l'intelligence du texte, queTr éb i zonde
fut la première ville d'Asie-Mineure
ensanglantée par les massacres : 600
MORTS
au minimum.
L a ville de Baïbourd et la région
voisine furent entièrement dévastées à
la fin d'octobre 1895.
Les Turcs de Yomoura, de Su rmène
et de Gumuchané , assistés par les ba–
taillons réguliers du 4
e
corps d'armée
(
Zekhi-pacha, commandant en chef),
procédèrent avec mé t hode à l'incendie,
au pillage et au meurtre. A Baïbourd
même i l y eut 1,350
MORTS
.
Aux envi–
rons, 165
VILLAGES F I RENT DÉTRUITS.
A Varazan, sur 115
FAMILLES ARMÉ–
NIENNES
(
soit environ 700 personnes)
il y eut 6
SURVIVANTS
.
A Koussounkh
le carnage fut particulièrement hor–
rible :
1
Un grand nombre de femmes
et dé j eune s filles furent violées et sup–
pliciées. Les monstres s'amusaient à
enfoncer leur poignard dans la poitrine
et dans le cou des blessés et de l'y
tourner comme une vrille. Ils en t uè –
rent plusieurs avec des haches, très
lentement, en coupant morceau par
morceau. »
(
Massacres
d'Arménie.
Témoignage des victimes.) A Kisanta,
les femmes se jetèrent dans des puits
pour échapper aux agresseurs, après
avoir vainement donné tous leurs b i –
joux et leur argent au commandant de
gendarmerie, qui avait assuré la vie
sauve à toute la population.
C'est dans cette région que M . Ber-
geron, consul de France, en novem–
bre 1895, rencontra sur les routes « des
troupes errantes de femmes et d'enfants
sans asile, ni nourriture ni vêtements ».
(
Rapport collectif des ambassades. —
Livre Jaune.)
LETTRE DE BATOUM
Ratoum, 16 décembre 1900.
L'une des plus grosses questions pour
la vie des Arméniens, sujets turcs, est « la
non ouverture des chemins ». Ce n'est pas
là une explication nouvelle pour les émi–
grés arméniens, sujets ottomans, ils ne
disent plus que les chemins sont fermés.
Le gouvernement turc prend de telles me–
sures, que même l'oiseau qui sent l'Ar–
ménien n'ose voler dans ses limites, soit
par voie de mer, soit par voie de terre.
Il est certain, que par l'ordre du gou–
vernent, i l y a un an, défense fut faite à
tous les Arméniens, sujets ottomans sans
exception, de retourner chez eux et sur
les ruines de la maison paternelle, de ral–
lumer le foyer éteint; avec ce nouveau
règlement, tous les consuls turcs d'ici
avaient reçu des ordres de ne poser leur
visa sur le passeport d'aucun Armé n i e n
voulant partir pour l a Turquie, et, chose
étonnante! le fonctionnaire turc, qui est
le type des abus observe jusqu'aujourd'hui
avec scrupule ce règlement: de là i l est
facile de conclure qu'il y a des ordres sé–
vères à ce sujet et que le gouvernement
turc attache une grande importance à cette
décision. I l semble étrange à beaucoup de
penser comment un gouvernement prive
ses sujets du droit d'habiter Son pays ; i l
semble que les lois internationales don–
nant à chaque individu le droit de vivre
dans les pays où flotte le drapeau de son
gouvernement, on ne peut le priver du
droit de s'établir sur la terre qui l u i ap–
partient et d'où i l est parti de son propre
gré. Mais en Turquie i l n'y a pas de pos–
session de terre, la terre appartient au
Sultan qui la distribue à ses sujets, et pat-
conséquent i l peut la reprendre quand bon
lui semble.
Avoir une maison, de la terre, des pa–
rents, sa famille, vouloir retourner dans
sa patrie et
ne pas trouver de chemin,
et cela à une époque où il. riy a ni guerre
ni maladie contagieuse mais seulement
un caprice
qui consiste à trouver les
moyens de ne pas faire tarir les larmes du
pauvre peuple!
O n voyait clairement dans une des
lettres reçues du pays, que là-bas on avait
perdu tout espoir pour que les chemins
s'ouvrent un jour.
Conformément au dernier règlement
celui qui retourne uu pays en secret, s'il
tombe dans les mains du gouvernement,
doit être condamné à l'exil perpétuel et
celui qui y contrevient ou qui essaie de
s'enfuir doit être considéré comme un
brigand qui ne respecte pas les lois en
vigueur et doit être condamné à la peine
de mort.
Les pauvres Armé n i e n s qui, épouvan–
tés par les massacres, s'étaient enfuis en
Caucase, sont aujourd'hui, pour la plu–
part, dans un état très misérable. C'est
l'hiver, ils ont déjà consommé ce qu'ils
possédaient, et tous les secours prodigués
jusqu'ici pour eux ont pris fin. Ils n'ont
pas d'occupation, ils n'ont pas la pratique
des métiers; c'est la question du pain qu i
comme un monstre est dressée devant ces
pauvres désespérés. I l arrive quelquefois
de tels incidents, qui percent le cœur hu–
main
L a question du rapatriement des
40,000
émigrés arméniens qui ont passé
la frontière russe, au cours des massa–
cres, n'est toujours pas résolue. On
voit de quelles pénalités sauvages sont
frappés les malheureux qui se hasar–
dent à rentrer dans leur pays d'ori–
gine : leur seul crime est d'être né A r –
ménien.
LETTRE DE DIARBÉKIR
D i a r b é k i r , 4
/18
novembre
1900.
Il vaut mieux mourir que d'être mal–
traité tous les jours.
L'état de Di a r bék i r se trouve aujour–
d'hui tout à fait dans une situation telle
que toute la communau t é a rmén i enne
trouve mille fois heureux les jours de
massacres de o,5, où tous ceux qui tombè–
rent frappés par la hache ou par les balles
des Turcs après quelques minutes ou quel–
ques heures de souffrances atroces, n'eu–
rent plus à subir les barbaries de la foule
turque. Voilà cinq ans et plus, et nous
autres nous sommes encore ma r t y r i s é s
par les atrocités du peuple turc et surtout
du gouvernement. Nous ne pouvons
même pas gagner notre j ou r n é e quoique
le prix du blé ne soit pas bien élevé; le
motif est que les Turcs n'ont pas besoin
de payer les Armé n i e n s en les faisant tra–
vailler et en leur achetant des marchan–
dises, car ils considèrent les richesses et
le résultat du travail de l'Arménien
comme leur appartenant de droit. C'est le
gouvernement qui joue le plus grand rôle
en cela, i l travaille à faire démolir les
fondements des maisons a rmén i enne s et
même ceux des tombes. I l remplit les pri–
sons de quelques notables a rmé n i e n s et
commence à les maltraiter de toutes les
manières;
les fis ou les parents des pri–
sonniers sont obligés en vendant leurs
biens de graisser la patte des juges, et
cela en cachette ou comme cadeau. Plus
de 40 prisonniers innocents gémissent en
prison ïly a plus de cinq ans,
sans comp–
ter ceux qui, arrêtés tous les jours et em–
p r i s onné s pour un ou deux mois sont mis
en liberté comme innocents après interro–
gatoire.
Tout dernièrement encore, on a amené
à l a prison des assassins, trois personnes
en les enlevant de leurs boutiques ; voici
leurs noms : Oh a n n è s Tachedjian, âgé de
quarante ans, artisan, dont la faute est
d'avoir deux fils en Amé r i qu e : le se
cond, Der Sarkissian Oh a n n è s , soixante-
cinq ans, emp r i s onné sous le même
prétexte ; le troisième, un jeune homme de
trente-deux ans, Hassankéfian Bedrosse,
don t l ' é t a t e s t p i r e queceluides autres,caril
vient d'arriver d'Amérique et exerce le
métier d'armurier. L'autorité, après l'a–
voir enlevé de sa boutique et l'avoir fait
conduire en prison par six agents de po–
lice, a fait des perquisitions chez l u i , et
de quelle façon ! On dirait que tous ceux
qui habitent la maison seront condamné s
à la potence. Plus de quinze agents de po–
lice ; quelques uns montent sur le toit de
Fonds A.R.A.M