o p é r e r des arrestations. Ces corps de pour–
suite sont renforcés par les d é t a c h eme n t s de
soldats qui sont établis dans les villages
chrétiens. Il n'y a pas un village de plus de
50
habitants qui ne soit obligé de nourrir
quotidiennement 10, 20 ou 50 soldats.Toutes
les provisions des villageois y passent.
Ces corps de poursuite et ces soldats ex–
priment leur gratitude envers les villageois,
en les emprisonnant, en les torturant, en
prenant leurs femmes et leurs enfants.
De r n i è r eme n t six villageois de
Souchitza
furent emp r i s o n n é s sous prétexte qu'ils
s'étaient affiliés aux comités révolutionnaires
et beaucoup d'autres furent recherchés, mais
ne furent pas trouvés: Le vrai motif, c'est
qu'ils n'avaient plus rien à donner aux sol–
dats. Grâce à ces poursuites inintelligentes,
*
la plupart des chrétiens quittent leurs vil–
lages pour se réfugier dans les forêts où ils
forment des bandes révolutionnaires.
Doïran.
—
Quelques espions avaient rap–
p o r t é aux a u t o r i t é s de notre arrondissement
que le p r ê t r e du village
Akandjali,
ainsi que
le ma î t r e d'école du même village,
Conslan-
linoff,
étaient les chefs des Comités révolu–
tionnaires. I mmé d i a t eme n t , une dizaine de
gendarmes furent dépêchés dans ce village
qui se saisirent des deux d é n o n c é s et les
ame n è r e n t à Doïran. Ici les deux malheu–
reux furent emp r i s o n n é s et i n t e r r o g é s .
Comme leurs r é p o n s e s ne satisfaisaient pas
pas notre commissaire de police, i l ordonna
que la torture leur fut appliquée. Une bonne
b â t o n n a d e était le commencement, mais les
t o r t u r é s se taisant toujours, on leur appliqua
des supplices plus raffinés : on leur mit des
œufs b r û l a n t s sous les aisselles, du beurre
fondu sur certaines autres parties du corps,
et pour finir le p r ê t r e fut frictionné au p é –
trole et à l'alcool, que l'on alluma a p r è s . Les
cris qu'il poussait le sauvèrent, parce que les
passants s'arrêtaient pour l'écouter. Le ma î –
tre d'école Constantinoff fut brûlé sur la
poitrine avec un fer à repasser rouge. Ils
ont tous les deux perdu la raison.
Enfin, les villageois vinrent à Doïran, don–
n è r e n t 50 L . T. au commissaire de police et
les deux malheureux furent libérés.
Nevrocope.
—
Le ma î t r e d'école Gheorghi
Iccnomoff et Pavlu Lykatnichki, du village
Lovtcha,
sont détenus depuis plus de deux
mois dans les prisons de Nevrocope, sans
qu'ils sachent e u x -même s de quoi ils sont
inculpés. Ils n'ont jamais été interrogés,
ma l g r é leurs protestations.
—
Le kodjabachi du village
Scrijevo,
son
fils et son gendre furent arrêtés ces derniers
jours, sous le prétexte qu'ils portaient du
pain aux révolutionnaires.
—
Anton Melnichky, du village
Khochtcwa,
fut arrêté'et torturé. Il est s o u p ç o n n é d'avoir
des idées révolutionnaires. Issaïeff, du village
Belitza,
fut arrêté pour le même motif.
—
Tzyvetan, du village
Kresna,
fut arrêté
sur l a dénonciation d'un espion, pour avoir
d o n n é l'hospitalité à des gens que le gouver–
nement ne c o n n a î t pas.
Sont arrêtés, du village
Kara Kent/ :
le
ma î t r e d'école, le kodjabachi et 8 notables,
parce qu'une bande révolutionnaire aurait
passé près du village et qu'ils ne l a d é n o n –
cèrent pas au gouvernement. Tous ces d é –
tenus furent envoyés dans les prisons de
Sérès.
Dimitre et Blagoï Farforovi, de
Mekhomya,
se trouvent en prison depuis le mois d'avril.
Ils ont été t o r t u r é s à plusieurs reprises pour
qu'ils fassent des aveux sur le lieu où se ca –
che l a bande révolutionnaire qu i a passé, i l
y a trois mois, par Mekhomya. II p a r a î t que
d'après les autorités turques cette bande
reste cachée depuis trois mois et toujours
dans le même endroit.
—
Le fils d'un bey a voulu, i l y a quelques
semaines, enlever la belle Tzona Anghelova,
du village
Batchevo.
Les parents de la jeune
fille s'étant opposés, le Turc et ses hommes
se r e t i r è r e n t après avoir me n a c é les v i l l a –
geois d'incendier tout le village. Depuis lors,
des bandes turques rodent autour du village
et cherchent l'occasion de l'attaquer. Le gou–
vernement turc p r é v e n u n'a rien fait contre
ces bandes.
Melnik.
—
II y a une dizaine de jours,
17
prisonniers furent envoyés enchaînés je
ne sais dans quelle ville. L e lendemain,
12
nouveaux d é t e n u s prirent leurs places. Ce
sont de malheureux paysans inculpés de cri–
mes politiques.
Le vieillard Lazo, de
Khochtcwa,
fut tor–
turé dans son village, i l y a quelques jours,
de l a ma n i è r e la plus atroce, pour qu'il livre
son fils. L e pauvre vieillard jurait sur tout
ce qu'il avait de plus cher qu'il ignorait où
se trouve son fils. Rien ne le fit relâcher. On
le b â t o n n a , on le pendit la tête en bas, on
lui brûla les pieds. Quand i l perdait connais–
sance, les bourreaux le laissaient se reposer
pour recommencer de plus fort dè s qu'il se
sentait mieux. Enfin on le tortura tellement
que deux jours après i l expira dans des souf–
frances horribles. On apprit alors seulement
que son fils était depuis longtemps dans les
prisons de Melnik.
—
Yvan Karadjoff, du village
Bielilza,
père
de cinq enfants en bas â g e , fut assassiné
par un gendarme en plein jour pour avoir
refusé de l u i donner de l'argent. Le gen–
darme se p r omè n e aujourd'hui encore à
Bielitza, ma l g r é la plainte d é p o s é e au par–
quet et signée par plusieurs t émo i n s , et à sa
place on a i r ê t a le frère de l'assassiné, Gheor–
ghi Karadjoff qui fut t o r t u r é d'une ma n i è r e
affreuse pour qu'il déclarât,devant l'assassin
incontestable que c'est l u i qu i a assassiné
son frère.
—
Dans le village
Dolno Draglichié
furent
arrêtés et torturés : le vieillard Do n é , Mihaïl
Blagoeff et Yvan Tcholacoff. Ils sont soup–
ç o n n é s d'avoir p o r t é du pain à quelque
bande révolutionnaire quand ils sont allés
couper du bois dans l a forêt. Les c o n s é –
quences de la torture qu i leur fut a p p l i q u é e
sont graves surtout pour le vieillard Doné,
dont la vie est en danger.
Dans les prisons de Melnik est détenu de–
puis plus d'un mois le notable Khadji
Mi k h a l Belejcoff. 11 ignore quel crime on l u i
impute.
V I L A Y E T DE MO N A S T I R . —
Monastir.
—
Les
résultats du combat de
Patélé sont
beaucoup
plus considérables que je ne vous l'ai fait
savoir la d e r n i è r e fois. Les pertes des Turcs
montent à plus de 200 soldats et bachibo–
zouks, dont un capitaine et un lieutenant.
Les r é v o l u t i o n n a i r e s perdirent une trentaine
de personnes, parmi lesquelles le jeune
poète Christo Silianoff, nature ardente et
noble, qu i a c h a n t é dans des vers très r é u s –
sis les b e a u t é s de la Macédoine et les souf–
frances de ses enfants. Il a péri courageu–
sement, frappé par plusieurs balles, au mo –
ment où , à la tête d'une dizaine de r é v o l u –
tionnaires, i l essayait de franchir les rangs
ennemis.
Après le combat qu i dura deux jours, les
soldats et les bachibozouks se r u è r e n t sur le
village Patélé qu'ils pillèrent et i n c e n d i è –
rent, après avoir ma s s a c r é tous les chrétiens
qu'ils y t r o u v è r e n t sans distinction des fem–
mes et des enfants.
*
Kitchevo.
—
Le fameux brigand Isliam
Tchaouche a reparu. Le centre de ses actions
est maintenant l'endroit
Porélché.
Plusieurs
villages de notre arrondissement sont déjà
pillés par l u i . Tout d e r n i è r eme n t i l pilla le
village
Grechnitza,
où i l mit en pièces 4 v i l –
lageois.
—
Il enleva, trois jours plus tard, un jeune
g a r ç o n du village
Benlché
et r é c l ama pour
son r e l â c h eme n t une forte r a n ç o n . L a mè r e
du captif vendit tout ce qu'elle possédait
pour ramasser la somme exigée et se p r é –
senta devant Isliam Tchaouche, dans le délai
fixé. Elle versa l a somme entre les mains du
brigand et obtint de voir son fils. Mais ce
n'était pas pour longtemps. Quelques mi n u –
tes plus tard, Isliam Tchaouche faisait assas–
siner la mè r e et le fils.
—
Deux jours ne s'étaient pas passés de–
puis cet assassinat, que Isliam Tchaouche
enlevait deux notables du village
Krapa.
I l
les ligotta, les fit é c o r c h e r vifs jusqu'aux ge–
noux, et a p r è s avoir emp o r t é leur peau, les
laissa exposés au soleil. Quelque temps
a p r è s , on les trouva morts.
* *
Krouchevo.
—
Une jeune fille de quatorze
ans, Zlata Ilcova, fut violée ces jours der–
niers à Krouchevo même , par les agents de
l'autorité. Les habitants du quartier p o r t è –
rent plainte devant le gouverneur de M o –
nastir contre le commissaire de police A l i
Effendi, dont je vous ai parlé dans ma der–
nière lettre. Certainement qu'aucune mesure
ne fut prise à la suite de cette plainte. Mais
A l i Effendi voulut tirer vengeance et, avec
deux de ses espions, Tego Baraco etVantcho
Jogou, i l dressa une liste des personnes
suspectes dans notre ville. Tous les signa–
taires de la plainte y p a s s è r e n t . L a liste fut
p r é s e n t é e au vali de Monastir qu i envoya
dans notre ville les commissaires de police
Saïd Effendi et Murât Effendi, avec ordre de
ne pas mé n a g e r un seul chrétien.
Fonds A.R.A.M