les cas de mauvaise v o l o n t é des fonc–
tionnaires.
E n tenant sa parole, Ab d - u l - Ham i d
se rendrait à l u i -même le plus s i gna l é
des services ; i l ne doit pas penser que
ses victimes l'amnistient de s i t ô t ;
mais du moins i l assurerait un renou–
veau de p r o s p é r i t é relative à l'empire
en rendant la vie t o l é r ab l e à toute une
c a t é g o r i e de sujets utiles, travailleurs
et paisibles. E t alors, si p é n i b l e qu'il
ait pu ê t r e pour le Patriarche de pro–
noncer un p a n é g y r i q u e trop manifeste–
ment contraire à la vérité et à ses sen–
timents intimes, i l aura été p a y é de sa
peine en mé n a g e a n t à ses compatriotes
une halte sur la route tragique de la
mort. Car ces r é p a r a t i o n s p r em i è r e s
sont insuffisantes : les journaux les
mo i ns hostiles au Sultan, comme le
Pester Lloyd,
l'ont reconnu. Ce n'est
pas avec de tels palliatifs qu'on peut
gué r i r des blessures aussi profondes.
Infailliblement, les m ê m e s causes pro–
duisant les m ê m e s effets, a p r è s une
courte accalmie, les h am i d i é s , les trou–
pes et les fonctionnaires de tout ordre
recommenceront, avec l'assentiment et
par la suggestion du souverain, leurs
brigandages et tueries.
A i n s i même , dans celte p r em i è r e a l –
ternative, la question a rmé n i e n n e n'est
point r é g l é e .
S i au contraire le Sultan a j o u é une
odieuse c omé d i e , le Patriarche ne le
laissera pas trop longtemps se réjouir
de l'avoir d u p é et i l d ém i s s i o n n e r a
i r r é vo c a b l eme n t .
Il se r emémo r e r a le fier serment de
fidélité qui fut p r ê t é par son p r é d é c e s –
seur, Ma d t é o s Ismirlian, quand i l fut
installé à Ko um - Ka p o u , devant une
foule de dix mille A r mé n i e n s . A l o r s ,
Hami d n'avait encore sur la conscience
que les victimes des premiers massa–
cres du Sassoun, quelques milliers de
morts. Ma d t é o s Ismirlian, a p r è s avoir
c on s t a t é que ses devoirs de fidélité
étaient triples : fidélité envers le gou –
vernement, envers la nation a r mé –
nienne, envers l a constitution a r m é –
nienne, commenta ainsi son serment :
En premier lieu, vient ma fidélité au Go u –
vernement. Ce serment est é v i d emme n t lié
avec le droit que nous avons à la vie, à nos
biens, à notre honneur, à notre tranquillité.
Toute déclaration de fidélité i n d é p e n d a n t e
de ces conditions est une duperie dange–
reuse pour les intérêts de la nation aussi bien
que pour le gouvernement. Tout désir, toute
requête, toute plainte, toute d éma r c h e faite
pour assurer la jouissance do ces droits, loin
d'être une violation de mon serment de fidé–
lité est, au contraire, une preuve de mes
sentiments de sincère fidélité.
lui second lieu, ma fidélité à la nation est
ma fidélité à l'Église, car c'est le devoir de
notre Eglise apostolique de ne pas s é p a r e r
ses droits de ceux du peuple. Les droits de
notre Église et de notre nation sont impres–
criptibles et sacrés.
Votre patriarche sera le fidèle défenseur et
i n t e r p r è t e de ces droits dont i l n'est que le
d é t e n t e u r et pour l'exercice desquels i l est
responsable devant l'Eglise et la nation.
E n troisième lieu, pour ce qui concerne la
constitution qui règle la conduite de nos
affaires intérieures, ma carrière passée est
garante que je n ' é p a r g n e r a i aucun effort pour
en assurer l'exécution.
S i , a p r è s une s u p r ême tentative de
conciliation, le Patriarche Orman i an a
acquis la certitude que n i la vie, n i
l'honneur, n i les biens, de ceux qu ' i l
r e p r é s e n t e ne sont en s é c u r i t é sous le
r é g i me hamidien, i l est d è s lors dé l i é
de son serment de fidélité : i l n'a q u ' à
quitter la place, à laisser la Bête face
à face avec trois millions de ses sujets
qui l ' e x è c r e n t , à l'heure où elle aurait
grand besoin d ' ê t r e amn i s t i é e par eux.
Le s fêtes de l ' I n d é p e n d a n c e bulgare
sont p r oche s ; dans quelques semaines,
toute l ' a rmé e bulgare sera ma s s é e aux
passes de Ch i pk a en p r é s e n c e de t r è s
nombreux g é n é r a u x russes : si les frères
slaves de Ma c é d o i n e s'avisaient alors
d'une r é vo l u t i on ?
E t v o i c i p e u t - ê t r e un nouveau con –
flit franco-turc ; s ' i l devient aigu, i l ne
sera pas possible au Ministre des
Affaires é t r a n g è r e s de restreindre ses
r é c l ama t i o n s à l'affaire des quais; i l
devra plus é n e r g i q u eme n t qu'en 1901
exiger du Sultan qu'il acquitte en m ê m e
temps que ses obligations financières
les dettes de sang qui ne sont jamais
p é r i mé e s .
Dans ces circonstances, la d émi s s i o n
du p l us longanime des patriarches
donnerait une a u t o r i t é encore plus
grande à cette revendication tardive de
la justice et de l ' h uma n i t é .
P i e r r e
Q U I L L A R D .
L I R E
AU PAYS DE L'ESPIONNAGE
P a r
FA.XJJJ
D E TtÉCJLA.
Avec un portrait du Sultan Mourad V
et de son frère et geôlier Abd-ul-Hamid.
(
Chez J. STRAUSS,
rue du Croissant,
5)
UNE LETTRE
de M. Anatole Leroy-Beaiilieu
h'Ettf'ùpièn
du 6 septembre publie une
lettre de M . Anatole Leroy-Beaulieu que
nous reproduisons sans commentaires, poul–
ies même s raisons qui nous ont emp ê c h é de
donner i c i la réponse faite par M . P. Quillard
à MM . Denys Cochin et de Mu n . Mais ce
n'est point commenter cette lettre qu'expri–
mer notre profonde gratitude à M . Anatole
Leroy-Beaulieu qui, non sollicité, donne ce
nouveau t émo i g n a g e de sa « vieille sympa–
thie
»
à la cause a r mé n i e n n e et justifie
1' «
agitation internationale » en vue d'une
action e u r o p é e n n e et les c o n g r è s comme
celui de Bruxelles d e s t i n é s à provoquer cette
action.
Vi r o l l a y , 3 septembre 1902.
Mons i eu r le Directeur,
11
est p e u t - ê t r e bien tard pour parler
du Co n g r è s a rmé n o p h i l e de Bruxelles
dont
YEuropéen
nous a d o n n é un
compte rendu qui m'a vivement i n t é –
r e s s é et p r o f o n d éme n t t o u c h é . J ' a i
beaucoup r e g r e t t é de n'avoir pu y
assister et apporter à la noble cause
que vous défendez si bien le modeste
tribut de ma vieille sympathie. Me s
regrets se sont encore accrus en cons–
tatant, d ' a p r è s les lettres p u b l i é e s par
vous et par le
Pro Armenia,
que l'ab–
sence de certains de nos compatriotes
é t a i t due, au moins en partie, à leurs
dissentiments politiques ou religieux
avec les promoteurs du Co n g r è s . C'est
là un fait qui me p a r a î t p r o f o n d éme n t
f â cheux , pour la France, plus encore
que pour nos amis A r mé n i e n s .
Je suis, mo i aussi, j e n'ai pas à le
cacher, en dissentiment s é r i e ux et r é –
fléchi sur notre politique i n t é r i e u r e ,
avec les hommes émi n e n t s qui ont pris
l'initiative du Co n g r è s de Bruxelles,
comme avec ceux, en grande partie du
reste, qui dirigent le
Pro
Armenia.
Je demeure, plus que jamais, partisan
r é s o l u de l a l i be r t é , et de toutes les
l i be r t é s pour tous les F r a n ç a i s , sans
distinction d'origine, de religion ou de
vocation. Ma i s cette conviction à l a –
quelle je m'honore d'avoir toujours é t é
fidèle ne saurait m ' emp ê c h e r de rendre
justice à des adversaires politiques,
lorsqu'ils soutiennent au dedans ou au
dehors, la cause du droit et de la l i –
b e r t é . Tout au contraire, je crois, quant
à mo i , que de pareilles occasions doi–
vent ê t r e saisies avec empressement,
et que plus grands et plus affligeants
Fonds A.R.A.M