantz, lntzak, Va r i n t z ,
Kautzak, Félon, et leur proposa d'acheter
les villages. Tous s'y o p p o s è r e n t ; le k a ï ma –
kam irrité, ordonne l'emprisonnement, avec
défense de sortir même pour les besoins
naturels. L ' un des prisonniers propose un
médjidié pour pouvoir sortir pour un besoin
naturel; sa proposition est refusée et
L a plupart ne pouvant tolérer les souf–
frances, et désespérés, se virent obligés de
céder au k a ï m a k a m ; mais les chefs des vil–
lages de Naregh, Païlekhner, Pichavantz et
Mokhrapert, préférèrent souffrir que de
charger ie matheureux peupfe de nouvetles
dettes. Le k a ï ma k am fou de colère en voyant
cette opposition, ordonna de les conduire
sur les routes pour leur faire exécuter des
corvées, sans prendre en c o n s i d é r a t i o n que
nombre d'entre eux, l'année p r é c é d e n t e , sié–
geaient avec lui au conseil du district. Loutfi
bey, le fouet à la main, donne des coups :
«
Allons, les ghiaours », et i l les oblige de
porter de la terre et des pierres. 11 les menace
en disant : « Moutlaka aladjakssiniz, iokssa
daïak altinda eulédjékssiniz », c'est-à-dire,
«
Vous devez absolument les acheter, sinon
vous mourrez sous les coups ». Les paysans
des villages s'adressent au vali qui ne les
écoute point. Le k a ï ma k am voyant leur oppo–
sition obstinée, les renvoie avec des menaces,
pour tirer sa vengeance d'une autre ma n i è r e .
Le 21 juillet, i l envoie A l i effendi, greffier
de l'état civil et Suleyman effendi, sergent
comptabte, aux villages de Naregh et Païle–
khner pour la perception de la dîme du four–
rage, bien que, d'après la l o i , des fonction–
naires a rmé n i e n s et turcs n o mm é par le
conseil du district, eussent dù être c h a r g é s
de cette fonction. Dans les a n n é e s où le four–
rage a été bon, les d îme s de ces villages ne
se sont jamais élevées à plus de 1.000 pias–
tres; mais celte année, ma î g r é la médiocrité
des fourrages, on réclame 7.000 piastres de
chaque village, sans compter les meules n i
les peser. Les paysans r é s i s t e n t de nou–
veau.
A 6 heures de la nuit, Bedross, chef du
village de Païlekhner est appelé à Naregh
avec ses conseillers ; le k a ï ma k am l u i ordonne
d'accepter la liste faite pour le village, de la
signer et de payer. Le chef du village et ses
camarades s'y opposent; les zaptiés arrivent
et les rouent de coups, et entôvent par force
au chef du viilage son sceau et après avoir
sceifé la liste, ils les renvoient en disant
«
Haïdé chimdi ghidiniz, g h i a ô u r l a r », c'est-
à-dire, « vous pouvez vous en aller mainte–
nant, ghiaours ». A l i effendi donne un coup
de pied dans les côtes au chef du vitlage ; ce
dernier est malade aujourd'hui. Ifs agissent
de même avec les villages de Naregh, Picha–
vantz et Mokhrapert.
L
es chefs de ces v i l –
lages et les paysans ont a b a n d o n n é leur
travail pour venir en ville, protester a u p r è s
du vali. Ce dernier a fait un rapport pour le
remettre au nouveau k a ï ma k am .
Au mois de mai, le sergent F é h h ù , percep–
teur du village d'Ossdan, s'en va à Naregh et
réclame les imp ô t s dû s par les émi g r é s , les
pauvres et les décodés. Quand on lui fait des
objections, i l attache aux auges d'une étable
Garabed, chef de village, Artune, M . Vartan,
Ohan, chef de village et Jazidji Vartan et
leur fait cracher à la figure par les Turcs et
les Kurdes qui s'y trouvaient en disant :
«
je ferai d'eux de nouveaux musulmans ». I l
touche les sommes exigées et s'éloigne.
U n autre percepteur, Ab d - u l - Ham i d , de
Varanda, perçoit les imp ô t s avec de grandes
exigences. Les paysans sont obligés souvent
de lui graisser la patte pour obtenir des d é –
lais. Abd-ul-Hamid s'en va le même jour et
revient le lendemain pour agir avec plus de
violence. Son frère, Abd-ul-Kafar, qui erre
fugitif, pour avoir tué plus de 10 A rmé n i e n s ,
fait des menaces aux villages qui ne donnent
pas satisfaction aux exigences de son frère
Fonds A.R.A.M