moyen pour se soustraire à l'affreuse torture
qui les attend, s'ils sont suspects au gouver–
nement. E t ils en usent largement.
V I L A Y E T D ' A N D R I N O P L E .
L a situation
dans ce vilayet est la même que dans ceux
de la Macédoine : les perquisitions, les arres–
tations, les assassinats augmentent de jour
en jour. Le gouvernement, loin de r é p r i me r
les crimes que commettent ses agents et
principalement ses soldats, encourage ces
derniers dans cette voie. Nous regrettons
que la place nous manque i c i pour insérer
toutes les lettres que nous avons reçues du
vilayet d'Andrinople. E n voici une tout à
fait caractéristique :
Andrinople, le
25
Août.
Il y a quatre jours, sur la route qui conduit
à Mustapha-Pacha, deux soldats escortaient
un de leurs camarades qui avait déserté et
fut repris après. Le soldat ayant d ema n d é à
ceux qui l'escortaient la permission d'entrer
dans la boutique d'un épicier pour y faire
quelques achats, ceux-ci l u i a c c o r d è r e n t la
permission. Le soldat voulut emporter les
objets achetés sans les payer, l'épicier essaya
de les l u i reprendre. Alors, le soldat sortit
un poignard et se jeta sur le détaillant. U n
prêtre grec, le n omm é
ZisU,
qui se trouvait
en ce moment dans la boutique, s'interposa
entre eux et essaya de les séparer. Le soldat
prit le p r ê t r e par le corps, le jeta sur le plan–
cher et l u i coupa la gorge. Le malheureux
rendit l'âme au milieu d'atroces souffrances.
Le soldat sortit tranquillement, a p r è s avoir
repoussé du pied le cadavre, rejoignit ses
camarades et tous les trois c o n t i n u è r e n t leur
chemin.
Il y a deux jours, sept soldats turcs p é n é –
trèrent de force, minuit passé, dans un caba–
ret du quartier dit
Kaik
et après s'être livrés
à toutes sortes d'orgies t u è r e n t à coups de
b a ï o n n e t t e le patron du cabaret, le n omm é
Kola Kehelo.
Ce cabaretier était de nationa–
lité grecque.
Hier, dans le quartier de
Dàmirdeche,
deux
soldats ont o u t r a g é par des actes les femmes
des avocats
Allin Almaz
et
Khaïm.
Ce dernier
est israélite.
Le même jour, des soldats ont violé deux
A rmé n i e n n e s . Le fait s'est passé dans le
voisinage de l'école d'une c o n g r é g a t i o n fran–
çaise.
Le même jour, à neuf heures du soir des
soldats turcs ont poursuivi, pour le détrous–
ser, le maître d'école bulgare du quartier de
Y i l d i r i m .
On voit que Grecs, Juifs, Bulgares, Armé–
niens, gens de race et de religion différentes,
subissent la même oppression. Cette brève
histoire d'une semaine montre combien l'op–
pression est dure et sanglante. Notons, pour
finir, que les méfaits signalés par notre cor–
respondant se passent dans la ville d'Andri–
nople, chef-lieu du vilayet et où toutes les
puissances sont r e p r é s e n t é e s par des consuls.
On peut après cela s'imaginer quelle est la
situation des non-musulmans là où i l n'y a
pas d ' Eu r o p é e n s .
Skelchi.
L a persécution continue dans
notre arrondissement. Sous prétexte qu'une
bande révolutionnaire a passé par i c i , des
corps de poursuite visitent les villages et
torturent la population. Plusieurs arresta–
tions sont opérées dans l'arrondissement.
Plus de 20 villageois sont emp r i s o n n é s à
Pachmakhj.
Dans les villages
Kouiun-Dèré
et
Koubla
furent arrêtés d e r n i è r eme n t plus de
30
chrétiens. L a terreur est si grande que
personne n'ose sortir de la ville.
Les villageois s'enferment dans les mai–
sons et le ma r c h é de notre ville n'a pas lieu
depuis deux ou trois semaines.
A Adramit.
Bien qu'une é t r a n g e affection
soit né e entre le gouvernement hellénique
et le Sultan, celui-ci ne peut pas maîtriser
ses instincts malfaisants jusqu'au point
d'exempter de toutes vexations ses sujets
hellènes. A la l i n d'août, le Ka d i d'Adramit
s'était avisé de distribuer des armes à la po–
pulation musulmane et de menacer les Grecs
de massacre comme s'ils eussent été de
simples A rmé n i e n s . L'avocat A r i f qui avait
osé se prononcer contre l'émule de S. M . I.
fut assailli et grièvement blessé. Les Hellènes
épouvantés, télégraphièrent au grand V i z i r ,
au Cheik-ul-Islam et au mi n i s t è r e de l'inté–
rieur. Ils semblent, cette fois, en avoir été
quittes pour la peur et la mer heureuse qui
les sépare de Mitlène n'a pas été rougie
de leur sang. C'est partie remise.
A M R A S S A D E U R E N G R È V E E T G R A N D - V I Z I R E T
E X - G R A N D - V I Z I R
S U S P E C T S .
I z ZC t
-
P a c l i a ,
ambassadeur, à Madrid, ancien grand écuyer
exilé à Bagdad, puis pourvu d'une sinécure
quand i l eut fait amende honorable — i l
avait cravaché le favori syriaque Ized-bey
qui vient d'être n o mm é pacha lors de l'anni–
versaire de la Bêle — no fut jamais très
satisfait de son poste. Dès son arrivée à
Madrid, i l avait reçu d'une administration
des pompes funèbres une note des frais d'en–
terrement de son prédécesseur, et non con–
tent de ne point payer cette dette, son
auguste maître négligeait de l u i envoyer ses
appointements. Izzet-Pacha écrivit alors dans
le
Petit Sou,
de Paris, des lettres injurieuses
pour le Padischah et me n a ç a de se faire
< jeune Turc ». Aussitôt i l fut payé. Il vient
de rejouer avec le même succès la même
comédie ; une menace de démission a aussitôt
été suivie du paiement de ses a r r i é r é s .
La Bête connaît si bien les sentiments de
loyalisme de tous ceux qui l'ont a p p r o c h é e ,
qu'elle
v i t
dans une perpétuelle crainte, non
seulement de ses serviteurs lointains, comme
Izzet-Pacha, mais même de ses valis et de
s o n
grand-vizir. On a conté
q u e
S a ï d - P a c h a ,
fort exact et méticuleux dans ses fonctions,
ayant t a r d é à venir à
u n e
séance du Conseil
d e s
Ministres, parce
q u e
sa fille était grave–
ment malade, S. M . I.
f u t
affolée et s'imagina
q u e
Kutchuk-Saïd s'était
u n e
seconde fois
réfugié à l'ambassade d'Angleterre. Un autre
de ses grands-vizirs, Kiamil-Pacha est vali
de Smyrne : à
l a
suite de d é n o n c i a t i o n s et
d
'
u n e
enquête me n é e par Chakir-Pacha. K i a -
mil devint suspect, de complicité avec
l e
malheureux Fuad, expédié à Damas dans les
conditions que l'on c o n n a î t ; et i l r e ç u t l'in–
vitation de se rendre à Kionah pour intro–
duire dans ce vilayet i n t é r i e u r les réformes
nécessaires. Il déclina l'offre alléguant que
le climat était mavais pour sa s a n t é , vu son
âge. Alors S. M . I. l u i proposa n'importe
quel autre vilayet; K i am i l r é p o n d i t qu'il
désirait se retirer, pour y mourir, à Chypre,
son île natale ; comme i l avait pris soin aupa–
ravant de mettre en lieu s û r tous ses papiers
chez un citoyen anglais de Smyrne, la Bête
r e n o n ç a à employer la violence et ainsi l'ex-
grand-vizir, vali, tenu pour dangereux, de–
meure dans une ville d em i - e u r o p é e n n e où i l
est difficile de le supprimer brutalement. Il
fera bien cependant de se souvenir de Midhat,
qui se lia aussi à la protection e u r o p é e n n e
et qui fut odieusement livré par ceux à qui
i l avait remis sa personne et sa vie.
L A POLICE T U R OU E A P AR I S .
S. M . I.
s'assura n a g u è r e le concours de policiers
français à Constantinople : feu Bonin-Pacha
et son s u b o r d o n n é , puis successeur Lefoulon-
Pacha, depuis peu n o mm é Comte du Pape,
furent prêtés à Abdul-Hamid par la Préfec–
ture de police de Paris. N i l'un ni l'autre
d'ailleurs n'étaient, officiellement du moins,
c h a r g é s de surveillances politiques. Depuis
que le gouvernement français a expulsé les
Sinapian, Nicolaïdès, F é r i d o u n et autres,
S. M . I. qui compte cependant de précieuses
amitiés parmi la presse parisienne, songe–
rait, semble-t-il, à remplacer ces mouchards
ottomans en service à Paris, par des policiers
français que noire gouvernement ne pourrait
expulser, puisqu'ils sont ses propres agents.
On se demande en r é c omp e n s e de quels ser–
vices, passés ou futurs, M . Baudin, inspec–
teur de la Préfecture de Police à Paris, a été
n o mm é officier dans l'ordre impérial du
Medjidié.
Aurait-il accompli quelque mission
de confiance, avec l'assentiment de ses chefs,
pour celui que M . Lôpine, au temps du Co n –
grès jeune-turc, appelait « son ami et son
allié », en signifiant aux princes Sabaheddine
et Loutfoullah que ce Congrès n'aurait pas
lieu ?
C O N D AMN A T I O N .
L a Cour criminelle a j u g é
par défaut le n o mm é Sévon Tchitchékdjian
qui était accusé comme criminel. Etant en
fuite en Egypte, de concert avec d'autres
perturbateurs, i l y a fait des publications
subversives sous le pseudonyme de «
Fehmi. ».
La Cour l'a c o n d amn é à la d é t e n t i o n p e r p é –
tuelle dans une enceinte fortifiée, à la priva–
tion de ses droits civiques et à la confisca–
tion de ses biens.
P . Q.
L I R E
AVANT LE MASSACRE
I i o i r m r i m a c é d o n i e n
P a r P I E R R E
d ' E S P A G t K A T
(
Bibliothèque
Charpentier)
Le Secrétaire-Gérant :
J E A N L O N G U E T .
Fonds A.R.A.M