d ' Abdu l Hami d et l'invitent à r ég l e r ,
selon le droit et l ' h uma n i t é , la question
des émi g r é s . E t ce n'est pas dans quel–
ques mois, c'est tout de suite qu'une
action est n é c e s s a i r e : autrement les
sept mille c r é a t u r e s humaines errant
dans la campagne de Ka r s seront mortes
de faim ou de froid.
Quant à l'apaisement en Turquie
môme , deux rapports de source offi–
cielle, montrent ce que l'on doit com–
prendre par ce mot quand i l est pro–
n o n c é par la bouche d ' Ab d - u l - Rami d .
Ces rapports n'ont trait qu ' à des r é –
gions t r è s limitées : celle d'Akhlat, sur
la rive No r d du lac de V a n ; celle de
Roulanik et de Malazgherd au No r d -
Est de Mo u s h , et de quelques autres
villages du sandjak de Mo u s h .
Le s chefs kurdes n omm é s dans ces
rapports sont tous de quelque célébrité
sanglante, en particulier Sa ï d , des D j i -
branli et R i z a , des Hassananli : R i z a
est le frère du Fetullah dons nous avons
r a p p o r t é les exploits, chef s u p r ême des
Hassananli. Quatre r é g ime n t s d e h ami -
diés sont formés par les Djibranli dans
le caza de Varto et cinq par les Hassa–
nanli dans celui de Malazgherd.
Vo i c i l'analyse des deux rapports.
Van,
20
septembre. L e 12 septembre,
Thomas Manoukhian, notable de Par-
thant (village du district d'Akhlat) a été
c e r n é dans sa maison par les k m des :
le domestique Ar c h a g put en informer
sa mè r e ; mais toutes les sollicitations
furent inutiles; les Kurdes p r é t e n d e n t
qu'ils agissent par ordre et qu'ils do i –
vent tuer les A rmé n i e n s . Thomas M a -
noukian fut pris et d é p e c é ; sa mè r e eut
le ventre a r r a c h é : le domestique, la
tête et les pieds c o u p é s . L a maison fut
ensuite pillée. Le s a u t o r i t é s d'Akhlat,
averties, ont laissé libre le chef kurde
Fe rman qui avait o r g a n i s é cette tuerie
et a r r ê t é des A rmé n i e n s comme auteurs
du crime. C'est ainsi que dans le
sandjak du R i l l i s , les A rmé n i e n s sont
a s s imi l é s au bétail qu'on mè n e à l'abat–
toir et livrés à la merci des é g o r g e u r s .
Trébizonde
;
8
octobre. L e village
de Rostankend (district de Roulanik),
est le t h é â t r e des méfaits du chef kurde
Dj i b r an l i , Saïd Na d o z a d é . C i quelques-
uns de ses crimes :
Gulnaze, fille de Simon, a été enlevée,
violée et ma r i é e à un Kurde,
Ra c h é , fille d'Apro, a été en l evé e ,
violée et d o n n é e ensuite en cadeau à un
Ku r de .
Herbo, femme de Godjo, a été enlevée
il y a trois ans. De r n i è r eme n t Saïd l'a
surprise au moment où elle cherchait
à s ' é c h a p p e r et à regagner la maison
maritale. Il l'a t u é e . Pu i s , pour achever
sa vengeance, i l a enlevé la fille de
Godjo et l'a d o n n é e à un Ku r de .
Sa ï d a enlevé Ma r i am, fille de Nazar,
Celle-ci parvint à s'enfuir et trouva
asile à l ' é v ê c h é de Mo u s c h . Sa ï d a donc
t ué d'abord Nazar, puis Guendjo, chef
du v i l l age ; i l me n a ç a i t de continuer la
tuerie, si la propre mè r e de Ma r i am
n'avait remis la jeune fille entre ses
mains.
Ap r è s deux jours de s i ège i l a pris,
dans la maison paternelle, He r ko , fille
de Mou r ad et l'a emme n é e .
Le s chefs Hassananli, Su l é ïma n et
R i z a , tous deux officiers des r é g ime n t s
h ami d i é s de Malazgherd, ont a t t a q u é ,
en plein jour, le village
a rmé n i e n
d'Erizac ; Ils ont t u é le notable a rmé –
nien Guigo Mardirossian, son domes–
tique et un autre notable, b l e s s é
Kha t s cho , emp o r t é deux cents t ê t e s de
bétail et tout ce qui leur est t omb é sous
la main. L ' a n dernier, ils avaient
enlevé, au même village, 180 t ê t e s de
bétail.
Su l é ïma n et Riza ont assailli aussi le
village d ' Ar gon et y ont enlevé 90 t ê t e s
de gros bétail ; puis ils ont d ema n d é
aux habitants une r a n ç o n d'une livre
turque (22 fr. 75) par tête de bétail. L a
somme r e ç u e , ils ont g a r d é l'argent et
les b ê t e s . Le s villageois s ' é t an t plaints
au k a ï m a k a m de Roulanik, les deux
bandits se sont mis à piller et ont en–
levé 55 autres t ê t e s de gros bé t a i l , soit
au total avec leurs prises a n t é r i e u r e s ,
30
bulles, 50 bœu f s et 65 vaches.
L e kurde F l i t , de la tribu des Khe t s -
chourli, pour le simple plaisir de tuer
et de voler, a tué deux A rmé n i e n s et
b l e s s é Mélik Goyan , du village de Per-
tak.
Le s h ami d i é s kurdes ont mis à sac
les villages de Tch i r ho r et de Khme l -
chour. Ils ont a t t a q u é la caravane a l –
lant d'Erzeroum à Mou s h , s é p a r é les
A rmé n i e n s des autres voyageurs, les
ont tous e n t i è r eme n t d é pou i l l é s , en ont
b l e s s é un et t u é un autre.
L e chef kurde Chegodoum, de la
tribu des Ra l a k l i , a en l evé i l y a un
mois la plus grande partie du bétail du
village de Taghavank (Sassoun). Le s
victimes se sont plaintes aux a u t o r i t é s
qui ont a u s s i t ô t informé Chegodoum
de leurs griefs : celui-ci est alors re–
venu à Taghavank, a emme n é le reste
du bétail et tué plusieurs A rmé n i e n s .
Puis i l est allé au village de Lo r den t -
zor et a b r û l é toutes les provisions
d'hiver.
Enfin les A rmé n i e n s des districts de
Kh o u y t et de Prnachen ont a b a n d o n n é
leurs habitations ne pouvant plus souf–
frir les vexations des kurdes qui ont
enlevé et violé plusieurs jeunes filles et
les ont converties à l'islanisme.
E t l'auteur du rapport ajoute Iriste-
ment :
«
L a conscience et la d i gn i t é ne sont
deux bonnes choses que sur le papier ;
mais dans la pratique on ne les ren–
contre g u è r e . O Europe, abandonnez
votre indifférence. Souvenez-vous de
la parole d o n n é e à Rerlin en 1878. Ve –
nez au secours de ces pauvres c r é a –
tures qui ont droit, eltes aussi, à la l u –
mi è r e , comme le reste des hommes.
Etablissez aussi en Turquie le droit
des gens. »
Depuis plusieurs mois, des agents
consulaires, un français, un russe et
un anglais) ont été e n v o y é s à Mo u s h .
Le s faits me n t i o n n é s dans ces rapports
ont donc été n é c e s s a i r eme n t connus
d'eux et p o r t é s par eux à la connais–
sance de leurs gouvernements. Il n'est
pas vraisemblable qu'ils y aient a s s i s t é
en t émo i n s impassibles.
L ' ambas sadeur de France, avant de
quitter Constantinople, s'est entremis
à plusieurs reprises pour terminer l'af–
faire des quais et arranger définitive–
ment le paiement des c r é a n c e s Tu b i n i -
Lo r a ndo : on aime à penser qu'il avait
r e ç u mission d'entretenir les ministres
turcs et S. M . Ab d - u l - Ham i d d'autre
chose que de questions financières et
d ' i n t é r ê t s p r i v é s . Ce n'est pas par fan–
taisie que M . De l c a s s é a e nvoy é un
vice-consul à Mo u s h , et dans les con–
versations entre M . Constans et les
gens du Palais, i l y a eu sans doute
quelques é c h o s des rapports consu–
laires.
Pierre
Q U I L T . A R D .
L I R E :
ARMENIAN POEMS
PAR
Al i ce Stone Itlackwell
(
Robert Brothers-Boslon.)
Fonds A.R.A.M