route aux Al b a n a i s d ' un c ô t é , aux Serbes
d'un autre. L ' i n s u r r e c t i o n a rapidement
g e r m é dans ce m i l i e u favorable ; on se
sentait en nombre, on a m a r c h é d'enthou–
siasme. Les villes de Monastir et de P r i l i p
sont, au dire des r é v o l u t i o n n a i r e s , les
p r i n c i p a ux foyers de la r é v o l u t i o n . Av e c
V e l è s , elles renferment l'intelligence du
parti. Le s campagnes du sud-ouest, avec
leurs c h a î n e s montagneuses, leurs défilés
é t r o i t s et leurs forêts, sont devenues le re–
fuge préféré des bandes.
P l u s tranquille d u côté du Rbodopo , le
gouvernement ottoman a entrepris, cette
a n n é e de pacifier la r é g i o n de Monastir.
U n v a l i , t r è s ambitieux de mé r i t e r la recon–
naissance de son ma î t r e , en a fait, person–
nellement son affaire. Pacifier, pour les
Tu r c s , a g a r d é son sens latin :
ubi solitu-
dinem...
L ' a r m é e r é g u l i è r e a la main lourde.
Et, c omme en A r m é n i e , les i r r é g u l i e r s ont
la ma i n plus lourde encore. O r i c i , comme
en A r m é n i e , l'odeur du sang fait s o r l i r les
loups du b o i s : ba ch i - bouzouk s , brigands
professionnels, albanais, tcherkesses, po-
maks, mohadjirs, musulmans de loule race
et de toute couleur viennent à la c u r é e , et
voici quelques histoires m a c é d o n i e n n e s .
A la fin de ma i , les Grecs — ils sont
coutumiers du fait dans toule l a Macé–
doine — d é n o n c è r e n t à l a police turque
quatre Bu l ga r e s de T r s i é . U n lieutenant
partit de F l o r i n a avec soixante hommes,
investit l a ma i s on des « comilas » et ne
r é u s s i t q u ' à se faire luer cinq hommes. Le s
quatre a s s i é g é s sortirent à l a faveur d'un
orage, d é p o u i l l è r e n t de leurs armes et de
leurs cartouches les soldats morts, et ga–
g n è r e n t les bois. L e lendemain l'officier
revint avec une troupe trois fois plus n om –
breuse, pilla le village et emmena cent
prisonniers. Une trentaine de paysans,
ayant pu fuir, avaient rejoint les bandes.
A la suite de cette affaire, les mu s u lman s
de F l o r i n a d é c i d è r e n t de se jeter sur les
c h r é t i e n s e l d'en faire un grand massacre.
Il fallut une d é p ê c h e de Constantinople
pour les calmer.
U n certain b r i g a nd Icherkesse, Hadji
Noyou s , de No v o - S e l o , d é n o n ç a vingt-
c i n q Bulgares de R a k i l n i l z a . L e 23 j u i n , le
mu d i r de K r o u c h e v o se mi t en roule avec
de l a troupe. Su r son c h emi n , i l leva les
b a c h i - bou z ouk s de quatre villages mu s u l –
mans. A r r i v é e à R a k i l n i l z a , cette horde tua
huit notables e l en prit quatre vivants.
P u i s , a p r è s avoir i n c e n d i é un tiers d u v i l –
lage et pillé le reste, elle repartit, pous–
sant à coups de b â t o n un troupeau de
prisonniers. Celte fois, encore, les bandes
recueillirent une vingtaine de fuyards.
Ces deux laits sont choisis au hasard
entre cent du m ê m e genre. Le s prisons d é
Monastir, F l o r i n a , Ka s l o r i a sont pleines
el, pour y faire de la place, on en exlrait
des f o u r n é e s que l'on embarque à Salonique
pour l ' A r c h i p e l . Ce n'est pas le sort le
moins enviable ; mi eux vaut l'exil sans
jugement que les é t r a n g e s t r i bun a ux du
Sultan. Le s a u t o r i t é s turques nient l'em–
ploi de l a question dans les prisons. Mais
les massacres d ' A r mé n i e n'ont pas é t é
n i é s avec mo i n s d'impudence, d ' i nd i gna –
tion et d'esprit de discipline, tandis qu'ils
s'accomplissaient. J ' a i vu un homme dont
les inquisiteurs turcs avaient fait arracher
les ongles.
«
Je reviens é p o u v a n t é , é c œ u r é de mon
excursion à
écrivait i l y a quelques
mois à son j o u r n a l un correspondant fran–
çais. J ' a i vu des villages a b a n d o n n é s , la
population ayant fui dans les montagnes
par peur de la police ou des soldats turcs.
Des a t r o c i t é s dignes des é p o q u e s les plus
barbares ont é t é commises sous p r é t e x t e
de faire avouer à des ma l h e u r e ux paysans
qu'ils faisaient partie, des C om i t é s . Le s
moins ma l t r a i t é s ont r e ç u de telles baston–
nades qu'ils seront pendant plus d ' un mois
sans pouvo i r bouger ; à d'autres on a
enfoncé des morceaux de bois pointus
sous les ong l e s ; d'autres ont é t é a r r o s é s
d'huile, bou i l l an t e ; des femmes ont é t é
violées en p r é s e n c e de leurs maris atta–
c h é s à des arbres. »
Comme ses c o n f r è r e s qu i cherchaient à
renseigner le pub l i c f r a n ç a i s su r les mas–
sacres d ' A r mé n i e en 1895, ce correspon–
dant en a é t é pour ses peines; aucun j ou r –
nal français n'a p u b l i é sa d é p ê c h e . U n
Serbe, agent de la propagande scolaire du
royaume, donc par définition un ennemi
a c h a r n é du bu l ga r i sme , confirme ces fails
dans un élan de solidarité c h r é t i e n n e .
«
Les Tu r c s , d i l - i l , é t a i e n t les seuls m a î –
tres d'apaiser l'insurrection en prenant les
quelques mesures q u i eussent rendu leur
domination acceptable aux paysans b u l –
gares. Mais bien au contraire, ils se, s on l
r u é s sur l'obstacle. Comme les chevaux
auxquels on p r é s e n t e un couteau, ils ont
a p p u y é de tout leur poids sur la pointe. Ils
servent l a cause anarchiste ; la r é v o l u t i o n
sera leur œ u v r e ! »
E n 1896, le colonel de V i a l a r , a t t a c h é
militaire à l'ambassade de France à Con s –
tantinople, revenait d'Anatolie en disant :
«
Ces massacres que l ' on nie avec tant
d'assurance à l a Su b l ime Porte et autour
du Su l t an , sont, dans les bazars de l'inté–
rieur, le sujet de toutes les conversations.
On en conte les p é r i p é t i e s entre mu s u l –
mans, et cha cun se vante, sans honte, de
la part q u ' i l a prise dans la fête san–
glante. » E n 1902, à Mo n a s l i r , on fait cir–
culer, toujours entre mu s u lman s , une
photographie qui en dit plus long que tous
les récils et r é d u i t au n é a n l toutes les
n é g a t i o n s . J ' a i pu me procurer cette image
parlante. Trois officiers de police sont
debout d e r r i è r e une table, graves et glo–
rieux ; sur l a table, couverte d'une nappe
bien tirée et bien blanche, reposent, atro–
cement g r i m a ç a n t e s , quatre t ê t e s tran–
c h é e s de s u p p l i c i é s bulgares, qu i portent
des traces bien nettes de mu t i l a t i on . Le s
trois bourreaux ont un a i r béat à faire fré–
m i r ; mais, devant l'inconsciente férocité
qui les a conduit chez le photographe
avec les t ê t e s de leurs victimes, n'est-on
pas p l a c é surtout par la p e n s é e de cette
r é p r e s s i o n qu i ne fait que commencer et
qui va durer p e u t - ê t r e des a n n é e s ? L ' E u –
rope, pour la seconde fois, laissera-f-elle
les mains libres à ces bandits ?
Georges G A C L I S .
Nouvelles d'Orient
E N MA C É D O I N E . — 11 semble à peu p r è s
certain maintenant que l'insurrection ma-,
c é d o n i e n n e est m o m e n t a n é m e n t t e r m i n é e ,
c ' e s t - à - d i r e que les bandes c o mm a n d é e s
par le g é n é r a ] Zonlcheff, le colonel Jankoff
el le lieutenant-colonel Nikoloff ont d û se
disperser a p r è s plusieurs combats e x t r ê –
mement meurtriers o ù elles furent souvent
les plus fortes. Mais il. leur est impossible
de tenir conlre les troupes r é g u l i è r e s et
autres e n v o y é e s en t r è s g r a nd nombre : le
«
loyalisme » des He l l è n e s et des Vl a qu e s
a permis en effet au gouvernement turc,
ainsi que le constate avec satisfaction le
correspondant a t h é n i e n du
Temps
de d é g a r –
nir de troupes le sud de la Ma c é d o i n e en
m ê m e temps que des renforts arrivaient de
tous c ô t é s .
V o i c i , d ' a p r è s le,
Mouvement Macédonien,
le récit de quelques-uns des engagements
les plus importants :
V I L A V E T DE
S A L ON i y u E . - -
Vodenci.
—
Le
27
septembre, une bande révolutionnaire lut
a t t a q u é e près du village
Sborsco
par les r é –
giments turcs. La bande, é t a n t forte d une
centaine de chrétiens, repoussa bravement
l'attaque et infligea des pertes é n o r me s aux
Turcs. Des renforts lui é t a n t arrivés, les
Turcs durent s'enfuir. De nouveaux régi–
ments furent envoyés de Vodena te fende-
main el la bataille r e c omme n ç a . Les révolu–
tionnaires se r e t i r è r e n t devant les nouvelles
forces, en laissant une vingtaine de tués,
tandis que les Turcs perdirent une centaine
de soldat-. L'impression fut terrible dans
notre ville, surtout quand on apprit qu'une
cinquantaine de blessés ont été déjà trans–
portés ici pendant la nuit.
Après la bataille, les Turcs se j e t è r e n t sur
les village s
Sborsco, Pojarsco, Bakhovo,
etc.,
qu'ils pillèrent. Les autorités, ne pouvant
arrêter les jeunes gens de Sborsco qui, pour
la plupart, avaient quitté le village déjà avant
la bataille pour se joindre aux combattants,
Fonds A.R.A.M