cinquante-quatre Ibis dans l'année, porta
plainte au Ka ïma k am de Petchevo. Ap r è s
enquête, le Ka ïma k am déclara que Lazo
était le plus terrible des
comitas
(
révolu–
tionnaires) et l'obligea à vendre à v i l prix
le reste de ses troupeaux et à l u i verser
une somme de
2,000
francs en signe de
son respect pour les autorités turques.
E n septembre, incendie de Galitchnik
et de Donechgoubitza dont i l reste trois
maisons sur cinquante. Arrestations et
tortures à Kitchevo.
L a liste lamentable n'est pas close.
Hamid fera de la Macédoine une seconde
Armé n i e .
FONCTIONNAIRES EN FUITE.
—
Na ï m Gar–
gour, fonctionnaire à l a douane de Smyrne,
A l i - F a b r i , ex-comptable de la marine,
Emin-effendi, publiciste, Ha l i l , troisième
drogman à l'ambassade de Rome, Edliem
Rouhi, é t ud i an t en médecine, Ki ami l -
etlèndi, ex-consul à Genève, s'étant enfuis
en Europe et n'ayant pas fait leur sou–
mission dans les délais voulus, seront
jugés comme perturbateurs par le tribunal
criminel, sauf Emin-effendi, qui sera jugé
d'après le code militaire.
Fuad-bey, qui avait été chargé d'une
mission aup r è s des réfugiés s'est contenté
d'envoyer à son auguste maître une dé–
pêche laconique : « Vous êtes des imbé–
ciles. » I l garde l'argent.
Une grande discussion s'est élevée en–
tre un correspondant du
Matin
et M . René
Baudouy au sujet de la disparition de deux
jeunes turcs Ahmed-bey et Humi-bey qu i
auraient été supprimés pour être rentrés
à Constantinople en ajoutant foi à la pa–
role de Hamid. M . René Baudouy nie le
fait maintenu comme vrai par son contra–
dicteur : son témoignage ne peut guère
être plus impartial que celui, par exemple,
de M . Ma r i non i , directeur du
Petit
Journal,
dans une affaire qui intéresse la
personne sacrée du Sultan. M . René Bau–
douy, propriétaire du journal le
Stam–
boul,
de Constantinople, ne peut décem–
ment médire du souverain dont i l insère
avec complaisance les communiqués offi–
ciels.
L A PESTE.
—
U n batelier du Bosphore
qui était en même temps agent de l a po–
lice secrète est mort de la peste.
L
'
exa–
men bactériologique fait par le docteur
Nicolle ne laisse aucun doute à cet égard.
Mais i l ne plaît pas à Abd-ul-Hamid que
la peste existe à Constantinople : i l a
rendu un iradé décrétant que le kaïdji est
mort de la fièvre typhoïde..
C'est selon ce
système d'interprétation de la vérité que
tous les massacres sont, par ordre impé–
rial, déclarés « troubles suscités par des
brigands a rmén i en s . »
LES AMBASSADES.
—
Jusqu'ici la police
hamidienne avait à peu près respecté le
domicile des ambassadeurs. A u commen–
cement du mois, elle s'est permis de venir
réclamer chez le marquis Carlotti, secré–
taire de l'ambassade d'Italie, le domesti–
que a rmén i en de ce dernier. •— Le mar–
quis Carlotti consentit à laisser son
domestique se rendre au poste de Galata-
Sévaï, à condition qu'on le l u i renverrait
dans une heure. L'heure dura huit jours.
L a police affirma d'abord que l'Arménien
avait disparu. Mais l'ambassadeur d'Ita–
lie menaça de mesures graves si on ne le
retrouvait pas; et aussitôt le domestique
fut restitué à son ma î t r e .
De ce menu fait comme de beaucoup
d'autres, i l ressort que les ambassades
peuvent beaucoup quand elles veulent.
Pourquoi ne veulent-elles pas plus sou–
vent et dans des circonstances plus sé–
rieuses?
PRISONS TURQUES.
—
Nous dirons quel–
que jour plus amplement quel est le ré–
gime des prisons turques : qu'on veuille
bien se souvenir que dans un état nomi–
natif des prisonniers de Saint-Jean-d'Acre
un astérisque se trouve à côté de certains
noms ; i l indique, d'après une note du
Livre Bleu,
ceux des prisonniers qui sont
morts de faim ou de manque d'abri, étant
exposés demi-nus en plein air.
Aujourd'hui un témoignage nous vient
de Constantinople sur 1' « état normal »
des prisons :
Chéfik-bey, dans sa chasse folle aux Armé–
niens, lit arrêter, le
10
septembre dernier, un
pauvre diable du vilayet de Bitlis, simple
portier dans une maison de Pisa, le nommé
S... On l'accusait d'être sous les ordres des
«
révolutionnaires arrêtés ».
Pendant deux mois, on le tirait chaque
nuit de son cachot pour lui donner la bas–
tonnade. S... ne pouvait avouer ce qu'il igno–
rait.
Le
16
novembre, Cliéfik-beyle fît jeter dans
un trou sans fenêtre, où if ne pouvait se
bouger, et où pendant trois jours on le laissa
croupir dans ses déjections sans aucune
nourriture.
Après ces trois jours, i l fut conduit devant
le Ministre de la Police avec une escorte de
douze policiers : « Ghiaour, cria Chélik, dis
la vérité ! As-tu donné les pistolets à M...? »
(
C'était un Arménien de Sivas arrêté égale–
ment sans motif.) — « Non », répondit S...
Là-dessus trois policiers se ruent sur lui;
l'un tire la moustache droite, l'autre la mous–
tache gauche ; le troisième empoigne la che–
velure de ce malheureux : « Avoue, chien ! »
hurlait Chéfik. S... ne sachant rien, n'avoua
rien.
Il est toujours en prison.
Et cela se passe au Grand Zaptié de
Stamboul, au su de tous les ambassadeurs
européens. On peut imaginer par là le
régime que subissent les prisonniers des
provinces.
P . Q .
U N FIRMAN DU CHAH DE PERSE
: (
Extrait
du
Mschak
de Tiflis) :
«
Depuis le jour où nous avons obtenu
le glorieux trône des Rois des Rois d'Iran,
nous nous sommes fait un devoir de r é –
pandre les rayons de Notre Grâce dans
toute l a population de notre royaume,
sans distinction de race n i de religion, et
de protéger tous par tous les moyens pos–
sibles ; nous espérons obtenir avec l'aide
de Di eu plus de succès dans la voie que
notre devoir sacré nous a tracée. Dans un
but, qu i correspond entièrement aux vœux
les plus intimes de notre cœur,
la popula–
tion arménienne
de notre empire qui s'est
réfugiée chez nous depuis les temps anciens
et qui a donné les preuves de sa loyauté,
cherche actuellement à multiplier ses écoles
à Téhéran, à Tauris, à établir sur divers
points de la Perse des écoles centrales, des
académies et à ce sujet elle sollicite notre
approbation. Cette intention des Armé–
niens étant conforme à nos vœux les plus
sincères et considérant qu'elle pourrait
favoriser le progrès général de nos sujets
en encourageant l'instruction, l'agricul–
ture, et l'art industriel et commercial,
«
Nous accordons par le p r é s en t F i rma n
royal aux Armén i en s le droit d'ouvrir des
écoles sous notre protection toute parti–
culière. Nous ordonnons à tous nos fonc–
tionnaires de prêter leurs concours à cette
œuv r e sacrée. »
D O C U M E N T S
Rappo r t sur le massacre d'Or fa
2 8
et 2 9 octobre, 2 8 et 2 9 d é –
cembre 1 8 9 5
(
Fin)
Le massacre fut exclusivement dirigé contre
les Arméniens; on ne fit aucune différence
entre grégoriens, protestants et catholiques
romains. L'église catholique-romaine fut
complètement pillée. De
3
oo
familles jaco-
bites,
40
personnes seulement furent tuées;
en outre, un grec-catholique. Deux ou trois
Chaldéens furent blessés. La sanglante be–
sogne a été faite à fond. On peut s'en con–
vaincre par le fait que cent vingt-six familles
arméniennes ont été complètement anéanties:
i l n'en est resté ni une femme ni un enfant.
Il est difficile de fixer le nombre des victimes;
les registres officiels turcs indiquant la popu–
lation arménienne avant et après les massa–
cres ne méritent aucune confiance. Un grand
nombre d'Arméniens ne s'étaient pas fait
inscrire, pour échapper à l'impôt. Quelques
évaluations du nombre des morts, de sources
turques mais non officielles, dépassent de
beaucoup celles de sources arméniennes et
sont évidemment exagérées. D'après des re–
cherches laborieuses et très précises, je crois
que le
28
et le
29
décembre environ
8,000
Ar–
méniens ont perdu la vie ; dans ce nombre
rentrent les
2,5
oo
ou
3
,
ooo tués ou brûlés dans
Fonds A.R.A.M