d'institutions assurant à ces provinces
les avantages et garanties que leur
avait promis le Co n g r è s de 1878 et
q u ' a p r è s un quart de siècle, la Porte
s'obstine encore à leur refuser.
A côté de ces questions, les plus
me n a ç a n t e s pour la paix de l ' Europe ,
i l en est d'autres qu i s'imposeraient,
naturellement, à l'attention d'une con–
férence e u r o p é e n n e r é un i e pour la pa–
cification de l'Orient. L a situation de
la Ro umé l i e Orientale, aujourd'hui an–
nexé e , du consentement même de la
Porte à la Bulgarie, pourrait ê t r e enfin
r é g u l a r i s é e . I l en devrait ê t r e de m ê m e
de la situation i ndé c i s e et amb i g u ë de
la Cr è t e dont les droits auraient besoin
d'être définis, dans le cas où les puis–
sances ne se d é c i d e r a i e n t pas à la r é u –
nir à la Gr è c e .
Enfin, l ' Eu r ope ne saurait, sans
injuste p a r t i a l i t é , imposer des sacrifices
à la seule Turqu i e et oublier les clauses
du t r a i t é de Be r l i n non exé cu t é e par
les Etats c h r é t i e n s . L a question des
juifs de Rouman i e se poserait f o r c é –
ment, devant la con f é r enc e . Sans vio–
lenter le gouvernement de Bucarest,
l ' a r é o p a g e e u r o p é e n serait en droit de
l u i demander ce qu ' i l a fait, à cet
é g a r d , pour l ' exé cu t i on du t r a i t é et de
quelle ma n i è r e i l compte p r o c é d e r à
l'avenir pour s'affranchir du reproche
d ' i n t o l é r a n c e ou de mauvaise foi. E n
faisant ainsi r e c o n n a î t r e les droits des
c h r é t i e n s par la Porte, les droits des
i s r a é l i t e s par la Roumanie, l ' Eu r ope
montrerait au monde qu'elle ne s'ins–
pire que des i n t é r ê t s de l ' h uma n i t é et
de la civilisation.
On le voit, l'ouvrage ne manquerait
pas à la c o n f é r e n c e ; mais quelles que
soient l'importance et la d i ve r s i t é des
questions qu i l u i seraient soumises,
ces questions ne sont pas de celles sur
lesquelles les grandes puissances ne
puissent arriver à s'entendre.
L a situation g é n é r a l e de l'Europe,
loin de s'opposer à une semblable con–
férence, y serait p l u t ô t favorable. S i
l ' Eu r ope continentale demeure p a r t a g é e
en deux groupes rivaux, ces deux
groupes se d é c l a r e n t é g a l eme n t a n imé s
d'intentions pacifiques. Bien plus, entre
les membres de la Triple Al l i anc e d'un
c ô t é , et ceux de la Double Al l i anc e de
l'autre, i l y a eu r é c emme n t des accords
particuliers qui rendraient s i ngu l i è r e –
ment moins ma l a i s é e une entente entre
les deux groupements, alors surtout
que pareille entente aurait un objet
d é t e rm i n é , nettement circonscrit, et
qu'il s'agirait avant tout d'assurer ce
qui, à les en croire, tient é g a l eme n t à
c œu r à tous les gouvernements, la
paix g é n é r a l e .
L a principale difficulté est p e u t - ê t r e
de savoir quel groupe ou quelle puis–
sance osera prendre l'initiative d'une
telle proposition. Nous souhaiterions,
quant à nous, — et nous le disons
hautement — que cette initiative fût
r e v e n d i q u é e par la Fr ance . Ce serait
un rôle digne de son p a s s é et conforme
au meilleur de ses traditions et ne dû t -
elle pas ê t r e suivie des autres nations,
la France, en assumant pareille i n i t i a –
tive, en garderait l'honneur aux yeux
des peuples d'Orient et aux yeux du
monde.
Notre gouvernement, distrait par
trop d'autres soins et p e u t - ê t r e trop
a b s o r b é par nos luttes i n t é r i e u r e s , en
aura-t-il l ' éne r g i e ou le courage? C'est
aux amis des peuples o p p r i mé s , aux
d é f e n s e u r s de la justice et de l ' huma –
nité de l ' y pousser. Ils sont nombreux
et ils sont influents pa rmi les soutiens
de la politique gouvernementale; et
pour une pareille œu v r e , ils seraient
a s s u r é s d'avoir l'appui de tous les
hommes qu i , sans distinction de parti
ou de confession religieuse, croient
que la France a encore une mission en
Orient. Nou s avons, h é l a s ! grand
besoin d'un acte qui nous r e l ève aux
yeux des peuples et à nos propres yeux :
rien n ' y serait plus propre.
Qu'on ne vienne pas nous dire que ce
serait là pur et dangereux donquichot–
t i sme ! L e seul danger serait de n ' ê t r e
pas suivi ; et alors même , nous reste–
rions, avec le mé r i t e d'avoir o s é ê t r e
n o u s - même s , au lieu de nous t r a î n e r
toujours à la remorque d'autrui. t ne
con f é r enc e e u r o p é e n n e offre seule le
moyen de r é s o u d r e les difficultés de
l'Orient et d ' é c a r t e r les pé r i l s dont les
cabinets commencent à s ' i nqu i é t e r . Une
feuillle russe, la plus lue chez nos
alliés, le
Xovoié
Vrémia,
écrivait, ces
j ou r s - c i , que pour p r é v e n i r l'explosion
d'une grande r évo l t e , au printemps
prochain, i l fallait que la Por t e mî t
l'hiver à profit pour pacifier ses pro–
vinces en leur accordant enfin les ga–
ranties promises à Be r l i n .
L a feuille russe, p e u t - ê t r e i c i l'or–
gane de la chancellerie imp é r i a l e , a
raison ; pour rendre la paix à l'Orient
et pour é c h a p p e r au péril des conflits
a r mé s , i l est indispensable d'utiliser
l'hiver pour les r é f o rme s n é c e s s a i r e s .
Ma i s comment compter, pour une telle
œu v r e , sur la tardive bonne vo l on t é du
Sultan ? Une intervention de la d i p l o –
matie e u r o p é e n n e peut seule l ' y d é c i –
der en l'y contraignant. S i l'alliance
franco-russe en savait prendre l'initia–
tive, la valeur de l'alliance en serait
s i n g u l i è r eme n t r e h a u s s é e aux yeux des
deux nations et le prestige des deux
gouvernements et des deux peuples en
serait grandement accru devant le
monde civilisé.
Anatole
L E R O Y - B E A U L I E U .
_ »*.
Bu l g a r i e et Macédoine
Dans son n umé r o du 1er novembre, ta
Revue de Paris
publie sur la Bulgarie et la
Macédoine une très importante étude de
M . Georges Gaulis. M . Georges Gaulis, qui
fut correspondant du
Temps
à Constanti–
nople, à l'époque des massacres a r mé n i e n s
et plus tard en Crèt , ne parle pas par ouï-
dire. Il revient des pays dont i l décrit impar–
tialement la situation : c'est lui qui a commu–
niqué aux
Nouvelles illustrées
et par leur i n –
termédiaire à
Pro Armenia, Y
atroce photogra–
phie des trois officiers de police hamidiens,
avec le t r o p h é e de quatre têtes bulgares,
coupées par eux. Un publiciste hamidien
écrivait n a g u è r e : « L'image sur laquelle elles
s'appuient." (Ils'agissait d'« injures gratuites »
adressées à Sa Toute Clémence Abdul-Hamid)
« —
les trois soldats turcs ayant à côté d'eux
quatre têtes d'hommes —n'estqu'uneboutade
indigne des
Nouvelles illustrées.
De pareilles
productions ne sont possibles que lorsque la
passion étouffe tout sentiment de loyauté
chez leurs auteurs. »
'
Nous reproduisons le passage de l'article
de M . Georges Gaulis où celui-ci raconte
comment l'affreuse image est parvenue entre
ses mains et rappelle fort o p p o r t u n é m e n t
que la presse e u r o p é e n n e et la presse fran–
çaise en particulier, à de rares exceptions
p r è s , l'ut et est peu accueillante aux corres–
pondances précises qui d é n o n c e n t les crimes
de la Bête.
A Mon a s t i r , la lutte est e n g a g é e ouve r –
tement. L à , dans u n g r a nd cercle, dont l a
ville de Mon a s t i r ou B i t o l i a est le centre et
dont la c i r c o n f é r e n c e passe par
P r i l i p ,
Oc h r i d a , Ka s t o r i a et se ferme dans le v i –
layet de Sa l on i qu e , à Vo d e n a , la p r op a –
gande bulgare a c o n c e n t r é ses meilleures
forces depuis plus de trente ans. E l l e a tra–
vaillé la masse la plus compacte des Slaves
m a c é d o n i e n s et c h e r c h é à c r é e r u n vaste
camp r e t r a n c h é , pour englober les ouv r a –
ges anciens de l ' h e l l é n i sme et barrer la
Fonds A.R.A.M