Dé l é g a t i on s les questions n é c e s s a i r e s
sur l a situation en Armé n i e , ainsi qu'ils
en ont la ferme vo l on t é et sans se sou–
cier outre mesure de
mé c o n t e n t e r
S. E . Ma hmoud Ned im bey, ils retien–
dront, que de l'aveu môme des per–
sonnes le plus directement i n t é r e s –
s é e s , les faits effroyables qui leur ont
été révélés participent à la vérité histo–
rique.
Ils sauront que sous la forme de l'ex–
termination sournoise l'histoire tragi–
que se continue et recommence cha –
que j ou r ; ils c o n n a î t r o n t en leur d é –
tail les é v é n eme n t s les plus r é c e n t s , le
lamentable vagabondage des émi g r é s
à la frontière du Caucase, les meurtres
d'aujourd'hui et de demain et ses « in–
cidents ,», comme celui dont nous
avons d o n n é une version a t t é n u é e
dans le dernier n umé r o et qu'une cor–
respondance du
Berliner Tagblalt,
en
date de Constantinople 26 Dé c emb r e ,
,
relate avec de pires horreurs. Seize
A rmé n i e n s avaient t e n t é de passer la
frontière pour aller à E t chmi adz i n ;
c'étaient « les plus pauvres des pau–
vres » des malheureux presque nus.
Ils furent a r r ê t é s et ma s s a c r é s par une
patrouille turque, tout p r è s de la fron–
t i è r e . Ma i s les soldats surpris par une
t emp ê t e de neige, perdirent leur route
et p é r i r e n t g e l é s ; on trouva leurs
corps non loin du lieu du massacre ; les
cadavres furent t r a n s p o r t é s au village
le plus voisin et la population constata
avec stupeur qu'ils é t a i en t p e r c é s de
coups de fusil et t a i l l adé s de blessures :
«
On les avait donc, a p r è s qu'ils eurent
été g e l é s ,
tués
par dessus le ma r c h é
pour pouvoir dire que les A rmé n i e n s
é t a i en t a rmé s et qu'un combat avait eu
lieu. »
C'est de l'histoire, soit. Le s hommes
d'Etat prudents et sages se tireraient
volontiers d'affaire en disant qu'ils ne
peuvent ressusciter les morts. Ma i s ils
peuvent emp ê c h e r que de nouvelles
victimes ne soient sacrifiées.
Avan t qu'il soit longtemps, les cho–
ses de Ma c é d o i n e les obligeront à s'oc–
cuper un peu, fût-ce à c o n t r e - cœu r , du
r é g ime hamidien qui est un danger non
seulement pour les peuples de l'empire
ottoman, mais aussi pour la paix euro–
p é e n n e . Il est peu probable que l'en–
tente encore mal définie de la Russie
et de l 'Au t r i che -Hong r i e suffise à em–
p ê c h e r une insurrection nouvelle. ; ce
n'est pas le tout, comme le remarquait
Boris Sarafof, de se p r é s e n t e r aux peu–
ples des Balkans tenant les r é f o rme s
d'une main et le knout de l'autre; i l
faut encore obtenir du sultan qu'il ap–
plique les r é f o rme s et cela ne p a r a î t pas
possible sans une intervention coerci-
tive de l ' Eu r ope . Déjà l'Italie et l ' A n –
gleterre donnent à entendre qu'elles ne
laisseront pas aux deux empires seuls
le soin de r é s o u d r e une question où
toute l ' Eu r ope est i n t é r e s s é e : d'autres
puissances, dont la France, ne sauraient
se tenir à l'écart et i l est de principe
essentiel dans la l o i des nations qu'au–
cune puissance ne peut se d é g a g e r des
obligations d'un t r a i t é n i en modifier
les stipulations, sans le consentement
de toutes les puissances contractantes,
obtenu au moyen d'un arrangement
amiable.
L e
Temps
estimait r é c emme n t qu'il
serait difficile d'éviter la r é un i on d!une
con f é r enc e , quel que fût le dé s i r de
certains d ' é c h a p p e r à cette n é c e s s i t é .
L e même traité de Be r l i n qui sera i n –
voqu é alors pour les provinces euro–
p é e n n e s de la Turquie vaut aussi pour
les provinces a rmé n i e n n e s et est sur
ce dernier point beaucoup plus expli–
cite que sur le p r é c é d e n t .
S i les a t r o c i t é s a rmé n i e n n e s sont
acquises à l'histoire toute r é c e n t e , i l ne
sera pas dit qu'elles doivent fatalement
se poursuivre dans l'histoire future ; et
M . Gabriel Hanotaux l u i -même fit sa–
voir un j ou r au sultan « qu'il ne fallait
plus verser un goutte de sang ».
Pierre
Q U I I L A P . D .
UN RAPPORT TURC
Sur
la Situation intérieure du district de Djizré
(
Suite.)
Les causes de la fortune de Tahir-Agha.
Tou t le monde sait q u ' i l y a 10 ans, les
honneurs, la c é l é b r i t é et l a puissance de
T a h i r - A g h a é t a i e n t i n f é r i e u r s à ses res–
sources ma t é r i e l l e s , e l on ne pouvait aucu–
nement é t a b l i r une comparaison entre l u i
et une famille quelconque honorable ou
noble. Mais ses liens de p a r e n t é avec M i -
ranli Mou s s l apha pacha l u i offrirent le
moyen de faire la connaissance des person–
nages honorables et haut p l a c é s et de fré–
quenter les cercles et les bureaux gouver–
nementaux.
Quelque temps a p r è s , i l commence à se
faire c o n s i d é r e r comme un agha, à inter–
venir dans les affaires gouvernementales,
et s'unissant à une partie de la population
à é t a b l i r des liens de r é v o l t e ou à les r om –
pre au besoin, à gagner des partisans, et à
se montrer t a n t ô t ami , t a n t ô t hostile aux
fonctionnaires gouvernementaux du l i e u .
C'est par ces moyens q u ' i l r é u s s i t à se
p r é p a r e r le c h emi n pour arriver à son but;
aidé d'un autre côté par Mousstapha pacha,
il r é u s s i t aussi à soumettre une partie de
la population. I l lend ensuite à troubler la
paix publique, et à s'immiscer dans les
affaires de perception d ' i mp ô t s , à inter–
venir dans les fonctions de quelques fonc–
tionnaires et à les assujettir à sa v o l o n t é .
C'était au d é b u t de l ' a n n é e 1311 (1895),
quand le gouvernement local et les fonc–
tionnaires voyant les c o n s é q u e n c e s graves
et d é s a s t r e u s e s de cet é t a t de choses se
r é u n i r e n t et c o n f i r mè r e n t le contenu de
l'acle de protestation du commandant ha-
midié I b r a h im bey ; des d é m a r c h e s furent
faites a u p r è s des a u t o r i t é s s u p é r i e u r e s ,
d é m a r c h e s q u i aboutirent à l'emprison–
nement pou r 25 j ou r s , de T a h i r et de son
frère Fattah agha, sur l'ordre d u c omma n –
dant en chef du q u a t r i è m e corps d ' a r m é e ;
c'est ainsi qu ' un moment la population et
les fonctionnaires purent vivre en p a i x .
Cet incident causa l ' i nd i gn a t i on de Mouss-
tafa pacha, q u i , u n i à O u l o u w i bey, k a ï ma –
k am du lieu à cette époque-là, r é u s s i t avec
son aide, à faire acquitter les prisonniers
et à faire r é v o q u e r I b r a h im bey, c omma n –
dant en chef. Dè s cette é p o q u e , a c om –
m e n c é à ê t r e mis en e x é c u t i o n le s y s t ème
d'intrigues, de fausses accusations, de per–
s é c u t i o n s et d'insultes de tout genre contre
les fonctionnaires gouvernementaux.
Les débuts de sa fortune.
Ibrahim
effendi de Ma r d i n e , comptable à la banque
agricole, q u i fut r é v o q u é à cette époque-là,
fut a p p e l é chez T a h i r agha et Fattah agha,
son frère, fut r o u é de coups publiquement;
ses biens et richesses furent vendus, et i l
fut soumis à une amende de 20 livres.
S u r l'ordre de Ta h i r , le comptable d u
district, Ch é ï k e -Mo u s s a - Z i a effendi fut
battu par Zaka r i a - bey , lieutenant-colonel
des r é g i m e n t s h a m i d i é s , et le malheureux
put à peine se sauver l a nu i t de Djizré.
Y a h i a h effendi, fonctionnaire au bureau
de recensement, voyant q u ' i l était aussi
i n s u l t é à son tour, trouva le seul moyen
de salut dans sa d ém i s s i o n et p r é s e n t a ainsi
sa d ém i s s i o n au mutessarif. Tou s les autres
ionctionnaires q u i é t a i e n t t émo i n s o c c u -
laires ne purent saisir l'occasion de se
sauver et durent se r é s i g n e r à leur sort en
acceptant tous les ordres de T a h i r agha.
Au s s i l a population fut-elle soumise à un
si haut d e g r é de vexations et de p e r s é c u –
tions que la t r a n q u i l l i t é du district, la paix
et le calme g é n é r a l furent a n é a n t i s .
C'était juste à cette é p o q u e q u ' i l enleva
Fonds A.R.A.M