Celle-ci ayant résisté, un soldat l u i coupa la
gorge, a p r è s quoi les assassins q u i t t è r e n t
tranquillement la maison. Des voisins les
avaient vus à l'œuvre et une plainte fut
déposée contre eux. Mais notre sous-préfet,
au lieu de poursuivre les coupables, fit
arrêter les t émo i n s de la terrible scène,
Va n é Kangaloff et son frère, qu'il accusa
d'être les assassins.
Sur les protestations é n e r g i q u e s des deux
frères, notre sous-préfet tira le sabre, mit en
pièces l'aîné, Vané Kangoloff et coupa le
bras de son frère. De nombreux t émo i n s
assistaient au massacre. Une plainte fut d é –
posée entre les mains du gouverneur de
Cossovo par la malheureuse mè r e de l'assas–
siné, mais notre sous-préfet n'est pas sus–
pendu de ses fonctions.
Les funérailles ont été célébrées aujour–
d'hui. Tous les chrétiens de notre village y
assistaient. C'était une protestation impo–
sante.
Vodena.
U n combat fut livré le 21 août,
près du village
Tchégan,
entre une bande
révolutionnaire et les soldats turcs. Le com–
bat dura plusieures heures. L a bande put
s'échapper a p r è s avoir infligé des pertes
assez importantes aux Turcs : une vingtaine
de soldats furent tués et d'autres blessés.
La bande n'eut qu'un révolutionnaire de tué
et un autre de pris. Plusieurs corps de pour–
suite furent expédiés à sa recherche.
L a répression est affreuse dans l'arron–
dissement de Vodena. De nombreux d é t a –
chements de soldats sont disséminés dans
les campagnes, et les horreurs qu'ils y
commettent d é p a s s e n t toute imagination.
Les viols de femmes sont quotidiens. Les
pillages et les assassinats ne sont pas moins
fréquents. De nombreux corps de poursuite
visitent d'autre part les villages et o p è r e n t
des arrestations. Plus de 100 villageois ont
été déjà a r r ê t é s .
Stroumiiza.
Une dizaine de villageois
de
Bérovo,
qu i faisaient la moisson dans les
champs de Stroumitza, rentraient, i l y a
quelques jours, à leur village natal. Parmi
eux se trouvait une belle jeune fdle, Aneta
Yvanova. Le groupe, arrivé p r è s du pont
Piperovsky, fut a t t a q u é par quelques soldats
qui, braquant leurs armes sur les chrétiens,
enlevèrent la jeune fille et la violèrent d'une
ma n i è r e si cruelle que Aneta Yvanova est
en danger de mort.
Un corps de poursuite est entré, i l y a
une semaine, dans le village
Roussinovo,
où,
après avoir visité plusieurs maisons et b â -
tonné les villageois, i l a r r ê t a le kodjabachi,
son adjoint, deux conseillers et les deux
prêtres, qu'il envoya e n c h a î n é s à Pekhtchevo,
sous l'inculpation de crime politique. A
Pekhtchevo, les arrêtés furent atrocement
torturés. Dix-huit autres villageois sont re–
cherchés par la police. Mais ceux-ci, sachant
ce qui les attend s'ils tombent entre les
mains des autorités turques, ont préféré
s'armer et se réfugier dans les montagnes.
Deux soldais et deux gardes c h amp ê t r e s
a t t a q u è r e n t , près du village
Alchkalan,
quelques villageois qui rentraient du ma r c h é
de Stroumitza. les dévalisèrent et les d é –
pouillèrent de leurs v ê t eme n t s .
Le p r ê t r e Anto, du village
Vodotcha,
vient d'être arrêté. Il est accusé d'avoir servi
de guide et de receleur à des révolution–
naires. Pour ceux qu i le connaissent, i l n'y
a aucun doute que le pauvre p r ê t r e est abso–
lument innocent. Son arrestation ne d i m i –
nuera pas le nombre des rebelles.
Mekhomia. —
Quatre Turcs é t a n t allés dans
la forêt du village
Dobrinichta
furent c a p t u r é s
par une bande turque organisée à cet effet
par leurs ennemis personnels. Le gouver–
nement profita de cette occasion pour atta–
quer le village chrétien Dobrinichta et attri–
bua la capture des Turcs aux habitants de
ce village. Le sous-préfet de notre arron–
dissement, Takhsin effendi, a c c omp a g n é des
deux commissaires de police les plus san–
guinaires, Ejub et Abeddin, et de 400 soldats
et gendarmes, se rendit alors au village
Dobrinichta le cerna et donna le signal
de la persécution. Les conseillers municipaux,
les p r ê t r e s et tous les notables furent d'abord
ligottés et b â t o n n é s cruellement. Ensuite,
toutes les maisons du village furent visitées
et pillées. Comme le r é s u l t a t des perqui–
sitions fut nul quant aux armes et aux r é v o –
lutionnaires, une trentaine d'arrestations
furent faites ; pa rmi les a r r ê t é s se trouvent
Nicolas Poumpoloff,- Pètre Milocheff, Mi k a i l
Khadjieff, Gheorgi Pryteff, Pètre Dimoff,
Gheorghi Popoff, beaucoup d'autres notables
et les prêtres.
Ils furent tous e n c h a î n é s , fustigés et
écroués dans les prisons de notre ville.
Beaucoup d'autres chrétiens r e c h e r c h é s par
la police ont pu s'échapper et se réfugier
dans les montagnes. Quelques femmes furent
violées par les soldats et les commissaires
de police. Seize villageois furent p a r t a g é s
en quatre groupes et forcés de marcher
devant quatre d é t a c h eme n t s qui furent en–
voyés à la poursuite des fugitifs.
Bansco.
L a répression est terrible dans
notre village. Les autorités de
Mekhomia
s'apprêtaient depuis longtemps à s'attaquer
à notre village. Il ne leur manquait que
l'occasion. Elle se p r é s e n t a à la suite de
l'affaire de
Dobrinichta.
Le sous-préfet de
Mekhomia, Taksin Effendi, cerna alors notre
village avec 600 soldats et gendarmes et y
p é n é t r a . Trois cents maisons furent visitées
sous prétexte qu'on recelait des armes. Le
résultat en é t a n t nul, le sous-préfet lit ligoter
une trentaine de villageois auxquels i l fit
appliquer des tortures, et après avoir opéré
quelques arrestations, quitta notre village,
pour revenir dès que l'occasion se p r é s e n t e r a .
Quelques jeunes gens suspects à la police
ont quitté définitivement le village pour se
constituer en bandes.
V I L A Y E T DE M O N A S T I R .
L'exaspération de
la population chrétienne du vilayet de Mo –
nastir est au comble, à la suite de l a p e r s é –
cution que le gouvernement continue à
exercer avec la plus grande rigueur. Les
comités cherchent par tous les moyens à
contenir les populations de recourir aux
armes, mais é t a n t d o n n é l'état des esprits,
ils y arrivent à peine, et i l est à craindre
que la révolution n'éclate subitement. Les
nouvelles qui nous arrivent de Monastir,
Florina, Kastoria, Perlépé, Kitchevo, Ok h –
rida, confirment trop nos a p p r é h e n s i o n s .
Le gouvernement prévoit ce danger et ne
fait rien pour le conjurer. A u lieu d'intro–
duire des réformes qui pourraient contenter
la population, il sévit contre elle avec Une
injustice cruelle et la pousse à la révolte
pour la massacrer plus tôt. C'est le système
du bourreau de Y l d i z - K i o s k et les fonction–
naires l'appliquent littéralement, le sangui–
naire Va l i de Monastir à leur tête. Des arres–
tations en masses, des assassinats c omma n d é s
par le gouvernement, des pillages, des per–
quisitions, des viols, voilà ce que nous
apprennent nos correspondants. C'est affreux,
mais c'est vrai. Laissons-les parler :
Florina.
Le gouvernement fait tout son
possible pour saisir les armes qu i se trouvent
chez les chrétiens. Les nombreuses perqui–
sitions qui furent o p é r é e s n'ayant produit
aucun résultat positif, le gouvernement affi–
cha une ordonnance par laquelle les chrétiens
sont invités à livrer leurs armes dans un
délai de deux semaines. L'effet de cette
ordonnance fut, naturellement nul. Et le
gouvernement se p r é p a r e à exécuter ses
menaces avec la plus grande rigueur. E n
attendant les arrestations se multiplient.
Dimitre Tarpenoff, le notable le plus en
vue dans notre ville, fut arrêté le 14 août et
éepoué dans les prisons de Monastir, sous
prétexte qu'il était en relation avec les révo–
lutionnaires de notre arrondissement, l'un
des d é t e n u s ayant d é n o n c é son fils Ilia.
Celui-ci se trouvant à l'étranger, c'est son
p è r e s e p t u a g é n a i r e qui fut arrêté à sa place,
plut.t pour l u i extirper de l'argent que pour
le condamner.
Cinq chrétiens du village
Ekchi-Sou
et
le ma î t r e d'école
de Zelénitché,
Natzeff, furent
a r r ê t é s i l y a quelques jours et écroués dans
les prisons de notre ville, où on les soumit
à une torture affreuse pour les forcer à faire
des aveux. Ils furent d'abord b â t o n n é s jus–
qu'au sang et a p r è s un petit repos, le supplice
de la presse leur fut appliqué ; les crânes des
suppliciés craquaient sous les fers. Ils furent
ensuite ensevelis jusqu'au cou dans des
horreurs et ils durent rester pendant trois
jours dans cette posture, pour être pendus
à la fin de ce supplice, la tête en bas durant
quelques heures. Lorsque le mé d e c i n fut
appelé pour soigner les suppliciés, ils étaient
à l'agonie : Deux d'entre eux, Natzeff et
Petzé Chaïmtaelf expirèrent i mmé d i a t eme n t ,
les quatre autres furent t r a n s p o r t é s à Mo –
nastir.
Le capitaine de gendarmerie de Florina
entra, i l y a une semaine, à
Zelénitché
pour
a r r ê t e r une trentaine de villageois. Malgré
le grand nombre de gendarmes — i l dépassait
la cinquantaine — i l n'y put arrêter que le
n o mm é Tzilcoff, qui fut horriblement torturé
et emp r i s o n n é à Florina.
Une escarmouche eut lieu i l y a deux
semaines à
Ekchi-Sou
entre les troupes et
quelques villageois. U n capitaine alla dans
le village pour ramasser les armes qui s'y
trouvaient. Les villageois ne voulant s'en
séparer, firent feu sur les soldats. Le combat
dura deux ou trois heures. Une dizaine de
Fonds A.R.A.M