P R O
A R M E N I A
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les chefs des r é g i me n t s h ami d i é s de Boula-
nikh, Manazgerde, Khinouss et Va r t o , qui
ont des instructions secrètes, pour toujours
être prêts, et le premier signal d o n n é , atta–
quer Sassoun. A i n s i , nous sommes dans une
position bien difficile. Le gouvernement local
fait r é p a n d r e le bruit que les soldats se d i r i –
gent vers Merdine, Manazgerde, Diarbékir,
etc., alors que tous les préparatifs se font
peur bloquer Sassoun ; de même le gouver–
nement turc, d'après un ordre supérieur, a
informé les tribus kurdes de Sassoun et de
l'intérieur de la plaine de Moush, de venir et
de s'établir en été avec leurs familles et leurs
bestiaux sur les montagnes de Sassoum et
de Moush. Ap r è s le massacre de 1894, à Sas–
soum, le gouvernement turc, sous l'influence
des puissances e u r o p é e n n e s , avait défendu
aux tribus kurdes devenir et de s'établir dans
les propriétés des Sassouniotes ; car dè s cette
époque, on savait déjà que le mobile prin–
cipal des querelles et des troubles était les
brigandages, les assassinats commis par ces
Kurdes nomades qui, établis en été sur les
montagnes de Sassoun, avec leurs troupeaux
dévastaient c omp l è t eme n t les prairies, les
pâturages et les forêts des Sassouniotes. E t
voilà comment aujourd'hui le gouvernement
turc, lui-même, directement, offre l'occasion
pour la lutte entre A rmé n i e n s et Kurdes, afin
de pouvoir survenir avec une a rmé e consi–
dérable et massacrer les A r mé n i e n s en leur
disant : « Vous autres, vous êtes des pertur–
bateurs, des révoltés conlre le gouverne–
ment, vous ne payez pas l ' imp ô t , vous
n'obéissez pas aux fonctionnaires du gouver–
nement, vous êtes surtout des sujets
infi–
dèles et vous gardez des fédaïs parmi v o u s » .
Voilà, chers camarades, avant que cette
lettre vous parvienne, peut-être y aura-t-il un
nouveau massacre épouvantable à Sassoun.
Je considère mon devoir accompli en vous
déclarant, et par votre i n t e rmé d i a i r e , au
monde civilisé tout entier que Sassoum est
bltfqué et l a situation es me n a ç a n t e . Les
communications sont rompues des quatre
côtés; personne ne peut, par aucun moyen,
communiquer avec les villages a r mé n i e n s de
la plaine de Moush, quelques milliers de cir-
cassiens volontaires mêlés aux Kurdes se
p r é p a r e n t pour surveiller les défilés et les
routes, pour que les Sassouniotes ne puissent
pas se sauver et faire entendre leurs cris et
leurs protestations devant le monde. A u sud-
ouest et au sud-est de Sassoun sont réunies
les tribus kurdes sanguinaires, barbares et
pillardes de Bélik, Sassoun, Khian, Pakran,
Rishkotan, etc., qui attendent journellement
l'ordre supérieur, pour commencer les mas–
sacres partout.
L a situation dans l a plaine de Moush est
aussi peu enviable, le prix du pain a com–
mencé à hausser: i l n'y a aucune sécurité
pour aller d'un village à un autre en plein
jour; tout le monde est tellement saisi
d'épouvante par les persécutions gouverne–
mentales et kurdes qu'on n'ose même pas
respirer librement.
Dans ce désarroi général, on attend l'ar–
rivée dn vali de Bitlis. Ces jours-ci, Vartan
Vartabed, a b b é du couvent de Sourp Gara–
bed, fut soumis à l'interrogatoire pour avoir
r ama s s é des offrandes et du blé de quelques
villages; bien que le gouvernement local s û t
que les cadeaux r ama s s é s étaient pour le
couvent et que Vartan Vartabed n'a pas le
cœur, pendant une telle crise, de penser aux
souffrances du peuple et à la révolution, i l a
agi n é a nmo i n s par ruse, en soumettant Vartan
Vartabed à l'interrogatoire pour que personne
ne p û t bouger de sa place ou de prendre la
plume à la main et décrire le triste état des
choses ; on a emp r i s o n n é 25 à 30 personnes
innocentes; d'autres emprisonnements sont
imminents.
Quel sera notre sort, personne ne le sait ;
tout le monde répète : «Que Dieu nous pré–
serve des plus grands maux ».
L I R E :
L'EUROPÉEN
Courrier International Hebdomadaire
POLITIQUE, DROIT INTERNATIONAL
QUESTIONS
SOCIALES.
LITTÉRATURES, A R T .
Direction : V A N D E R V L U G T
(
Leyde)
C h . S E I G X O B O S
(
Paris)
R é d a c t e u r en chef :
A . - F E R D I N A N D
I I E R O L D .
24,
rue Dauphine, P A R I S (vi")
Articles de M M . Frédéric P A S S Y . Francis de P R E S S E N S É ,
John.-M. ROBERTSON, D>' M . ' K R O N E N B E R G , A . A U L A R D ,
Marcel C O L L I È R E , Xavier de R I C A R D , Raoul A L L I E R ,
A n d r é FONTAINAS, Pierre Q U I L L A R D , Georges EEKIIOUD.
Nouvelles d'Orient
L E
S U L T A N E T L E S P U I S S A N C E S .
A
l'occasion d u v i n g t - s i x i ème anniversaire
de l ' a v è n eme n t au t r ô n e de S. M . I. A b d u l -
H a m i d , les j ou r n a ux t o l é r é s à Con s t an t i –
nople ont c é l é b r é , c omme d'ordinaire, ce
glorieux r è g n e , et prenant p r é t e x t e de la
visite — non officielle — de l ' e x - g é n é r a -
lissime f r a n ç a i s Saussier, de l a venue de
l'amiral P a l umb o et de l'arrivée prochaine
d'un ami r a l russe, les m ê m e s j ou r n a ux ,
avec une v é r a c i t é v r a imen t hami d i enne ,
ont d é c l a r é que leGh a z i était aussi a i mé
et a d m i r é au dehors qu'en Tu r q u i e . Or ,
v o i c i u n a p e r ç u sommaire des conflits o ù
i l est e n g a g é en ce moment.
Av e c l a F r anc e , quatre conflits d'ori–
gine f i n a n c i è r e : 1° à propos de l a S o c i é t é
des quais q u i demande, a p p u y é e par
l'ambassade, à ê t r e remise en possession
de ses droits r é s u l t a n t d u firman d'inves–
titure, v u le non-paiement de l ' i n d emn i t é
de six cent mille francs, convenue l'an
d e r n i e r ; 2° à propos d u n o n paiement de
la d e r n i è r e é c h é a n c e T t t b i n i - Lo r a ndo ;
3
° avec l a S o c i é t é desMines d ' H é r a c l é e
q u i refuse de livrer plus longtemps, au
ministre de l a marine Hassan P a c h a , d u
charbon q u i n'est point p a y é et q u i s'oppo–
sera par l a force à une nouvelle i nv a s i on
de ses e n t r e p ô t s (le ministre avait pris ainsi
1,300
tonnes de charbon); 4° avec M . Ro t i -
vier, pour le refus de garantir le service
de la dette unifiée.
Av e c l ' Au t r i c h e - Ho n g r i e , pour le r è g l e –
ment du différend entre la Comp a gn i e des
Ch emi n s de fers Orientaux et le gouve r –
nement turc : l'ambassadeur demande l a
constitution i mm é d i a t e du t r i bun a l d'arbi–
trage a n n o n c é l'an dernier.
Av e c l a Russie : 1° pour le passage de
quatre torpilleurs non a r m é s dans le Bo s –
phore, sur le d é s i r personnel du tsar ;
bien que cela soit contraire aux t r a i t é s , le
Su l t a n semble avoir c é d é ne voulant rien
refuser à son cou s i n et a m i ; 2° pou r l'af–
faire d u consulat de Mi t r ow i t z a .
Uexequa-
tur
a bien é t é d o n n é à M . Sc h t e r b i n , mais
Issa Boljetinacz q u i a c h a s s é de la ville le
cavas et le domestique de c e l u i - c i venus
en fourriers, ne semble pas d i s p o s é à c é d e r
et pourrait fort bien tuer le c on s u l , d è s
son d é b a r q u e m e n t à l a gare, ainsi q u ' i l l'a
promis. I l est fort possible d'ailleurs
quTssa soit soutenu s e c r è t e m e n t par H a m i d
q u i feint de le b l â m e r .
Av e c les six grandes puissances s i gn a –
taires du r è g l e m e n t de 1861 pour la n om i –
nation du gouverneur du L i b a n : le Su l t a n
a p r é s e n t é au dernier moment des c and i –
dats inacceptables et profite d'ailleurs d u
d é s a c c o r d q u ' i l a su susciter entre les
ambassades. Dè s que celles-ci se mettent
d'accord su r u n n om , le ministre des
affaires é t r a n g è r e s se trouve subitement
e m p ê c h é d'assister aux r é u n i o n s .
Av e c l'Angleterre, l'Italie, l a G r è c e et
b i e n t ô t sans doule avec d'autres puissances,
à propos des p ê c h e r i e s : tout en affectant
de laisser libres les p ê c h e u r s é t r a n g e r s
dans les eaux turques, on leur interdit
l'emploi des engins non i n d i g è n e s et sur–
tout on les veut soumettre au r é g i m e des
t r i bun a ux turcs, ce qu i est en contradiction
formelle avec les Capitulations. Enfin avec
les r e p r é s e n t a n t s de l ' A l l ema g n e , de l ' A u –
triche, de l'Italie et de l'Angleterre au
Conseil sanitaire international —et ceux-ci
seront soutenus par les ambassades — à
propos d'un d é c r e t , a b u s i f sur les qu a r a n –
taines.
E N
M A C É D O I N E .
O n l i t d a n s l e
Mouvement Macédonien :
V I L A Y E T DE S A L ON I QU E .
L a situation de–
vient de plus en plus critique : les combats
entre les bandes révolutionnaires et les
soldats deviennent plus fréquents et l a r é –
pression plus cruelle. Les assassinats et les
pillages commis sur l'ordre du gouvernement
sont devenus un système de persécution
employé sans discrétion. Les arrondisse–
ments de Stroumitza, Kotchani, Razlog,
Bansco, Tikveche, sont des plus éprouvés.
Quelques-unes de nos lettres du vilayet de
Salonique nous donnent des renseignements
très précis sur les derniers faits qui s'y sont
passés. Vo i c i ces lettres :
Ichlip.
Le 28 août, 'quelques soldais
p é n é t r è r e n t de force dans l a maison de l a
femme Kyssa-Kata et voulurent la violer.
Fonds A.R.A.M