e u r o p é e n . Cette intervention de l'Europe,
rton seulement ne fût pas utile aux A rmé –
niens, mais encore leur t'ùt préjudiciable,
c'est une opinion admise aujourd'hui.
La manière dont l'Europe régla les ques–
tions ne lût pas non plus avantageuse pour
les Slaves d'Europe et pour les peuples des
Balkans. Elle a, comme l'histoire l'a mon lié,
a p p o r t é à leur d é v e l o p p eme n t beaucoup plus
d'entraves que né* l'eût l'ait le traité de San
Stefano. Le Congrès de Berlin a réglé l a
question Bulgare de la ma n i è r e la plus r i d i –
cule du monde, line partie de l a Bulgarie
obtenait une certaine autonomie nationale
sous le protectorat de la Turquie, une autre
devenait province turque quasi autonome,
des districts entiers devaient renoncer à
toute liberté d'administration. Ces popula–
tions, divisées politiquement, habitent g é o -
graphiquement, côte à côte. Il est donc tout
à fait naturel que ces populations de même
race cherchent toujours à se réunir politique–
ment.
Le concert européen a mo n t r é son incapa–
cité politique en ne donnant aux ques–
tions en suspens que des demi-solutions, ce
qui est très souvent plus mauvais qu'une
complète abstention; aussi avons-nous vu
des troubles éclater dans les Balkans, peu de
temps a p r è s . Encore aujourd'hui règne cet
état d'incertitude : le calme ne peut re–
venir dans les Balkans. Le traité de Berlin
n'a même pas servi les intérêts de la Turquie.
De la nécessité où elle s'est trouvée d'entre–
tenir partout des soldats sont résultées des
charges é n o r me s qui écrasent financière–
ment ce pays déjà presque totalement ruiné.
Rien n'est résolu, personne n'est content, de
nouveaux foyers d'incendie sont p r é p a r é s ,
voilà le merveilleux résultat du Congres de
Berlin. En ce qui concerne s p ê e i a l eme nHe s
Armé n i e n s , le traité en les plaçant sous la
protection de tontes les puissances a d o n n é
lieu de vérifier encore ce proverbe : « Trop
de cuisiniers g â t e n t la sauce ». Ils devaient
payer cher le chef-d'œuvre diplomatique de
1878 :
grâce à l u i , ils courent le risque d'être
e n t i è r eme n t ma s s a c r é s .
Nous allons maintenant nous occuper de
la situation des A rmé n i e n s turcs.
Les Armé n i e n s sont relativement dissé–
minés dans toute la Turquie ; mais le plus
grand nombre habite dans la région qui,
autrefois, formait la vieille Armé n i e .
De l'Arménie d'autrefois une partie appar–
tient aujourd'hui à la Russie, une autre à la
Perse, et la plus grande à la Turquie. Quel est
le chiffre de la population a r mé n i e n n e en
Turquie : c'est une question très discutée. Il
serait, d'après la statistique turque officielle,
de 7 à 800,000 en Asie Mineure, mais cette
statistique est basée sur des signes très
antérieurs, le plus souvent sur le nombre des
maisons en prenant le chiffre moyen d'habi–
tants qui correspond aux conditions de la
vie turque.
Il faut tenir compte qu'une grande partie
du peuple a rmé n i e n vit encore dans des
conditions très primitives qui rappellent les
institutions genliles, et que trois ou quatre
g é n é r a t i o n s d'une famille habitent sous le
même toit, la vérité est alors que la moyenne
des habitants par maison n'est pas de sept
ou huit personnes comme chez les Turcs
d'Europe mais bien double et triple (1).
D'après les calculs sérieux de. personnes
autorisées il y a lieu de croire qu'il y avait en
Armé n i e turque, avant les massacres, plus de
deux millions d'Arméniens. Voyons comment
vivent ces gens? Dans les villes, dont quel–
ques-unes ont j u s q u ' à (10,000 habitants, les
conditions d'existence sont celles des villes
e u r o p é e n n e s d'il y a un siècle avec certaines
particularités qui sont le résultat des diffé–
rences climatériques
La grande masse de la population vit dans
les campagnes suivant des modes assez p r i –
mitifs ; plus des 80 0/0 du peuple arménien
sont des petits paysans ou des artisans.
On peut donc réfuter les l é g e n d e s r é p a n –
dues sur l a situation sociale et les moyens
d'existence du peuple arménien ; ils sont
dit-on seulement de gros c omme r ç a n t s , des
ouvriers et quoi encore, Dieu seul le sait.
Il est exact que parmi les A rmé n i e n s
n'habitant pas l'Arménie, mais d'autres
parties de l a Turquie, on trouve un grand
nombre de c omme r ç a n t s , quelquefois même
des c omme r ç a n t s très roublards comme i l
en est chez les Grecs e l dans d'autres
nations.
Semblable fait se p r é s e n t e presque chez
toutes les nations d'une grande
vivacité
d'esprit et qui, politiquement, dans un état,
sont des citoyens d'une deuxième classe.
Nous en avons un exemple classique chez
une secte religieuse qui, à son origine, avait
un sentiment é t h i q u e et, presque socialiste;
chez les Quakers, en Angleterre. Les Quakers
ne p r ê t a i e n t pas serment et, pour cette rai–
son, ne pouvaient exercer aucune fonction
d'Etat en Angleterre: aussi leurs principes
leur interdisaient-ils d'en accepter.
Leur religion très sévère leur défendait
d'être soldat, i l s ne pouvaient étudier dans
les Universités anglaises où jusqu'au milieu
du xive siècle on admettait seulement, ceux
qui appartenaient à la religion d ' É t a t ; hors
d'elle on ne pouvait p r é t e n d r e ni aux profes–
sions, ni aux fonctions d'Etat, ni à l'Etat m i –
litaire.
Que leur restait-il? Ceux qui avaient l'es–
prit vifet développé d e v e n a i e n t c u i nme r ç a n t s
et souvent meilleurs c omme r ç a n t s que le reste
du peuple. (Test ainsi que les Quakers qui à
l'origine étaient une secte prolétaire, forment
aujourd'hui une société très riche-
Pareil fait a été fréquent en Orient. Des
éléments de peuple à l'esprit très actif mais
soumis à l'oppression, devaient agir de quel–
que manière, naturellement le commerce
tomba entre leurs mains.
Mais, comme la plus simple réflexion doit
le faire pensera toute personne de bon sens,
c omme r ç a n t s , banquiers, etc., ne sont qu'une
classe supérieure très petite parmi les Armé –
niens. La grande masse du peuple est com–
p o s é e de paysans et ce sont eux qui, en A r –
ménie turque, sont le plus durement oppri–
més; ils sont poursuivis, exploités d'une
(1)
L e s fonctionnaires turcs donnent intentionnelle–
ment de la population arménienne, un chiffre plus faible
pour envoyer moins d'impôts à Constantinople.
manière odieuse et c'est à eux que nous
devons enfin venir en aide.
Je le répète, les statuts publiés par la Tu r –
quie sous la pression de l'intervention de l'Eu–
rope, devaient donner aux A rmé n i e n s turcs
des droits égaux à ceux des autres citoyens,
mais les autres fonctionnaires turcs se sont
emp l o y é s à entraver la mise en vigueur de
ces prescriptions, ou les ont exécutées direc–
tement en sens contraire ; d'après les lois
constitutionnelles, les A rmé n i e n s doivent
être sur le pied d'égalité avec les Mahomé–
tans, en réalité, ils ne le sont pas.
Ils sont tout d'abord écrasés par le système
d'impôt de, la Turquie qui pèse sur eux d'un
poids (pie
ion peut à peine s'imaginer.
Laissez-
moi vous donner un aperçu des imp ô t s que
doit payer l e paysan a rmé n i e n en Arménie
turque.
Il y a deux sortes d'impôts : les impôts
lé–
gaux
et les imp ô t s
arbitraires.
Ne croyez pas
que les i mp ô t s légaux aient des limites dé–
terminées, i l s sont extensibles à volonté,
élastiques dans la plus mauvaise acception
du mot.
Le paysan a rmé n i e n , non ma h omé t a n , est
soumis en premier lieu au
Badaliah,
sorte de
capitation due par les infidèles parce
qu'ils ne sont pas militaires.
Un tel impôt peut paraître juste, bien que
l'exemption du service militaire implique
une diminution politique et range dans une
classe inférieure ceux qui sont l'objet de
cette mesure. Le Badaliah est établi de telle
sorte qu'il doit être acquitté déjà pour les
n o u v e a u - n é s . Comme autre compensation
de leur service militaire, les paysans sont en
outre très souvent emp l o y é s à des travaux
de route et à des
corvées;
et encore ils sont
de plus redevables d'un i mp ô t personnel.
Un deuxième est,
l'impôt de famille,
appelé
Salian,
établi suivant les villes el les villages;
la répartition en est faite par les Conseils de
ces villes ou villages a rmé n i e n s . On fait en
sorte (pie les familles riches payent pour
les pauvres; on crée ainsi entre tous une
très forte, solidarité. Quand l'impôt, dont la
quotité est, d é t e rmi n é e par les besoins de
l'Etat et des fonctionnaires dépasse certaines
limites, le d é v e l o p p eme n t de tout le village
s'arrête.
Viennent ensuite
l'impôt sur tes iiàtimenls
et
l'impôt foncier — Arasia.
Ce dernier
basé, non pas sur la valeur des fonds, mais
sur la superficie, [mis
l'impôt sur le bétail,
établi de telle ma n i è r e que par exemple
pour la brebis cpù a i
valeur relativement
petite on doit, paye]
1
annuellement 5 pias–
tres, c'est-à-dire environ
1
fr. 25.
(
A suivre.)
LIRE :
1
> 11 ; I N F O R M A T I O N
Editeur et Rédacteur :
Josef
G R A F
Vienne, Piaristengasse, 26
Le Secrétaire-Gérant :
J E A N L O N G U E T .
L'Emancipatrke
(
Imprimerie), r. de P o n d i c h é r y , 3, Paris.
Ed. G A U T H I E R , administ.-délégué.
Travail exécuté en -ornuiar.tite par des ouvriers syndiques
Fonds A.R.A.M