du gouvernement français et de
M . Constans l u i -même .
Certes i l ne pense pas que M . Loubet
le rende responsable de l'impudence
de Munir bey, qui osa faire représen–
ter par les journaux turcs le président
de la République comme très intéressé
à la hausse des fonds turcs. Il est très
simple de sacrifier Munir.
Mais i l apparaît bien que, de gré ou
'
de force, M . Constans a changé d'atti–
tude à l'égard du sultan. Déjà quand
un officier du stationnaire
Mouette
dut
abattre en plein Péra un officier alba–
nais qui avait insulté sa femme, l'am–
bassadeur de France refusa d'éloigner
ce marin au geste brutal, malgré les
instances du Palais ; i l répondit même
avec une fermeté insolite : « La Répu–
blique française ne peut pas sacrifier
les intérêts de ses concitoyens en vue
de la sécurité de la Turquie, qui de–
vrait elle-même prévenir de tels inci–
dents. »
-
Après tout, l'ambassadeur ne pou–
vait guère r épondr e autrement et ce
n'est pas cela encore qui cause les
appréhensions de Hamid. Il se trouve
en présence d'une menace pire.
Tout est p r épa r é pour un massacre
d'Arméniens : l'hiver très rigoureux
favorise singulièrement l'exécution du
plan hamidien ; Enis pacha à Aïntab,
d'autres ailleurs, n'attendent qu'un
signe du Palais et ils égorgeront avec
méthode, comme en 1894, 1895, 1896.
Mais i l se trouve que par un soudain
revirement, i l / .
Constans lui-même a
adressé à son gouvernement un rapport
représentant la situation comme aussi
grave et même plus grave qu'à l'époque
des grandes tueries.
Et voici que presque aussitôt i l part
pour Paris. Hamid tremble.
Le geste décisif sera-t-il fait enfin ?
Tous les navires de guerre ne sont
point en Chine. Si par hasard on en
voyait apparaître quelques-uns au
large d'Alexandrette, cela voudrait
dire alors qu'il y a quelque chose de
changé et qu'il est défendu de tuer, et
que si la Bête Rouge ne rentre pas ses
griffes, elle sera tardivement hors d'état
de nuire.
Mais elle veut du moins que la bonne
nouvelle parvienne difficilement à son
peuple : un iradé ordonne au ministre
de la police de maintenir en perma–
nence deux agents devant chaque
bureau de poste étranger en Turquie,
afin de reconnaître tout sujet ottoman
recevant des communications de
l'étranger.
Clos toutes les portes, Hamid ; mas–
que les fenêtres ; abîme-toi dans des
ténèbres d'épouvante, tu n'empêcheras
pas les voix vengeresses d'arriver à tes
oreilles, et tu sais ce qu'elles annon–
cent : la Justice et la Mort !
PIERRE QUILLARD.
L'ADHÉSION DE H. VAN KOL
Le citoyen H . Va n K o l , député au Par–
lement hollandais, lors d'un récent voyage
à Paris nous avait promis de prendre part
à l a lutte incessante que nous menons
contre la tyrannie hamidienne. I l nous
adresse aujourd'hui une éloquente lettre
d'adhésion.
Chers citoyens,
Vous me demandez mon appui dans
la noble lutte, que vous allez entamer
avec une ardeur nouvelle'?... Voici ma
ma i n ; je suis à vous pour combattre
de toutes mes forces pour votre sainte
cause.
Dès que j'aurai le temps nécessaire
pour consulter mon dossier, je vous
enverrai un article sur la question
a rmén i enne , qui deviendra de plus en
plus (du moins je l'espère) une ques–
tion de délivrance pour tous ceux, de
n'importe quelle croyance, qui sont
opprimés, affamés et martyrisés dans
l'empire turc.
Malgré les dures expériences du
temps actuel, où plus que jamais la
force prime le droit, gardez la foi et
l'espoir... Le sang des martyrs n'aura
pas coulé en vain !
Malgré la lâcheté de tous les gouver–
nements européens dans ce siècle de
crimes et de hontes, un jour les
peuples agiront et balaieront tout ce
qui est impur, criminel et assassin.
Ce jour-là l'humanité respirera enfin !
Comptez donc sur moi, je suis à
vous et à votre cause.
H .
VAN KO L ,
Membre du parlement hollandais
Nous savons par le passé que M . Va n
K o l ne s'en tiendra pas à des protestations
généreuses et est prêt à agir énergique-
ment dans son pays.
E n j u i n
1899,
au moment de la confé–
rence de la Haye, i l avait présidé une
r éun i on publique en faveur des Jeunes-
Turcs et des Armé n i e n s et de ce fait avait
été compris dans des poursuites pour
«
offense à un souverain étranger ».
Devant le juge d'instruction i l renou–
vela, en les aggravant, ses déclarations
premières :
Je reconnais
avoir présidé le
ai juin
der–
nier, dans une salle de la Diligentia, à
la
Haye,
une conférence faite par des membres
du
Parti de la Jeune-Turquie.
Un compte rendu de la réunion et de mes
discours a été publié dans le
Mechveret,
organe de la Jeune-Turquie, à la date du
1
er
juillet
dernier; la version donnée est
exacte, et je vous l'envoie ci-incluse.
Je déclare
avoir appelé
Abd-ul-Hamid
un
usurpateur,
et c'est lui que je désignais avec
Gladstone comme
le grand assassin,
en y
ajoutant :
sans cœur et sans pitié.
Je n'avais pas avec cela pour
but
d'injurier
la personne du Sultan, mais je voulais
stigmatiser le système d'autocratie qu'il
représente, lui étant, comme chef d'Etat des–
potique, le seul responsable. Chaque mot
employé par moi a été mûrement réfléchi,
et je me suis servi volontairement de cette
forme vigoureuse ;
je désire donc en avoir la
responsabilité pleine et entière.
J'étais heureux de saisir cette occasion
inattendue pour appuyer dans leur œuvre ces
exilés d'un d'espote ; je voulais leur pro–
curer l'occasion de faire entendre leurs griefs,
trop souvent noyés dans le sang et le
meurtre, dans leur propre pays. J'étais heu–
reux de leur prouver que la
liberté de la
parole
n'est pas un vain mot en Hollande, et
de leur donner l'occasion de clouer un
système maudit de gouvernement au pilier de
la honte.
Lorsque les orateurs étrangers retenus par
les devoirs de l'hospitalité reçue en Hollande
ont cru devoir modérer leurs paroles, j ' a i
employé des mots plus énergiques pour
décrire leur ennemi mortel dans leur lutte
pour le progrès de l'humanité.
Pour chacune
de mes paroles je subirai les conséquences.
Abd-ul-Hamid recula devant le scan–
dale d'un procès public où serait faite la
preuve de ses crimes : i l retira sa plainte.
U n peu plus tard, i l devait agir de même
dans le double procès intenté à M . P .
Quillard pour ses articles de
YAurore
et
de la
Revue d'Europe
en même temps qu'à
M M . Ur ba i n Gohier et Charles Malato et
à M
m e
la comtesse Colonna.
Plus tard, le
26
septembre
1899,
en re–
prochant au gouvernement hollandais son
attitude à l'égard des Jeunes-Turcs durant
la conférence de L a Haye, à la tribune
des États généraux, H . Va n K o l lançait
Fonds A.R.A.M