jamais a c c omp a g n é la liberté que le jour de
son enterrement. »
Nous n'avons jamais apporté la liberté à
aucun peuple.
Une fois en 1866. Bismarck fit obtenir
Venise à l'Italie déjà libérée, mais c'était
pour affaiblir l'Autriche; en général l'Alle–
magne a toujours hésilé à favoriser des
mouvements de liberté à l'étranger.
C'est le côté misérable de l'histoire de
l'Allemagne que sa situation de c o n q u é –
rante en l'obligeant de maintenir les vain–
cus, ne lui a jamais permis de comprendre
la valeur de sa propre liberté. L a France,
l'Angleterre, ont délivré
des
peuples.
La Bussie elle-même a, au compte de
son histoire, des peuples qui sont obligés de
lui dire : « Nous vous devons notre libéra–
tion. » Quel est le compte que nous, A l l e –
mands, nous pouvons-opposer à ceux des
autres nations? Avons nous un actif politique
dont nous puissions être fiers?
Dans la question a r mé n i e n n e nous avons
une occasion de parler en faveur d'un
peuple contre lequel se poursuit lentement
et s û r eme n t une œu v r e cruelle d'extermina–
tion ; j ' e s p è r e qu'aujourd'hui chacun de vous
emportera le sentiment qu'il y a un secours
à porter, et qu'il est nécessaire de mettre un
terme à la misérable administration de la
Turquie. Aucun motif ne doit nous emp ê c h e r
d'élever la voix.
Il s'agit d'un petit peuple, d'un peuple qui
est très foin de nous et dont la masse n'est
pas d'une civilisation très avancée — par
suite du j oug qui l'écrase i l est à - u n degré
de civilisation moins élevé qu'autrefois. Ce
n'est pas un motif pour nous de lui refuser
notre sympathie surtout pour ceux qui, dans
cette salle, appartiennent à la Social-Démo–
cratie.
Les Socials-Démocrates pour le combat se
sont ralliés à une devise que de grands
réformateurs ont souvent rappelée dans
l'histoire: c'est la devise que le fondateur de
la religion c h r é t i e n n e a mise dans une forme
classique quand i l a dit à ses a p ô t r e s :
Cet admirable principe, vous le retrou–
verez dans un grand mouvement de la civi–
lisation moderne qui fut pénétré d'un véri–
table sentiment d ' h uma n i t é ; dans la grande
Révolution française du xvine siècle.
Dans la déclaration des Droits de l'Homme
de 1793, proclamée par la Convention au
moment de ses plus beaux jours, vous trou–
verez l'article suivant :
«
On attente à tout le corps social quand
on opprime seulement un de ses membres. »
Dans cet esprit nous dirons aujourd'hui :
c'est un attentat contre tout fe corps de
l'humanité, contre le corps de toutes les
nations que d'opprimer et d'écraser seule–
ment une nation capable de civilisation.
Et si le peuple victime habite très loin de
nous, faisons entendre des protestations plus
éclatantes, que notre voix soit entendue
j u s q u ' à Yildiz Kiosk et qu'elle trouve un
écho retentissant auprès du Chancelier de
l'Empire. On doit mettre un terme au mi s é –
rable gouvernement de la Turquie, secourir
les Armé n i e n s et l'aire disparaître de la terre
le système de persécutions du sultan ! C'est
ce que je vous demande d'approuver et j'es–
père que vous ratifierez tous une résolution
de protestation.
(
Longues el chaleureuses ac–
clamations.)
La
Résolution
suivante, soumise à f'Assem-
blée par l'orateur est a p p r o u v é e à l'unani–
m i t é moins une voix.
L'Assemblée de ce jour déclare :
«
Les souffrances du peuple a rmé n i e n en
Turquie, ses luttes pour son i n d é p e n d a n c e
et sa défense contre l'arbitraire des agents
gouvernementaux et les cruautés barbares
des populations montagnardes demi-civili–
sées, réclame la sympathie de tous les hom–
mes qui ont le sentiment de la liberté et
surtout l'appui moral de tous les ouvriers
du monde civilisé qui combattent pour leur
éma n c i p a t i o n .
«
L'Assemblée manifeste toute son exécra–
tion pour les sanglants massacres dont l'Ar–
ménie a été le théâtre dans ces d e r n i è r e s
a n n é e s et qui se renouvellent encore. Elle
rejette la responsabilité de toutes ces horri–
bles cruautés en p r em i è r e ligne sur le gou–
vernement du sultan, mais non moins aussi
sur les gouvernements des grandes puissan–
ces qui, aux termes de l'art. 6 du traité de
Berlin de 1878 ont pris le mandat de veiller
à l'établissement de certaines mesures des–
tinées à garantir, en Arménie la sécurité de
la vie et des conditions d'existence d é t e r –
minées.
«
Elle demande au gouvernement alle–
mand d'agir é n e r g i q u eme n t dans ce sens
auprès du sultan, convaincue que, si dans
cette question, les puissances signataires
du traité font preuve dun e ferme volonté,
on brisera facilement la résistance et la
politique d'atermoiements du sultan et de
ses satrapes.
«
L'Assemblée tient à déclarer que les
réclamations de droit et de sécurité pour les
A rmé n i e n s ne sont nullement inspirées par
des préventions contre la nation turque.
L'Assemblée est persuadée au contraire que
l'établissement d'une situalion équitable en
A rmé n i e est conforme aux vrais intérêts de
la grande masse du peuple turc, qu'il a les
même s raisons que le peuple a rmé n i e n de
voir mettre un terme au détestable gouver–
nement actuel des fonctionnaires. Dans cette
conviction, tout en prenant part aux dou–
leurs et aux luttes des Armé n i e n s , elle
adresse l'expression de son entière sympa–
thie à tous les peuples,
sans distinction de
nationalité,
qui, en Turquie, combattent pour
les réformes libérales, l'égalité politique et
la justice sociale. »
Dikran Déroyan (Yazken
1
)
1 8 7 3 - 1 8 9 8
«
E n avant I la civilisation exige
toujours des victimes; c'est une
gloire pour nous, si nous devenons
sa victime méritoire. »
V A Z K E N .
(
Droschak,
1896,
n» 19.)
Dikran Déroyan, l'une des étoiles bril–
lantes de la révolution arménienne et la
gloire de Sassoun, est né en 1873, à Van,
dans le quartier de Haïngoussner, d'une fa–
mille aisée.
Son père, tailleur de son métier, avait
joué un rôle important pendant les querel–
les «
Boghosse-Aboghossian»
(
les conserva-
vateurs et des libéraux) » ; lui un « abo-
ghossian (libéral), avait fait beaucoup de
sacrifices pour le triomphe de ses idées.
Dikran se montra un fils digne de son
père; sa vie, quoique courte, fut féconde
en actes d'héroïsme, dont nous pourrons
reproduire ici seulement les grandes lignes.
La vie de Dikran est si intimement liée à
celle de la génération actuelle de Van, que
la prudence nous commande d'être sobre
en paroles au sujet de nombreux actes, en
laissant à l'historien futur le soin de faire
sa biographie entière.
A l'école, Dikran fut un élève très intelli–
gent et studieux en même temps que sérieux
et réfléchi; aussi ses camarades étaient-ils
devenus jaloux de lui et Dikran mena par
la suite une vie isolée. Les professeurs
avaient apprécié ce jeune homme taci–
turne et grâce à eux, Dikran put entrer à
la célèbre école centrale, qui était devenue
le principal foyer où l'on apprenait le
«
nosce le ipsum » et l'idée de rébellion.
L'école centrale fut pourtant fermée en
1885,
et Vazken, sans avoir terminé ses
études, se lançait dans la vie et apprenait
le mélier de son père pour faire vivre sa
nombreuse famille.
A cette époque un grand mouvement
avait commencé parmi les étudiants; les
élèves de l'école centrale fréquentaient
tous l'école de Haïngoussner où profes–
saient des idéalistes enthousiastes comme
Akribbassian et Avédissian.
Un groupe d'étudiants s'était déjà formé,
pour travailler en commun à leur dévelop–
pement intellectuel; tous étaient pleins
d'ardeur.
Très peu de temps après Dikran devint
un des membres de ce groupe, mais fidèle
à son caractère, i l garda toujours une atti–
tude modeste et prudente parmi ses cama–
rades pleins de zèle; isolé, dans un petit
cercle d'amis participant à ses idées, i l
observait plus que d'agir et étudiait le mou–
vement qui l'environnait. Dikran, à cette
époque, avait abandonné son mélier de
tailleur et étail devenu professeur, choi–
sissant ainsi une carrière, qui, en ce temps-
là, était considérée comme la seule où l'on
pût être utile au peuple.
(
A suivre.)
(1)
Extrait de
V A Z K E N (Di kran Déroyan)
Recueil de chants.
Boston (Imprimerie de Haïrenik, ( i l , Essex st.)
Ce recueil de chants populaires et nationaux a été
formé par le héros révolutionnaire dont nous publions
la biographie mise en tète de ce livre posthume.
Le Secrétaire-Gérant
:
J E A N L O N G U E T .
Fonds A.R.A.M