de la surveillance et du contrôle de l ' Eu -
,
rope, c o n f o rméme n t au traité de Be r l i n .
Tout le reste sera vain. C'est ce que parais–
sent oublier les puissances, alors môme que,
avec la Russie, elles r é c l ame n t du Sultan des
réformes administratives pour la Macédoine.
En n'osant pas insister sur l'exécution du
traité de Rerlin, la Russie et les puissances
font fausse route. Elles vont, une fois de
plus, pour le malheur de l'Orient et au péril
de la paix e u r o p é e n n e , se laisser leurrer par
les artifices du maître
[
d'Yldiz Kiosk.
Anatole
L E R O Y - B E A U L I E U .
(
D'après
l'Européen.)
UN
RAPPORT TURC
Sur la Situation intérieure du district de Djizré
Le document qu'on va lire est c o mm u n i q u é par
la rédaction de
Droschak ;
c'est un rapport d'Hussein
Fehmi effendi, de Mardin, secrétaire aux comptes de
la Banque agricole de Djizré, qui l'a présenté scellé de
son sceau au gouverneur de Diarbékir ; celui-ci a dù
le transmettre au grand vizir.
Nous sommes heureux de prouver, ainsi que le
Dros–
chak,
«
aux hommes politiques qui voient dans nos
protestations des considérations de nationalité » que
nous sommes prêts à faire connaître les misères com–
munes à toutes les populations de l'Empire. S i dans un
district exclusivement musulman, des bandits comme
Tahir agha peuvent exercer sans être inquiétés leurs
violences et déprédations, on imagine quel est ailleurs
le sort des populations chrétiennes désarmées.
Le rapport d'Hussein Fehmi effendi a été traduit
littéralement et intégralement : Il est naturel que ce
fonctionnaire emploie pour désigner le Sultan un autre
vocabulaire que Gladstone.
Mes d é c l a r a t i o n s suivantes au sujet de l a
situation i n t é r i e u r e du district de Djizré, du
Sandjak de Ma r d i n , du vilayet de D i a r –
b é k i r , occupent plusieurs pages et ren–
ferment sans doute quelques imperfec–
tions; j ' e s p è r e , n é a n m o i n s , qu'elles contri–
bueront dans leur ensemble à r e p r é s e n t e r
les faits i n t é r e s s a n t le Gouvernement de l a
Na t i o n , et à attirer l'attention sur les droits
publics en é v e i l l a n t le scrupule et l a c om–
passion des personnages officiels, je prie
donc instamment Vo t r e Excellence, pou r
l'amour de D i e u et au n om du P r o p h è t e ,
de vouloir bien les lire d'un bout à l'autre
avec une parfaite patience.
Avant-Propos.
—
L e soin de protection
des droits des peuples soumis au T r ô n e
ottoman est confié à des chefs q u i sont
responsables de la garde d u troupeau
remis à leurs soins d ' a p r è s la tradition
s a c r é e du P r o p h è t e : « Il vous gouverne
tous, et celui qu i gouverne est responsable
du troupeau ». Ma i s i l est à regretter que,
pour des motifs particuliers, tous les rap–
ports et les é c r i t s i n t é r e s s a n t le district de
Djizré, q u i ont é l é e n v o y é s depuis l o n g –
temps, soient vus d'un œil suspect et que
par suite le bon ordre soit d é r a n g é , et
que j u s qu ' a u j ou r d ' hu i l a paix soit t r ou –
b l é e , la population c o n d a m n é e à l a m i s è r e ,
les fonds gouvernementaux a n é a n t i s ; tout
cela n'a jamais été pris en c o n s i d é r a t i o n .
S'il est possible de s'imaginer q u ' i l y a
qu e l qu ' un , qu i n'ait po i n t a pp r i s les é v é n e –
ments qu i ont lieu dans ce district, q u i
n'ait point entendu les p r i è r e s et les sup–
plications des populations soumises à l a
terreur et à l'oppression, ce que l qu ' un n'est
autre que le vicaire du P r o p h è t e et le chef
des fidèles, Sa Majesté le Su l t an , et c'est
parce q u ' i l ignore les actes tyranniqties et
i l l é g a u x que se prolongent les vexations
et les souffrances auxquelles la population
est soumise.
Comme - i l est connu aussi à Vo i r e E x –
cellence, i l y a une dizaine d ' a n n é e s , le
district de D j i z r é , sous l'ombre de notre
Augu s t e P a d i s c h a h renfermait 400 villages
environ, avec ses cent mille habitants pai–
sibles, q u i avaient des richesses p é c u –
niaires et i mmo b i l i è r e s ; les terres labou–
rables d u district, par comparaison aux
terres des autres endroits d u vilayet de
D i a r b é k i r , é t a n t plus fortes et plus fertiles,
la population ainsi a v a n t a g é e par la nature
payait au t r é s o r gouvernemental un i mp ô t
de 40.000 livres, et m a l g r é cela, elle était
toujours heureuse et tranquille et priait
toujours pour l a v i e du padischah, ce q u i
est un devoir s a c r é et l é g i t i me .
Outre l a population du pays, des com–
m e r ç a n t s et des marchands des autres
localités faisant l'exportation des produits
l o c a u x , gagnaient de gros b é n é f i e e s et
amassaient ainsi des richesses.
Quelle est la situation au j ou r d ' hu i . S i ,
depuis ces d i x d e r n i è r e s a n n é e s la plus
grande partie des villages du district sont
r u i n é s , si les revenus du gouvernement
sont c o n s i d é r a b l e m e n t d i m i n u é s , si la
population est r é d u i t e à l'indigence et à la
m i s è r e par suite du d ô c r o i s s e m e n t graduel
des richesses, si le calme et l a t r a n q u i l l i t é
ne r é g n e n t plus, et s i , par suite de l'insc-
c u r i t é des chemins, les voies sont f e rmé e s
au commerce e x t é r i e u r , tout cela n'est que
le r é s u l t a t des causes regrettables et du
s y s t ème de tyrannie, que, j ' o s e r a i vous
p r é s e n t e r i c i , en sollicitant l'altenlion pro–
fonde des a u t o r i t é s c omp é t e n t e s s u p é –
rieures, et en soumettant mo n e x p o s é à leur
jugement s c r upu l eux et compatissant.
Biographie de Tahir Agha.
—
Le s an–
c ê t r e s de T a h i r agha, fils d ' Ab d i agha de
Djizré sont originaires du canton de
Jounsser, dans le district de N i s s é b i n ; à
une certaine é p o q u e , ils é t a i e n t venus s'é–
tablir à D j i z r é et ils avaient fait inscrire
les noms des fils et petits-fils dans les re–
gistres de l'état-civil de Dz i z r é ; aussi
quand la l o i de l ' e n r ô l eme n t r é g u l i e r fut
é t a b l i e , ceux-ci ont fait leur service dans
l ' a r mé e r é g u l i è r e . I l était donc naturel que
T a h i r agha et son frère F a l t a h agha et
leurs fils aussi, descendants de ces m ê m e s
a n c ê t r e s , devraient servir dans les î a n g s
mi h l a i r e s o r d i na i r e s ; mais T a h i r agha,
devenu le gendre de M i r a n l i Moussfapha
pacha, r é u s s i t , en trompant les hauts cer–
cles militaires, à se faire accepter avec
son frère F a l t a h agha dans les r é g i m e n t s
h a m i d i é s en 1308 (1892). Ce fut là son
premier s u c c è s pou r arriver au but q u ' i l
visait.
Avant d'arriver à ce haut r a n g militaire,
i l était tellement malheureux q u ' i l avait
élé o b l i g é de servir chez plusieurs per–
sonnes.
P l u s lard, g r â c e à l a bienveillance et à
la b o n l ô des fonclionnaires gouvernemen–
taux du lieu, l u i et son frère Fattah agha
sonl a p p e l é s à des fonctions subalternes
dans les affaires d'affermage. L e u r ma l -
h o n n ê l e l é e l leur mauvais naturel furent
connus sous peu, et la caisse gouverne–
mentale el la caisse mun i c i p a l e se t r o u v è –
rent c h a r g é e s do dettes. A u s s i furent-ils
e mp r i s o n n é s quelque temps et Mehmet A l i
effendi, avocat à Djizré, pou r assurer les
c r é a n c e s de l a caisse mun i c i pa l e , fit faire
une s a i s i e - a r r ê t sur leurs meubles et i m –
meubles, dont la valeur totale s'élevait à
celle é p o q u e à un peu plus de 2,000 pias–
tres, comme le prouvent aussi les registres
officiels de la mu n i c i p a l i t é et des conseils
e x é c u t i f s .
Ses richesses actuelles.
—
Qu a n d vous
prendrez en c o n s i d é r a t i o n son état a n t é –
rieur et que vous le comparerez avec sa
richesse actuelle, que j ' a u r a i à vous mo n –
trer par la suite, vous la trouverez my s t é –
rieuse et p e u t - ê t r e m ê m e
surprenante;
mais celle richesse n'est e n l a s s é e qu ' au
d é t r i me n t d u t r é s o r gouvernemental et au
p r é j u d i c e des droits des milliers de per–
sonnes. Ap r è s s ' ê t r e e m p a r é par force de
quelques-unes des huit à d i x maisons q u i
sont la p r o p r i é t é des gens malheureux, et
a p r è s avoir fait inscrire les* autres sous
son n om en payant des sommes qu i cor–
respondent à peine à un d i x i ème du prix
réel, i l s'est occupe à faire construire deux
palais, en face l'un de l'autre; l a construc–
tion n'est pas encore a c h e v é e depuis
cinq ans, bien q u ' i l ait déjà d é p e n s é
5,000
livres. Ces palais se dressent au m i –
lieu de D j i z r é ; à l'ouest se trouve l a route
de Ba gd a d et à l'est le chemi n q u i conduit
à Constantinople, de sorte que devant les
yeux de celui q u i passera par l ' un de ces
deux chemins, ces vastes b â t i m e n t s se
dresseront comme les pyramides d ' Egyp t e .
E n outre, s ' é t a n t e m p a r é par force d'un
terrain appartenant par mo i t i é au gouver–
nement e l par mo i t i é à la grande m o s q u é e
(
Oulou Djami), i l fit construire avec son
b e a u - f r è r e , Mousstafa pacha, u n « Bé z e s -
lin » q u i donne sur deux rues et renferme
80
boutiques; i l fit venir gratuitement les
pierres et le bois n é c e s s a i r e s des édifices
Fonds A.R.A.M