Pirgitch de notre ville en criant : « Ghiaour-
lari Késsédjéguiz», c'est-à-dire « Nous allons
massacrer les ghiaours » ; quelques jeunes
gens réussissent à peine à les a r r ê t e r j u s q u ' à
l'arrivée de la police ; en ce moment la c é r é –
monie est t r o u b l é e dans l'église, les femmes
commencent à crier, le d é s a r r o i se propage
dans la ville et tout le monde croit que les
turcs ont a t t a q u é le quartier a rmé n i e n .
Ces jours-ci les vexations sont arrivées à
leur a p o g é e du côté de Paperte ; deux v i l –
lages a r mé n i e n s renfermant 500 âme s , ne
pouvant résister aux vexations commises
pour percevoir les imp ô t s , se montrent dis–
p o s é s à embrasser l'islam ; toutes les forma–
lités pour la conversion allaient être faites
par les mollahs et le juge, mais les habitants
déclarent qu'ils veulent auparavant se p r é –
senter au vali collectivement pour pouvoir
lui exposer leur situation réelle ; un rapport
a été fait au vali et nous ignorons encore
les instructions qui ont été d o n n é e s et l'ar–
rangement qui est fait.
Des violences de tout genre sont c om–
mises journellement soit dans les villages
soit en ville ; ce sont des insultes, des coups,
des injures ; quelqu'un qui a le sentiment de
son amour-propre, ne peut nullement résis–
ter à toutes les p e r s é c u t i o n s , la haine et la
Yengeance des particuliers.
Ici, nous avons environ vingt prisonniers
politiques, dont l'état est vraiment lamen–
table à tous les points de vue ; de vingt à
trente prisonniers sont morts dans les
caveaux de la prison ; déjà plus de la moitié
des prisonniers sont physiquement exténués
et les autres ont perdu la fraîcheur de leur
jeunesse dans ce lieu exécrable.
Presse Hamidienne
Nous avons naguère suivi, de la
N'eue
frei Presse
à la
Patrie,
en passant par
d'autres journaux européens, petits et
grands, les traces d'une enquête sur la
Macédoine dont les éléments avaient été
fournis par les autorités hamidiennes.
Voici maintenant la partie la plus impor–
tante d'une correspondance de Constanti–
nople, qui est publiée parla
Bévue d'Orient
de Buda-Pesth du 10 a oû t :
I propos du Congrès Arménophile
'(
Correspondance particulière de la
Revue d'Orient)
Constantinople, le b août l'J02.
Les personnes au courant des procédés employés par
les agitateurs a r m é n i e n s et leurs partisans prévoyaient,
à l'occasion de la réunion à Bruxelles d'un pseudo–
congrès arménophile, un nouveau d é c h a î n e m e n t de
calomnies et d'inventions contre tout ce qui est otto–
man,
mais les faits ont encore dépassé leur attente.
Tout lecteur impartial connaissant la réalité, des choses
a d ù lire avec stupéfaction les allégations aussi fausses
que tendantieuses lancées par les divers orateurs et qui
ont été é v i d e mm e n t écoutées par un auditoire décidé
d'avance à condamner tous les actes du gouvernement
ottoman.
On connaît maintenant la genèse d u mouvement
révolutionnaire a r m é n i e n , mouvement qui aurait a m e n é
de grandes perturbations politiques et sociales s'il
n'avait été arrêté à temps. L'attitude sage et prudente
a évité à l'Europe — c'est là un fait que l'histoire enre–
gistrera — des troubles profonds dont les conséquences
se seraient fait sentir pendant longtemps. D'ailleurs,
comment pourrait-on reprocher à un Etat d'avoir lutté
pour sa conservation ?
Les a d h é r e n t s au c o n g r è s ne veulent voir les choses
que par les petits côtés, et, pour gagner des partisans
à la cause dont ils se sont bénévolement fait les cham–
pions, ils ne reculent pas devant les allégations les plus
m e n s o n g è r e s . P o u r eux la véracité et l'exactitude sont
choses négligeables, Tous les moyens leur sont bons
pour inspirer la pitié en faveur de leurs amis, les
V
A r m é n i e n s , et pour exciter l'opinion publique contre
leurs ennemis, les Musulmans.
U n des principaux orateurs, M . Pierre Quillard, qui
s'est fait le porte-parole des turcophobes, s'est encore
cette fois-ci distingué dans cette voie. Il a entassé
horreurs sur horreurs, dont les Turcs sont, d'après l u i ,
les auteurs et les A r m é n i e n s les victimes innocentes.
E m p o r t é par son éloquence, M . Quillard a généralisé
avec une ampleur magistrale sans toutefois s'abaisser à
citer le moindre l'ait à l'appui de ses dires. Torture,
bastonnade, pendaison par les pieds, application de fers
rouges, coquilles de noix pleines de poux enfoncées à
coups de marteau dans le crâne rasé des captifs : le
tableau est complet et fait honneur à l'esprit inventif
de son auteur ; mais i l a aussi un défaut, un seul, c'est
qu'il ne concorde pas avec la réalité des choses.
De m ê m e que partout ailleurs, de pareils traitements
ne sont pas pratiqués en Turquie, et toutes les per–
sonnes qui connaissent le pays, non par les publications
du
Pro Arnumia
et d'autres feuilles de cette catégorie,
mais pour y avoir vécu, sont là pour en t é m o i g n e r .
Les affirmations touchant les perceptions arbitraires
d ' i m p ô t s sont tout aussi fantaisistes : les contributions
sont payées d'après des rôles dressés chaque année par
des fonctionnaires spéciaux, en conformité des lois
existantes, et i l est rarement porté plainte contre des
prélèvements abusifs de taxes. Les contribuables ne
sont nullement pressurés, et ceux qui sont indigents
bénéficient f r é q u e mm e n t de remises d'arriérés consi–
dérables.
Quant à la liberté religieuse, nulle part, on peut
l'affirmer hautement, elle n'est plus complèle qu'en
Turquie. N o n seulement des églises, des établissements
religieux et autres des diverses c o m m u n a u t é s c h r é –
tiennes et Israélites existent sur tous les points de
l'Empire où habitent des populations appartenant à ces
c o mm u n a u t é s religieuses ; mais ils sont encore l'objet
d'une protection particulière de la part d u gouverne–
ment ottoman, qui leur vient constamment en aide de
différentes m a n i è r e s . L ' h u m a n i t é aura fait un bien
grand pas lorsqu'on pourra en dire autant pour tous
les pays !
Les procédés employés par M M . Quillard, de Pres–
sensé, qui entraîne le
Temps
après l u i , et autres phi-
l a r m è n e s , sont dignes de la mauvaise cause qu'ils
défendent. Qu'ils se rassurent cependant. Les A r m é –
niens vivant en Turquie ne courent aucun danger ; ils
vaquent tranquillement à leurs affaires et ne deman–
dent pas mieux qu'on les laisse j o u i r en paix des
richesses et du bien-être qu'ils s'assurent par leur tra–
vail et leur caractère laborieux. C'est là un point sur
lequel devraient méditer les agitateurs qui, aveuglés
par des buts désintéressés, veulent leur faire jouer un
rôle auquel ils n'aspirent point.
La même correspondance a été publiée
dans le numéro du 9 août de la
Post
de
Berlin ; elle est cette fois datée de
Constan–
tinople, 5 août.
Les variantes sont de peu
d'importance : le journal allemand indique
seulement le chiffre « exact » des arriérés
d'impôts remis par le sultan (220,000,000
de francs) et il donne sous une autre forme
aux philarmènes européens le conseil
d'abandonner les gens qu'ils défendent :
M M .
Quillard, de Pressensé et les autres protago–
nistes de la cause a r m é n i e n n e feraient bien d'aller une
fois en Turquie et d'y voir comme les A r m é n i e n s
vaquent tranquillement à leur travail, etc.. . .
M. de Pressensé est déjà allé une fois en
Turquie, en qualité d'attaché d'ambas–
sade; M. Pierre Quillard y a vécu trois ans
et demi.
Quant à l'exactitude des informations
apportées au Congrès de Bruxelles, pour
celles qui n'ont point été spécialement
reconnues vraies par le ministre français des
affaires étrangères, lors de l'interpellation
Gustave Rouanet, les journalistes hami-
diens se peuvent référer à d'autres sources.
Le fait des tortures particulièrement abo–
minables signalé comme une invention par
la
Bévue d'Orient
et l a
Post
a été, dès le
mois de novembre 1896, cité à l a tribune
française par Jean Jaurès et le ministre
Hanotaux, ami et complice du Sultan, ne
l'a point nié. Il est relaie tout au long dans
le
Blue Book Turtrey n° G. Pièce annexe au
n° 13, août 189G.
Pour la perception des
impôts, entre autres pièces édifiantes, —
ici, hélas! les documents ne sont encore
que trop abondants — i l faut lire dans le
Blue Book Turkey n° 2,
la pièce annexe au
n» 25.
Enfin, en ce qui concerne les conversions
forcées à l'islamisme le rapport du consul
Fitz Maurice sur les événements d'Orfa
également recueilli en un
Blue.Book
est un
document de premier ordre; et l'un des
motifs de la démissions du patriarche
Ormanian est précisément la fréquence des
conversions forcées qui impliquent la perte
de la nationalité arménienne.
Tous les documents auxquels nous ren–
voyons les scribes hamidiens ont déjà été
publiés ici; nous ne jugeons pas utile de
les reproduire à nouveau. Ils sont d'ailleurs
connus de quiconque a eu à s'occuper des
choses arméniennes et a voulu justifier ses
dires par des preuves incontestables, tirées
des recueils diplomatiques.
Nouvelles d'Orient
E N
MA C É D O I N E .
Voici d'après le
Mou–
vement Macédonien
un aperçu sommaire
des incendies, vols, viols, meurtres et
massacres récemment perpétrés en Macé–
doine par les autorités hamidiennes ou par
les complices officieux du sultan :
V I L A Y E T D E S A L O N I Q U E . —
Gorna
Djoumaïa.
A la suite des combats qui furent livrés
près du village de
Troscovo
et
Souchit-a,
le
gouvernement a organisé plusieurs corps de
poursuite qu'il a envoyés dans les villages
chrétiens pour terroriser la population et
Fonds A.R.A.M