aux Kurdes de porter des armes comme au –
paravant, mais cela ne signifie pas que le
gouvernement veut leur imposer une d é –
fense; les vrais motifs sont les suivants :
d'abord, le gouvernement veut montrer par
là qu'il ne veut pas g â t e r les Kurdes, et en–
suite emp ê c h e r par là les Kurdes de vendre
librement leurs armes aux A rmé n i e n s . Car le
Kurde, ma l g r é les efforts du gouvernement,
n'a pas conscience que lui-même fait partie
«
du gouvernement impérial » et qu'il est
obligé, au moins comme h ami d i é , de travail–
ler à la protection de ses i n t é r ê t s ; au con–
traire, i l n'a en vue que ses propres intérêts
et respecte la l o i gouvernementale dans l a
mesure qu'il a intérêt à l'exécution de cette
loi.
Il y a encore un autre motif qu i fait re–
courir les n o n - h am i d i é s au Gouvernement.
Quand i l y a lutte entre deux tribus, ce qu i
est habituel, le Gouvernement aide toujours
les r é g i me n t s hamidiés, que ceux-ci aient
raison ou tort; ainsi, ces temps derniers,
Chakir-agha (non-hamidié), de Gérav, qu i
réside dans le village de Kassrik à Mordouz,
s'en va prendre sa future au village de Paka-
ghiadug; la tribu de Me hme d p é r a n (hami-
diée) attaque la tribu de Gérav; une lutte a
lieu; un Kurde et deux chevaux sont tués.
Le Gouvernement, ma l g r é les rapports offi–
ciels p r é s e n t é s en faveur de la tribu de Gérav,
soutient la tribu de Me hme d p é r a n . I l est
aisé de citer des exemples de ce genre.
Mais, quoiqu'il arrive, toutes ces hostilités
et ces protections tournent contre les mal–
heureux Armé n i e n s . Le Turc a créé le ha–
midié pour retenir la révolution a r mé n i e n n e ;
le Kurde se fît inscrire comme h ami d i é pour
opprimer l'Arménien plus librement. Nous
ignorons à quel d e g r é le Turc réussira ou
bien a réussi dans son plan, ce que nous
savons, c'est que les Kurdes sont parvenus
à leur but.
A u mois de juin, Hadji-Izzet-bey, de la
part du Gouvernement, alla visiter particu–
l i è r eme n t les tribus des frontières de Mélan,
Martchik, Zakour, Chamak. Il les a exhortées
de faire le nécessaire pour que les fédaïs ne
fissent pas irruption au dedans des frontières
et a d o n n é des instructions de ne point
permettre à un Arménien des environs de
progresser et de s'enrichir et de maltraiter
toujours les A rmé n i e n s en vue.
C'est bien par la volonté du Gouvernement
que les tribus kurdes attaquent toujours les
villages de la Perse, les dévastent et les
pillent. Saïde de Me hme d p é r a n et Ilassan-
ahga de Chamak, reçoivent des instructions
du Ka ï ma k am de Khochab, et Charaff bey de
Martchik reçoit les siennes du mutéssarif de
Bach-Kalé. Charaff donne toujours les fé–
daïs comme prétexte de ses actes de brigan–
dage, comme si les fédaïs seuls l'occupaient
et non pas le pillage.
Le fédaï est devenu un prétexte dans les
mains de tous. En ville, si tu es créancier
d'un turc, i l ne veut pas payer, i l t'injurie :
«
T u es un fédaï », dit-il. Dans les villages,
lè zaptié fait de l'œil à ta femme ; le percep-
teurfaitdes réclamations injustes; tu résistes,
tu veux p r o t é g e r tes intérêts, i l te frappes
dessus : « Ghiaour, tu es un fédaï ! » s'écrie-
t-il, et toi, pour ne pas mourir dans les ca–
chots, accusé comme fédaï, tu es obligé de
garder le silence. Le Kurde, de son côté,
pille librement sous prétexte de fédaïme. A u
tribunal, tu n'obtiens pas gain de cause pour
le même motif.
Il y a seulement quelques jours, un A r m é –
nien n omm é Der-Boghossian avait p r o t e s t é
contre le fds du commissaire Nouri Effendi
au sujet d'un billet à ordre de 2 livres. Le
billet portait la signature du père de Der-
Boghossian. Tous deux avaient été tués par
des révolutionnaires, i l y a quelques années,
le Turc pour ses barbaries et l'Arménien
pour avoir aidé le gouvernement dans ses
crimes. Le fils de Nouri dit au tribunal :
«
Le billet est faux, celui qu i m'accuse
est un fédaï, les fédaïs ont tué mon père, son
sceau est t omb é dans les mains du père de
cet homme qui a fabriqué ce billet ».
Le président, avec un sourire, demande :
«
Le père de Der-Boghossian était-il aussi
un fédaï ? » (Il a é t é t ué par les fédaïs.)
«
Oui, l u i aussi est l'un de ceux qui ont t ué
mon père ».
Aussi, si pour un A rmé n i e n ami des Turcs
on parle ainsi, imaginez-vous, en vérité, que
ne dira-t-on pas pour ceux qu i ont plus ou
moins d'amour-propre et de sentiment na–
tional!
Nouvelles d'Orient
L A
R É U N I O N DE V I E N N E .
L e j e u d i
11
d é c e m b r e s'est tenue à V i e n n e , de onze
heures du ma t i n à neuf heures du soir, une
longue r é u n i o n p r i v é e à laquelle ont pris
part des d é l é g u é s a u t o r i s é s de diverses
organisations balkaniques et a r m é n i e n n e s .
L a r é s o l u t i o n suivante, a d o p t é e pa r les
personnes p r é s e n t e s , a é t é c o mm u n i q u é e
aux C om i t é s r é f o r m a t e u r s , aux hommes
d'Etat et aux publicistes e u r o p é e n s q u i
avaient a d h é r é au principe de l a r é u n i o n ;
elle sera a d r e s s é e , a p r è s leur approbation,
aux puissances signataires du t r a i t é de
B e r l i n . No u s en empruntons le texte à
VInformation
de V i e n n e , l a seule corres–
pondance non officieuse de cette ville :
Malgré les d é m a r c h e s faites r é c e mm e n t par les am –
bassadeurs auprès d u gouvernement turc, et la promesse
de réformes qu'ils ont obtenue, m a l g r é la nomination
d'une Commission et d'un inspecteur spécial, tous ceux
qui connaissent bien la siluation de l'Orient savent que
ces d é m a r c h e s el ces promesses seront tout aussi vaines
que celles qui ont précédé, et que des événements graves
en résulteront.
Dans les articles x v m et L X I d u traité de Berlin,
toutes ces réformes ont été stipulées, tant en Turquie
d'Europe qu'en Turquie d'Asie. Aucune de ces réformes
n'a été introduite ; d'autre part, les événements san–
glants qui ont eu lieu r é c e mm e n t ou dont on se souvient
encore, prouvent que l'état actuel des choses est extrê–
mement dangereux et pour la paix de l'Europe, et pour
l'existence de la Turquie. L a conférence de Vienne se
base sur le traité de Berlin et fera son possible pour
que ces réformes, que les puissances ont le droit et le
devoir et réclamer soient faites par l a Porte, et que
celle-ci donne les garanties nécessaires de leur accom–
plissement. L'égalité l a plus complète des droits des
différentes nations et confessions de l'empire turc pro–
tégerait l'humanité et la justice et consoliderait l a paix
européenne et l'existence de la Turquie, laquelle sera,
sans cela, toujours menacée de nouvelles pertes de
territoires.
Le traité de Berlin a stipulé la collaboration et le
contrôle des puissances signataires dans l'élaboration
et l'exécution des réformes, i l est donc naturel d'en
appeler à ces puissances afin qu'elles n'abandonnent
pas ce contrôle qui serait aussi dans l'intérêt de la
Turquie.
E N M A C É D O I N E .
On ne saurait rien
ajouter à l'article g é n é r e u x et sage de
M . Ana t o l e L e r o y - Be a u l i e u que nous re–
produisons plus haut. L ' o r d r e r i d i c u l e
d o n n é pa r A b d - u l - H a m i d aux valis de se
saisir avant v i ng t jours de « tous les b r i –
gands » sans nuire aux « personnes inof–
fensives » ne p o u r r a tromper que ceux q u i
veulent bien ê t r e t r o m p é s ; encore faudrait-
i l s'entendre su r le sens d u mot « b r i g a nd »
et savoir s ' i l faut comprendre les Ma c é d o –
niens m a s s a c r é s ou les troupes r é g u l i è r e s
ou autres, les fonctionnaires ou les s i m –
ples particuliers qu i les massacrent.
Il n'en est point de me i l l e u r c omme n –
taire que les d e r n i è r e s nouvelles parve–
nues en Eu r o p e , touchant les plus r é c e n t s
exploits des bandes hamidiennes : nous
pourrions citer, comme d'ordinaire, l'ex–
cellent j o u r n a l le
Mouvement
Macédonien,
mais c'est volontairement que nous pre–
nons ces détails dans l a
Gazette de Franc–
fort,
et dans les d é p è c h e s de l ' Ag e n c e
Paris-Nouvelles,
le g r a nd j o u r n a l alle–
ma nd , d'information s i p r é c i s e et s i i m –
partiale et l a feuille f r a n ç a i s e seront peu
suspects d ' e x a g é r a t i o n .
Do n c , les troupes hamidiennes, pa r pe–
tits d é t a c h e m e n t s , se r é p a n d e n t dans les
villages et perquisitionnent pour « trouver
des armes. » Le s ma l h e u r e ux q u i n ' en
eurent jamais s'en doivent p r ocu r e r à
grand p r i x pou r les livrer, faute de quo i ils
sont battus comme i l convient. L e s h a b i –
tants de cinq villages entiers d u district de
S t r umi t z a se sont enfuis en Bu l g a r i e , en –
t i è r e m e n t r u i n é s . A Se r b i nowo toutes les
femmes et jeunes filles ont é t é conduites
en une ma i s on t r a n s f o r m é e en caserne et
violées. Un e enfant de d i x ans, l a fille de
G . G l i e w a é t é ensuite mise en mo r c e a ux ;
il en a é t é de m ê m e de l a b r u de' G . A t h a -
nassow et de l a femme de C . D i m i t r ow . L a
fille (10 ans) de S. Ge o r g i ew et l a femme
de S. N i c o l ow , ont é t é vioïées puis é t r a n –
g l é e s . A u m ê m e endroit l a semaine p r é c é –
dente avaient é t é a m e n é s pa r les troupes :
Rakomantschoff (60 ans), C . N i k o l o w (65
ans), B . Iliew (75 ans), M . K i t r i n (73 ans),
G . Ka t c b ew (70 ans), A . Iliew (40 ans) et
son fils (12 ans), plus le fils de P . Ge o r g i ew
(16
ans), les malheureux ont é t é soumis,
dit l a
Gazette de Francfort,
aux plus ef–
froyables tortures. No u s savons par a i l -
Fonds A.R.A.M