des forêts d u gouvernement. De m ê m e
s ' é t a n t e m p a r é par force d u terrain vide
appartenant au gouvernement et s i t u é à
droite d u m a r c h é des é p i c e r i e s , y fit
construire avec son frère Fattah agha
24
boutiques; si pou r l a construction de
chacune d'elles nous comptons environ
3,000
piastres, cela n é c e s s i t e r a i t une
somme de 3,120 livres; aujourd'hui leur
p r i x réel est de 10,000 livres env i r on . No u s
dirons comment i l a pu se procurer les
pierres et le bois n é c e s s a i r e s pour la
construction de ces boutiques.
Qu a n d , a p r è s la construction, i l v i t
qu ' a u c un c o mm e r ç a n t ne louait ces b o u t i –
ques, i l fit fermer par force le m a r c h é ap–
pelé Ma k ami -De b s e appartenant à de pau–
vres gens, et de m ê m e i l fil louer par force
aux artisans et c o mm e r ç a n t s chaque bou –
tique pour un loyer annuel de 10 livres, et
i l fit subir ainsi des p r é j u d i c e s soit aux
malheureux p r o p r i é t a i r e s , soit aux arti–
sans. Qu a n d la construction du Bézestin
q u i renferme 80 boutiques sera a c h e v é e , i l
est t r è s é v i d e n t q u ' i l aura recours aux
m ê m e s moyens tyranniques pour se pro–
curer des locataires. Il ne faut pas oublier
de dire que les deux portes de l'hôtel, pro–
p r i é t é de K a r mo - Z a d è badji Ab d - u l - g h a n i
T c h é l é b i de Ma r d i n et de Kh a d j a Hu r mu z
de Djizré, d'une valeur de 1,000 livres, se
trouvant en face de son Bézestin nouvelle–
ment construit, et cela, d ' a p r è s l'avis de
l'architecte, é t a n t contre le g o û t architec–
tural et l a r é g u l a r i t é du b â t i me n t , i l les fit
a u s s i t ô t mu r e r en rendant ainsi l'hôtel hors
d'usage et en soumettant les p r o p r i é t a i
res à d ' é n o r m e s p r é j u d i c e s .
Il faut aussi mentionner ce point que sur
les deux parties grandioses et magnifiques
ouvertes au sud et à l'est du Bézestin, se
trouvent deux peintures r e p r é s e n t a n t des
lions, q u i trahissent une grande sympa–
thie pour le gouvernement persan et dont
le sens my s t é r i e u x peut ê t r e saisi facile–
ment par des esprits a v i s é s .
A Djizré, p r è s de 50 petits c o mm e r ç a n t s
emploient comme capital dans leur com–
merce de 50 à 100 livres appartenant à
T a h i r agha et à Fattah agha. Dans le
commerce de laine, etc., circulent toujours
des milliers de livres. I l est inutile d'ajou–
ter que les 5 ou 6,000 livres q u i sont em–
ployées ainsi dans le commerce ne sont
que des sommes pillées du t r é s o r gouver–
nemental et des poches de l a population
malheureuse.
Ay a n t c o n f i s q u é les nomb r e ux terrains
appartenant aux villages de notre district,
il en a fait inscrire une partie sous son
nom par des menaces ou par de faux pa–
piers, ou bien s'en est e m p a r é sous condi–
tions s p é c i a l e s d'en payer les i mp ô t s de sa
propre poche.
Au c u n e plume, aucune ima g i n a t i on h u –
maine, ne pourrait d é c r i r e o u r e p r é s e n t e r
le nombre des mulets, b œ u f s et vaches et
de tous autres q u a d r u p è d e s , ainsi que des
v ê t e m e n t s b r o d é s é n argent, de tous les
objets de luxe, des perles, etc., q u ' i l a p i l –
lés par force et q u ' i l s'est a p p r o p r i é s .
P o u r se faire une faible i d é e de tout
cela, i l suffit de jeter un regard seulement
sur T a k i r agha, ses fils, son frère, et ses
neveux, q u i , chaque j ou r , mettent des v ê –
tements d'une valeur de 5 à 10 livres, et
cha cun d é p e n s e pou r ses frais personnels
5
mé d j i d i é s par j ou r . Qu a n t aux d é p e n s e s
de leurs familles, tous les j ou r s 50 à
100
cavaliers p a rmi les n è g r e s , a p p e l é s
Ch a h i r et Ta ï , et p a rm i les tribus Ku r d e s
du district viennent chez eux, ils s'y nour–
rissent eux et leurs animaux, et quelques-
uns r e ç o i v e n t comme cadeaux des v ê t e –
ments en soie ; les c o mm e r ç a n t s et les no–
tables, de hauts personnages civils et m i l i –
taires f r é q u e n t e n t T a k i r agha et a p r è s
avoir r e ç u ses ordres, pou r fermer les yeux
devant les actes i l l é g a u x , les oppressions
et les privations, sont h o n o r é s par l'offre
de confitures, de lait, de café, de t h é , de
cigarettes p a r f um é e s extra-fines, et par là
ils se conforment à u n s o r t e . d ' o b é i s s a n c e
servile. Le s d é p e n s e s pour le harem sont
dans les m ê m e s proportions.
D ' a p r è s les explications que nous avons
d o n n é e s plus haut, i l est facile de tirer une
conclusion s u r sa richesse p é c u n i a i r e , l u i -
m ê m e a a v o u é clairement q u ' i l p o s s é d a i t
20,000
livres sonnantes... C'est avec cette
somme et avec ses autres richesses et ses
auxiliaires, q u ' i l s'enorgueillit de plus en
plus et é l a r g i t en m ê m e temps le cercle de
r é v o l t e .
P o u r e x é c u t e r les ordres de T a k i r agha,
50
cavaliers, ses auxiliaires, se tiennent
toujours p r ê t s devant l u i ; ils sont i n d é –
pendants de l ' a u t o r i t é militaire d u district
de Djizré. Ces auxiliaires sont choisis p a rmi
les d é s e r t e u r s ou p a rmi des gens c é l è b r e s
par leurs brigandages, assassinats et au –
tres crimes ; cha cun d'eux est a r m é de
fusils et d ' é p é e s , et m o n t é sur des chevaux
d'une valeur de deux mille piastres c h a c un .
Les familles de ces cavaliers r e ç o i v e n t
aussi des v ê t e m e n t s et des salaires. Or , si
nous é v a l u o n s à mille livres, l a valeur des
chevaux et des armes (sans compter les
d é p e n s e s ) fournis à ces hommes, et à deux
mille livres, les d i x chevaux de parade,
d'une valeur de 100 livres c h a c un , pour
son usage personnel et celui de ses fils,
son frère et ses neveux, les 40 mulets,
d'une valeur de 10 à 20 livres c h a c un et
servant pour le transport de sa famille
dans d'autres endroits, les 10 b ê t e s de
somme, et les 50 fusils p r é p a r é s pour ê t r e
remis au besoin à ses hommes, les 30 à
40
armes et de nombreuses é p é e s , des
poignards et des b a ï o n n e t t e s , q u i sont
toujours en r é s e r v e chez l u i , le prix des
chevaux et des armes s'élève à Irois mille
livres.
E t voilà que l a popu l a t i on malheureuse
est p l o n g é e toujours dans la terreur et l'é–
pouvante, quand i l se montre ainsi en grand
apparat aux a u t o r i t é s locales et surtout
quand i l va se promener aux environs, ou
quand i l va quelque part pou r y assouvir
ses g o û t s voluptueux, e n t o u r é de cavaliers
a r m é s q u i rappellent l'invasion d'une foule
de barbares, en poussant des cris qu i font
r é s o n n e r les monts et vallées, et s'adon-
nant à des manifestations, à des actes et
gestes de toutes sortes q u i ne sont m ê m e
pas m e n t i o n n é s dans les histoires an –
ciennes.
(
A suivre.)
•
L E T T R E DE VAN
3
o
Juillet
igo2,
Van.
Depuis l'année passée, i l y a une tendance
chez les tribus n o n - h ami d i é e s de Va n , à vou–
loir s'inscrire comme h ami d i é e s . De nom–
breuses d éma r c h e s ont été même faites pour
cela. Tout le monde se souvient des jours
où c'était le gouverneur l u i -même qui invi–
tait les tribus Kurdes à s'inscrire comme
soldats. Beaucoup avaient refusé, s o u p ç o n –
nant la sincérité du gouvernement, et crai–
gnant en même temps de perdre ainsi leur
état i n d é p e n d a n t et par suite de ne pouvoir
plus continuer leurs brigandages une fois
soumis au gouvernement turc et à la disci–
pline. Mais quand ils virent qu'ils s'étaient
t r omp é s , et furent p e r s u a d é s que les régi–
ments h ami d i é s , grâce à leur nom et leur
protection, se font une plus libre carrière
pour piller i mp u n éme n t et tuer non seule–
ment les Armé n i e n s , mais même les Turcs et
les Kurdes et que, d'autre part, les règle–
ments h ami d i é s n'ont aucune force de loi sur
eux et qu'au contraire ils offrent des moyens
plus grands pour s'armer et se fortifier, les
n o n - h am i d i é s se repentirent de leur refus et
aujourd'hui e u x -même s s'adressent au gou–
vernement pour que celui-ci leur accorde
aussi la même protection pour piller libre–
ment, s'armer et se fortifier, et rehausser
ainsi la gloire du gouvernement impérial et
p r o t é g e r la religion musulmane. Jusqu'ici
aucune r é p o n s e décisive n'a été d o n n é e ; le
gouvernement turc laisse traîner l'affaire, on
ne sait dans quel but.
L a nouvelle d'après laquelle le gouverne–
ment aurait désiré reprendre leurs armes aux
h ami d i é s est tout à fait d é n u é e de fonde–
ment. A u contraire, le gouvernement a pris
des mesures sévères pour que les Kurdes et
les h ami d i é s augmentassent ieurs armes et
ne vendissent pas celles qu'ils possèdent.
Aussi le gouvernement se fait-il un devoir de
s'enquérir toujours si les r é g i me n t s h ami d i é s
p o s s è d e n t tous leurs armes; les beys Kurdes
sont chargés de leur en fournir si la quantité
n'est pas suffisante. En ville, i l est défendu
Fonds A.R.A.M