t r è s que celui qui narrera l ' é t r a ng e pa–
ralysie des puissances en p r é s e n c e de
ce scandale et l'ignominieux empresse–
ment de cerlniues d'entre .elles à trahir
leur devoir envers l ' h uma n i t é et àab–
diquer j u s qu ' à leurs droits contractuels,
pour se disputer les laveurs suspectes
et les concessions incertaines d'un san–
glant despote.
Celles même d'entre elles qu i , comme
la France, n'ont pas tout à l'ait aban–
donn é la cause de l ' Armé n i e o p p r imé e
et ont de temps à autre fait entendre
leur voix à Constantinople, dans l ' i n –
térêt de leur cliente, ont malheureuse–
ment qu i t t é le terrain de l'action en
quelque sorte j u r i d i que . On s'est con –
tenté, chaque fois que le c r i des v i c t i –
mes était trop fort ou que quelque
rayon de l umi è r e était t omb é sur un
attentat trop scandaleux, de plaider au
nom de la philanthropie, de demander
une r épa r a t i on toujours insuffisante et
le plus souvent fictive.
Ce qu ' i l e û t fallu, ce qu'il faudrait, ce
serait une mise en demeure sans t r êve
ni merci, une sommation incessante au
Sultan d'avoir à s'acquitter de l ' ob l i –
gation sur laquelle repose, depuis le
Co n g r è s de Be r l i n , son existence inter–
nationale et notamment d'avoir à exé –
cuter enfin — sans p r é j ud i c e des autres
clauses qui concernent la Ma c é do i n e ou
d'autres parties de son empire — l'ar–
ticle L X 1 du traité de 1878. Ce qui au–
rait é t é politique en même temps que
moral et humain,
c
'
eû t é t é que l'esca–
dre française ne s ' emb o s s â t pas dans
la rade de Mi t y l ènc seulement dans
l'intérêt de louches s p é c u l a t e u r s levan–
tins et qu'elle b r a q u â t ses canons sur
les forteresses du Grand Tu r c , non
seulement pour servir de recors à Tu -
bini et Lo r ando , mais aussi pour ser–
vir de porteur de contraintes à la cons–
cience du monde civilisé e l au droit
public de l ' Eu r ope .
On n'a pas cru pouvoir le faire. Je le
d é p l o r e . 11 faut du moins qu ' à l'heure
actuelle, et puisque ceux qui pouvaient
parler au nom de la loi des Traités se
sont volontairement p l a c é s sur le ter–
rain plus é t r o i t et riiuiiis solide de la
phihmlhrop.c, on aille jusqu'au bout
dans celle voie. C'est afin de fournir à
M . De l c a s s é l'occasion de payer aux
A rmé n i e n s un léger à compte sur la
dette c o n t r a c t é e à leur é g a r d par la
diplomatie, que j ' a i eu l'honneur, avant
de l u i transmettre les fonds r e ç u s par
moi, de l u i adresser la lettre suivante :
Paris, le 19 novembre l'.IU^.
Monsieur le ministre et cher collègue,
Dans les entretiens que j ' a i eu l'hon–
neur d'avoir avec vous, j ' a i , à diverses re–
prises, de concert avec plusieurs de mes
collègues appartenant à tous les partis,
appelé votre attention sur la déplorable
situation qui continue d'être faite aux i n –
fortunés Arméniens. On aurait pu croire,
malgré le triste échec du concert euro–
péen en ce qui touche l'application de l'ar–
ticle LX I du traité de Berlin et l'accom–
plissement des réformes solennellement
promises à l'Europe en 1878, que la seule
considération du martyre de ce peuple au–
rait suffi à lui assurer, à l'intérieur de
l'empire ottoman, sinon une sécurité im–
possible sans garanties légales, du moins
un adoucissement momentané à son sort.
Vous savez mieux que moi, monsieur le
ministre, qu'il n'en est rien. La France, et
avec elle celles des puissances qui n'ont
pas abdiqué pour des intérêts peut-être un
peu subalternes la revendication de leurs
droits el l'accomplissement de leur devoir,
ont itérativement fait des démarches afin
d'obtenir la réparation et, dans la mesure
du possible, la prévention des nouveaux
attentais dirigés contre les Arméniens,
contre leurs propriétés, leur liberté et leur
vie.
Si louable que puisse être l'action hu–
manitaire des Etals signataires de l'Acte
de Berlin, elle ne saurait porter, elle n'a
pas porlé de fruits. Toujours l'étal de cho–
ses intolérable sous lequel gémissent ces
populations va en s'aggravant. Les plus
graves inquiétudes régnent au sujet de
certaines régions où les Kurdes, les Ha –
midiés el jusqu'aux troupes régulières du
sultan menacent l'exislence des habitants,
l'honneur de leurs femmes et de leurs
filles, la liberté de conscience d'un peuple
dont la religion et la nationalité se confon–
dent encore comme dans la plupart des
pays d'Orienl.
A celle heure, quelques milliers des vic–
times d'une barbarie organisée s'efforcent
de se soustraire à un sort insupportable
en abandonnant leurs foyers pour aller
chercher un asile sur un autre sol. Pour
des raisons que je n'ai pas à apprécier ici,
la Bussie ne semble pas vouloir accepter
ces hôtes nouveaux.
Des amis dévoués de la cause armé–
nienne ont pensé que peut-ôlre ces infor-
lunés trouveraient en Perse les garanties
élémentaires qui sont tout ce qu'ils pré–
tendent.
Il s'agit de faciliter cet exode. J'ai Heu
de croire, monsieur le ministre, que vous
serez disposé à prêter auprès de S. M. le
Shah l'appui de votre bienveillante recom–
mandation à une solution qui, sans tou–
cher au fond des choses, a l'avantage de
sauver quelques milliers d'existences.
Un généreux ami de l'Arménie, qui dé–
sire garder un strict anonymat, a voulu
donner une preuve efficace de sympathie à
ce projet. Il m'a fait remettre cinq mille
(5,000)
francs, en me chargeant de vous
demander si vous ne jugerez pas opportun
de transmettre cette somme à vos agents
sur les lieux en leur donnant des instruc–
tions pour assister cette émigration.
A u cas où vous consentiriez, comme je
l'espère, à remplir unemission toute phi–
lanthropique et don: l'accomplissement ne
peut que contribuer au maintien du pres–
tige de la France en Orient, je ne doute
pas que l'exemple du donateur anonyme
ne soit suivi et que des souscriptions ne
viennent attester efficacement à ces victi–
mes de l'impuissance de la diplomatie eu–
ropéenne le bon vouloir de l'Occident.
Je ne veux pas prévoir l'éventualité d'une
réponse négative et je vous prie, monsieur
le ministre, d'agréer l'assurance de ma
haute considération.
F R A N C I S DE P R E S S E N S É ,
député du Rhône,
membre du Comité arménien de France.
Comme je le dis à M . De l c a s s é , i l
me semble impossible que le gouver–
nement de la Ré p u b l i q u e se refuse à
remplir une mi s s i on d ' h uma n i t é dont
j e ne parviens pas à apercevoir les
i n c o n v é n i e n t s , même diplomatiques.
Que s i , d'aventure, mon espoir était
t r omp é , i l me restera à chercher, con –
f o rméme n t aux vœu x de l'anonyme, le
meilleur' emploi de ces cinq mille francs,
dans l ' i n t é r ê t de l ' Armé n i e , et je me
plais à croire que les lecteurs de l ' A u –
rore et tous ceux, s.ms distinction de
parti, qui professent quelque sympa–
thie pour une cause s a c r é e , tiendront à
honneur de c o o p é r e r à une œu v r e de
d é l i v r a n c e et de salut.
F R A N C I S D E P R E S S E N S É .
L I R E :
L'EUROPÉEN
Courrier International Hebdomadaire
POLITIQUE, DROIT INTERNATIONAL
QUESTIONS
SOCIALES,
LITTÉRATURES, A R T .
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C h .
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R é d a c t e u r en chef : A . - F E R D I N A N D
H E R O L D .
24,
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Articles de M M . Frédéric P A S S Y . Francis de P R E S S E N S É
John.-M. R O B E R T S O N , D ' M . K R O N E N B E R G . A . A B L A R D
Marcel C O L L I È R E , Xavier de R I C A R D , Raoul A L L I E R .
André FONTAINAS. Pierre Q U I L L A R D . Georges EEKIIOUD.
Fonds A.R.A.M