A la tête de 150 soldats, la gendarmerie,
les agents de la régie des Tabacs, les bachi–
bozouks, sous le commandement de A r i f
A°-ha, etc., etc., les deux envoyés extraordi–
naires et A l i Ag h a c omme n c è r e n t des pour–
suites contre la population. Ils allèrent, tout
d'abord, chez le percepteur T omé Nicleff et
le s ommè r e n t de livrer les armes et les révo–
lutionnaires qu'il recelait. A la r é p o n s e de
Nicleff qu'il n'a jamais recelé ni des armes,
ni des révolutionnaires, les Turcs se r u è r e n t
sur lui, le fustigèrent, le t o r t u r è r e n t j u s q u ' à
la perte de connaissance et p a s s è r e n t à la
perquisition. Comme elle ne donna aucun
résultat, on p r o c é d a à la démolition de la
maison. Elle fut démolie sans que les Turcs
y aient trouvé quelque chose de suspect,
mais Nicleff fut quand m ê m e a r r ê t é .
Ces o p é r a t i o n s chez Nicheff furent après
é t e n d u e s dans nombre de maisons. L'est
ainsi que furent a r r ê t é s et t o r t u r é s : Christo
Traïtcheff, Grigor Bojinoff, Cola Bojadji,
P. Ghiondoff, G. Trencoff, P. Katchoïan,
Constantin Beleff, les trois frères Ivanovi,
dont le plus jeune, Alexo, est âgé de douze
ans, etc., etc.
Tous ces d é t e n u s furent tellement t o r t u r é s
que beaucoup de c h r é t i e n s de Krouchevo,
préférant une mort courageuse à ces souf–
frances, s ' a rmè r e n t tant bien que mal et quit–
tèrent notre ville. Parmi ceux-là se trou–
vent : deux frères Ivanovi, Dimitre et Pôtre,
Atzoff, Noveff, Stoïtcheff, Nicolas Careff, le
maître d'école T h é o d o r Careff, Topouzoff.
Krysteff, etc. Le père de Krysteff, un vieil–
lard aveugle de quatre-vingts ans, la femme
du ma î t r e d'école Careff, en état i n t é r e s s a n t ,
etc., furent soumis à la torture la plus atroce
pour qu'ils livrent leurs parents. Le père de
Stoïtcheff en a perdu la raison.
Les émi g r é s de Krouchevo ont formé des
bandes révolutionnaires. Une de ces bandes,
la plus grande, est allée dans le village
Oslrovlzi,
ce qui fut appris par les Circas-
siens des villages voisins qui le r a p p o r t è –
rent aux autorités de Tzer, Kitcheva et
Krouchevo.
De forts r é g i me n t s furent envoyés à la
poursuite de la bande. L e village Ostrovtzi
fut cerné par les troupes. U n combat s'en–
gagea qui dura une j o u r n é e . Vers le soir,
les troupes et les bachibozouks, d é s e s p é r a n t
de prendre le village, y mirent le feu et le
détruisirent c omp l è t eme n t . Les révolution–
naires furent alors tous pris, à l'exception
de Naki Careff qui fut tué pendant qu'il
fuyait. Les Turcs perdirent une quarantaine
de soldats.
A la suite de ce combat, plusieurs autres
villages furent détruits par les Turcs et des
centaines d'arrestations eurent lieu. Les au–
tres bandes révolutionnaires, pour se ven–
ger, ont détruit quelques villages turcs parmi
lesquels
Albanlzi etNorovo,
appartenant aux
bachibozouks qui avaient pris part dans la
destruction de Ostrovtzi.
Aujourd'hui j'apprends que d'autres v i l –
lages chrétiens furent détruits et que leurs
habitants ont formé de nouvelles bandes.
A
;
voir notre arrondissement, on dirait que
la révolution est déjà p r o c l amé e .
Demir-Khissar.
—
Les bandes de brigands
d é c i me n t notre pays. Comp o s é e s de plus
d'une centaine de Turcs chacune, a rmé e s
par les fusils que le gouvernement vient de
distribuer aux musulmans, pas un village
chrétien ne peut leur résister. L a plupart
de nos villages payent des imp ô t s qui re–
montent à plusieurs centaines de livres tur–
ques à diverses bandes pour qu'ils ne soient
pas pillés. Mais tous ne peuvent pas verser à
temps et à toutes les bandes les sommes
dont ils sont imp o s é s et alors ils sont sac–
cagés sans pitié.
C'est ainsi que plus d'une dizaine de v i l –
lages furent d é t r u i t s . Les plaintes que les
villageois ont d é p o s é e s entre les mains du
gouverneur de Monastir n'ont eu pour ré–
sultat que l'expédition de plusieurs régi–
ments de soldats qui furent dispersés dans
les villages pour être nourris par les pau–
vres c h r é t i e n s . Ces soldats, loin de garder
les villages contre les attaques des brigands,
se joignent à ces derniers pour les aider et à
prélever leurs parts.
Les deux villages qui furent d e r n i è r eme n t
d é t r u i t s par les bandes sont :
Golémo-Ilino
et
Malo-Ilino.
Ils furent a t t a q u é s par une bande de b r i –
gands qui comprenaient 200 Turcs. Les v i l –
lageois ayant voulu s'opposer au pillage,
s ' a rmè r e n t de haches et de faux et voulurent
barrer le chemin à la bande. Une lutte com–
me n ç a entre c h r é t i e n s et Turcs. Les soldats
qui regardaient d'abord avec flegme et
combat, se joignirent à la bande dè s qu'ils
virent qu'elle risquait d'être r e p o u s s é e .
Après une lutte d é s e s p é r é e , les villageois se
r e t i r è r e n t laissant une vingtaine d© c h r é –
tiens tués, tandis que le nombre des Turcs
qui y p é r i r e n t est inconnu. Alors les deux
villages voisins furent pillés et livrés aux
flammes. Les villageois qui purent s'échap–
per se sont réfugiés dans la forêt. L a bande
ne fut pas poursuivie par les a u t o r i t é s , na–
turellement. Mais un corps de poursuite fut
envoyé pour emprisonner les c h r é t i e n s r é –
calcitrants et faire rentrer les femmes et les
enfants. 11 importe peu au gouvernement
turc si tous ces gens ont les moyens de se
construire leurs maisons.
Okhrida.
—
Tandis que plus de 700 b r i –
gands circulent dans la campagne, pillent et
terrorisent i mp u n éme n t , à Okhrida les pri–
sons regorgent de p r é t e n d u s rebelles. Per–
sonne n'ose sortir pour vaquer à ses affaires.
Les paysans n'osent pas moissonner les
champs, les p ê c h e u r s n'osent pas approcher
du bord du lac. Plusieurs villages sont c om–
p l è t eme n t détruits par les bachibozouks;
des assassinats se commettent chaque jour.
Depuis le mois de janvier plus de 30 villages
sont incendiés et quelque 300 c h r é t i e n s
assassinés. Voilà quelques-uns des faits qui
se sont produits après ma d e r n i è r e lettre.
—
Tzvetan Ketchanoff, du village
Velgochii,
fut tué par quelques Turcs inconnus lorsqu'il
se rendait à Okhrida.
—
Blajé Smileff vient d'être assassiné dans
le village
Ozdoleni,
où, i l y a à peine un mois,
trois c h r é t i e n s furent t u é s p a r une bande du ,
gouvernement, et une trentaine emp r i s o n n é s
pour avoir résisté à cette même bande.
—
Dans le village
Slivovo,
viennent d'être
tués l'habitant d'Okhrida Nicola Kisselinoff
et deux villageois qui avaient le malheur
d'être t émo i n s de l'assassinat de Kisselinoff.
—
Le meunier du village
Vyrbiany
fut tué
par le fameux brigand Takhir Tola.
—
J a k im Bazmoff, du village
Velgochti,
fut
tué i l y a quelques jours, p r è s de la ville
d'Okhrida, par quelques Turcs fanatisés.
—
Yvan Avramoff, du village
Velmey,
fut
assassiné par les môme s Turcs.
—
Dans le village
Ozdoleni
fut tué Stefan
Chouleff, pendant qu'il coupait du bois.
—
Ta n é Baditch, du village
Beltchichla,
fut tué le m ê m e jour p r è s du couvent
Lechansky.
—
L a jeune ma r i é e Vonsa, du village
Vranitza,
fut assassinée p r è s de Strouga.
—
Su r le chemin du village
Mecheitza,
fut
mis en pièces le villageois Dimo Toutoureff,
lorsqu'il rentrait chez l u i .
—
S i mé o n Doucoff et son iîls N'ové, furent
assassinés deux jours plus tard, lorsqu'ils
rentraient dans leur village,
Velmetch.
—
Le villageois Yossif, de
Tzyrvena-Voda,
fut tué par quelques Turcs, près de son
village. Le lendemain, un autre villageois de
Tzyrvena-Voda, dont je ne puis me rappeler
le nom, fut tué par les même s Turcs.
—
Ilia Gheorghicff, du village
Vililo,
fut
assassiné en chemin par quelques Turcs
inconnus.
—
Sur le chemin de
Belovelz
à
Labounilza,
fut tué un villageois de
Jablanitza.
—
Dimo Jossifoff, du village
Lacolchereï,
fut assassiné par la bande du comité musul–
man.
—
Christo Ky rma k et Douko Smiltcheff et
encore un villageois furent tués dans leur
village
Orbino,
par les g a r d e s - c h amp ê t r e s ,
des brigands sanguinaires que le gouverne-
meni a imp o s é s aux villageois.
—
Le fameux brigand B i l i a l Balantza
assassina Yvan Poutzoff, du village
Syrbi-
novo,
chez lequel l u i et sa bande avaient
trouvé une hospitalité forcée. Il a enlevé
après, dans le même village, trois notables
pour lesquels i l exige une forte r a n ç o n .
—
Le village
Laklinié
est c omp l è t eme n t
détruit. Une bande du comité musulman
attaqua, i l y a quelques jours, ce village et
y put entrer. Elle pilla toutes les maisons,
enleva le bétail, les ustensiles de cuisine, les
instruments aratoires, enfin tout ce qu'elle
trouva après une visite minutieuse, et mit le
feu aux maisons. Tout le village l'ut livré aux
flammes. Trois hommes et une femme furent
tués. Le nombre des t o r t u r é s est plus grand.
Plusieurs femmes et quelques g a r ç o n s furent
violés. Pour comble de malheurs, le gouver–
nement ayant appris que quelques villageois
avaient résisté à la bande terroriste, envoya
un r é g i me n t qui emprisonna les douze c h r é –
tiens qu'il trouva dans le village incendié,
les autres s'étant réfugiés dans la montagne.
Ils sont accusés d'avoir résisté aux pouvoirs.
Quelle ironie !
Dans la ville m ê m e d'Okhrida, la terreur
n'est pas moindre. Les Turcs, en bandes,
a rmé s , passent devant les boutiques des
Fonds A.R.A.M