la maison, d'autres se tiennent à la porte,
et d'autres enfin, au nombre de trois ou
de quatre, au coin des rues, commencent
à épier avec leur chef toute la maison. I l
est vrai qu'il ne s'agit de rien, mais n'est-
i l pas vrai, que toute l a famille se trouve
sous l'impression d'une grande terreur.
Pour conduire le condamné de l a pri–
son au tribunal, plus de dix soldats l'en–
vironnent, les fusils tournés vers le cou–
pable, qui a les pieds, le cou et les mains
passés à de lourdes et grosses chaînes,
étant trahi par le consul d'Amérique
comme révolutionnaire.
A propos du jubilé de Hamid, i c i le
peuple a rmén i en attendait, à chaque mo–
ment, l a j ou r né e de massacre du
20
oc–
tobre i8g5, car l a foule turque faisait de
grands préparatifs et disait librement que
îe Sultan leur avait promis de faire mas–
sacrer les Armé n i e n s à l'occasion d'un
anniversaire : or, i l n'y a pas de jour
préférable à celui-ci. Néanmoins, i l s ont
abandonné ce projet, on ne sait pour–
quoi ; i l s se sont contentés de faire quel–
ques grands troubles pour le moment.
A l'occasion du jubilé de Hamid, on a
construit une fontaine dédiée à son nom,
dans un local appelé Fokayassi, en dehors
de la ville. Les pierres de tombes de nos
bien-aimés servirent pour sa construc–
tion.
On peut lire distinctement sur ces
pierres des noms a rmén i en s à côté des
eroix dessinées ; quel Armé n i e n oserait-il
en parler.
Pour bâtir l a susdite fontaine, le gou–
vernement après avoir fait payer à chaque
Armé n i e n
10
piastres, a fait travailler en
même temps gratuitement, tous les ou–
vriers arméniens, le dimanche.
I l est impossible de décrire l'état des
paysans a rmén i en s ; les Turcs ne quittent
pas les campagnes a rmén i enne s où i l s se
livrent nuit et jour au pillage et aux
atrocités.
Ces jours-ci, les deux tribus, appelées
Seldin Bey et Térikan, se trouvent en
désaccord ; aussi les campagnes armé–
niennes qui se trouvent entre ces deux
tribus sont-elles sujettes à la terreur, au
pillage' et aux massacres. I l me faudra
remplir des feuilles pour décrire l'état i n –
supportable du peuple a rmé n i e n de Diar-
békir ; je dirai seulement que s'il devient
possible de prendre des passeports toute
la communauté désire émigrer ; le peuple
désespéré ne sait à qui s'adresser... — Di eu
n'écoute pas, — à qui protester ; le cœur de
nos frères chrétiens n'est pas ému non
plus pour venir en aide à leurs frères ar–
méniens qui, pour avoir désiré d'é–
chapper aux griffes de la bête qui boit du
sang, nagent dans le lac de sang depuis
cinq ans.
L a leltre de Diarbékir, publiée dans
le numé r o 3 de
Pro Armenia,
faisait
allusion à l'arrestation de Badross
Hassanfékian. I l est peu honorable
que le consul d'Amérique ait j oué le
rôle de délateur, alors qu'il aurait dû ,
au contraire, protéger un malheureux
qui avait cherché asile sur le terri–
toire des Etats-Unis.
LETTRE DE TCHERDEK
Tcherdek (Chabin-Kara-Hissan).
J'avais fait semer de l'orge dans mon
champ d'où j ' a i pu avoir un kilé d'orge ;
on me l'a pris par force en échange de
l'impôt militaire. Nous sommes restés
affamés et nus de tête et de pieds. On nous
vexe beaucoup pour les impô t s ; on exige
de nous des impôts militaires de quatre
ans. J'avais moulu un peu d'orge, on est
venu me le prendre ; donnez-nous l a dîme
et on vous le rendra, me dit-on. Les agents
de police viennent tous les jours nous r é –
clamer de l'argent.
NOUVELLES D'ORIENT
E N MACÉDOINE.
L a rédaction de
VEf–
fort
veut bien nous communiquer les seuls
renseignements précis qui soient parvenus
en Europe sur les événements d'Ichtip.
Le
3
i
décembre, les autorités locales
informées de l a présence de « personnes
suspectes » dans une maison du quartier
Novo-Seilo (Yénikeuï) ont cerné ce quar–
tier. U n capitaine de gendarmerie fut tué
raide au moment de franchir le seuil de la
maison. Puis une vive fusillade s'engagea
entre l a force a rmé e et les personnes sus–
pectes. A u bout de peu de temps l a maison
cernée et deux autres maisons attenantes
furent brûlées. Perte du côté turc : cinq
morts dont un officier, sept blessés. Les
personnes suspectes disparurent comme
par enchantement ; jusqu'ici elles n'ont
pas été arrêtées.
A la première nouvelle de cet événe–
ment, Réchad-bey, gouverneur du vilayet
de Kossovo, accourut accompagné d'une
forte escorte. E n même temps deux com–
pagnies d'infanterie arrivaient d'Uskub,
deux compagnies de cavalerie de Ke n -
prulu et un régiment d'infanterie de
Stroumnitza, ainsi qu'une cinquantaine
de brigands albanais, affublés de tuniques
de gendarmes.
Résultat immédiat, l'arrestation de vingt
Macédoniens dont une femme, bien que
les « personnes suspectes » fussent incon–
nues à Ichtip. On sait quel est le régime
des prisons turques : chaque nuit les
malheureux sont soumis à une bastonnade
en règle : nu l recours contre les fonction–
naires d'Hamid. Les r ep r é s en t an t s des
puissances étrangères se gardent bien
d'intervenir.
L a situation est également atroce dans
les autres parties de l a Macédoine. A u
commencement de décembre les autorités
de Koumanovo ont pe r qu i s i t i onné dans
les villages suivants : Pavlechenzi, Ar b a -
nachko.Baïlotzi, Ptchiné, Orach, Ka r p i no .
On a saisi trois fusils de fabrication lo–
cale, crime grave. D'où envoi de gendar–
merie ; dévastation des villages, baston–
nades, arrestation de quarante personnes
incarcérées à Koumanovo. Là les détenus
sont, par ordre du Ka ïma k am, rossés à
coups de gourdin ; on veut leur faire
révéler de p r é t endu s dépôts d'armes.
Vo i c i en outre, d ' ap r è s le dernier nu–
méro de
YEffort,
le résumé des derniers
méfaits hamidions en Macédoine.
U n tchaouch turc assassina, à la l i n
d'octobre, l'instituteur Natcho du village
de Mezek. Izzet bey, k a ïma k am de Mous-
tapha pacha, en profita pour faire a r r ê t e r
vingt habitants de Mezek : les plus riches
sont encore en prison ; on ne les relâchera
que contre une forte r a n ç on .
Le gouvernement a t r ouvé un excellent
auxiliaire dans l a personne du brigand
Khazyr-Katchak. Les exploits de la bande
sont les suivants :
E n juillet, assassinat du maire de Dolno-
Jalovtzé.
Peu après, invasion du village de Douf ;
les villageois tentent vainement de se
libérer moyennant
25
livres turques :
Khazyr-Katchak en veut
60.
I l fixe alors
un « impôt » de
5
livres turques par per–
sonne revenant de l'étranger. I l arrête
ainsi Stoyan Andréef, qui revenait après
sept ans d'absence, et l u i prend
20
livres
turques épargnées par le malheureux ;
puis i l l'emmène à Vlahinitza et fait savoir
à l a mère de Stoyan que son fils sera dé–
capité si elle ne verse encore
23
livres
avant trois jours. L a vieille femme vendit
tout, mais arriva quelques minutes trop
tard. Khazyr-Katchak lui rendit le cadavre
contre la r a n ç on qu'elle apportait pour le
vivant.
E n août, incendie des foins à Nikipho-
rovo. Le
21
septembre, incendie de trois
maisons et de trois fenils à Dolno-Ja-
lovtzé.
Le 4 octobre, extorsion d'une forte
somme au négociant Guertchinoff, de,
Douf, avec la complicité du sous-préfet.
En l èvemen t du fils de Lazo, qui fut délivré
contre la remise d'une somme de
5,000
fr.
aux fonctionnairesi de Tetovo, affiliés à la
bande de Khazyr-Katchak.
Ailleurs opèrent Ismaïl-Tchaouch et
Balé-Katchak, avec l a bienveillante pro–
tection des autorités. Le -nommé Lazo de
Malesch, ayant eu ses troupeaux razziés
Fonds A.R.A.M