d é p e n d a n t e de toute a r r i è r e - p e n s é e
religieuse ou politique. L e s Al l emands
qui ont d é p e n s é et d é p e n s e n t encore
beaucoup d'argent pour les victimes des
é v é n eme n t s s o n t , a p r è s diverses erreurs,
parvenus à faire œu v r e utile, surtout à
Orfa ou à Ma r a s h ; le commerce est
e n t i è r eme n t r u i n é , une m ê m e d é t r e s s e
é t r e i n t musulmans et c h r é t i e n s et des
maladies terribles, la syphilis en par–
ticulier, les d é c i me n t ; i l faut c r é e r du
travail et donner des soins mé d i c a u x
indistinctement aux uns et aux autres.
A u contraire, ajoute le journaliste alle–
mand, les missions amé r i c a i n e s n'ar–
rivent à rien q u ' à c r é e r « une demi-
culture et avec elle l'outrecuidance.
C'est en somme une sorte de c o l on i –
sation philanthropique que l 'Al l emagne
officielle p r é c o n i s e pour le moment en
quelques grandes villes où i l y a
des c ommu n a u t é s a rmé n i e n n e s impor–
tantes, mais qui ne sont point des villes
proprement a r mé n i e n n e s . S i , en dehors
de ces centres p r i v i l ég i é s , on viole, on
tue, on extermine les A r mé n i e n s , i l
n'en faut rien dire pour ne pas aggraver
leur sort.
Sans doute, l ' œu v r e des Al l emand s
à Orfa et à Ma r a s h est une
œu v r e
louable, mais ils se r é s i g n e n t trop
a i s éme n t à faire t r è s grande la part du
feUj la part du sultan. Ils refusent de
savoir que dans les provinces la situa–
tion est telle que le patriarche Orma –
nian a dû d émi s s i o n n e r . Ils ignorent que
tout est p r é p a r é pour un massacre à
Sassoun et que seule l'action d i p l oma –
tique, la p r é s e n c e à Mo u s h de t émo i n s
e u r o p é e n s emp ê c h e r a p e u t - ê t r e
une
nouvelle boucherie.
Ils ne condescendent point à s ' i n t é –
resser à des détails comme ceux-ci ex–
traits de correspondances r e ç u e s tout
r é c e mm e n t et a n a l y s é e s dans
l'Euro–
péen
du 23 courant :
A Alep (lettre du 25 juillet), Enis-Pacha,
qui ne put massacrer, l'an dernier, comme i l
en avait l'intention — M . Delcassé ayant eu
la bonne p e n s é e d'envoyer quelques c u i –
rassés sur les côtes de Cilicie — aggrave, s'il
est possible les mesures concernant les
passe ports. Jusqu'ici l'accès des ports de
mer était bien interdit aux A r mé n i e n s avec
une extrême rigueur ; mais par une fâcheuse
t o l é r a n c e , i l advenait que quelques-uns
d'entre eux circulaient, de ville à ville, dans
l'intérieur. Désormais le système du d omi –
cile forcé est impitoyablement appliqué à
toute la nation suspecte.
A Norchen (lettre de Moush du 25 juillet),
des villageois a r mé n i e n s travaillaient, sur
réquisition de l'autorité, dans la vallée de
Guélarich; ils charroyaient des pierres pour
la construction d'un pont ; ils avaient trente-
deux boeufs et buffles attelés à leurs char–
rettes. En plein jour, les Kurdes leur ont
enlevé leurs bêtes. C'est là un excès dé zèle :
mais le gouvernement de Moush saura bien
trouver d'autres A rmé n i e n s et d'autres buffles
qui seront é g a l eme n t enlevés par les Kurdes,
les plus fidèles sujets de S. M . I. et ceux qui
en comprennent le mieux les désirs et
volontés.
Aussi, quand l'un d'eux, fût-ce un effroyable
bandit comme Khalil-Chériff, est s u p p r i mé ,
les juges hamidiens sévissent aussitôt : pour
le meurtrier de cette bête fauve vingt Armé –
niens ont été c o n d amn é s ; c'est une propor–
tion normale de coupables.
Inversement, d'après une lettre de Segherd
(15
juillet) le Kurde qui avait t u é en plein
bazar l'Arménien Minas Basmadjian a été
remis en liberté, aussitôt q u ' a r r ê t é . Aucun
Kurde ou Turc ne voulait t émo i g n e r contre
un personnage aussi précieux pour S. M . L ;
et les A rmé n i e n s , me n a c é s de mort, n'ont
point osé déposer.
A Moush (lettre du 25 juillet) les quatre
soldats qui ont assassiné la femme de Tchrik
sont aux arrêts : mais le commandant m i l i –
taire, pour l'honneur de l'armée, a averti les
t émo i n s a rmé n i e n s qu'il serait dangereux de
raconter ce qu'ils savent.
A Artert (lettre de Moush du 25 juillet),
Mardiros Bachoyan a été tué par deux Kurdes,
le 8 juillet, vers minuit, sur la terrasse de sa
maison. Les autorités hamidiennes p r é t e n –
dent que Mardiros Bachoyan a été tué par
des A rmé n i e n s .
On ne doit rejeter et d é d a i g n e r aucun
moyen de salut; mais ce n'est pas par
des palliatifs et des demi-mesures que
le peuple A rmé n i e n sera s a u v é . A un
mal permanent, i l faut des r emè d e s plus
é n e r g i q u e s .
Il ne suffit pas de fonder des orphe–
linats et d'aider à vivre quelques-unes
des victimes du gouvernement hami -
dien. Il est plus urgent encore d ' emp ê –
cher que le sultan ne fasse de nouveaux
orphelins et ne supprime ceux qu'on
aura provisoirement a r r a c h é s à la mort.
Pierre
Q U I L L A R D .
Lire dans LE JOURNAL
du 21 Août
L ' A R T I C L E D E
Yoir dans L'ASSIETTE IU BEURRE
d u 1 6 . A - o û t
D I V E R S P O R T R A I T S D U
Grand Saigneur Abdul-Hamid
P a r M i C K A Ï L
Lettre d'Erzinghian
18
Mai
L'état é c o n om i q u e va en empirant de j o u r
en j o u r ; les artisans ne peuvent songer q u ' à
gagner le pain quotidien ; i l est impossible
de tenter une entreprise quelconque, le&
produits ne laissent aucun bénéfice, la classe
ouvrière peut à peine gagner sa j o u r n é e
pour sa nourriture. Heureusement que cette
a n n é e nous avons eu un hiver doux, sans-
cela le nombre des affamés aurait multiplié.
Il est impossible de trouver ici une différence
de classes ; tout le « î o n d e est é g a l eme n t
dans le môme triste état b u d g é t a i r e .
La circulation a totalement cessé dans le
pays, pour avoir un passeport quelconque,
i l faut avoir six à sept garants. Ici, les i mp ô t s
de l'année, qui, d ' a p r è s l'habitude, étaient
p e r ç u s deux mois après le jour de l'an, c'est-
à-dire le premier jour du mois de mars, on
a c omme n c é à les percevoir, d è s le mois de
février, très rigoureusement, et on continuera,
dit-on, j u s q u ' à la fin de m a i ; les appoin–
tements a r r i é r é s des militaires et des fonc–
tionnaires civils ne furent pas pourtant
d o n n é s à l'occasion du Kourban bayram.
Pour percevoir les i mp ô t s , les percepteurs-
ont i ma g i n é et exécutent de nouveaux pro–
cédés. Enlever le mobilier d'une maison est
un fait habituel dans les campagnes, heureu–
sement beaucoup de gens n'ont pas un mo–
bilier de valeur; i l y aussi des côtés amusants
dans ces p r o c é d é s de perception. A i n s i , dans
le village de Mittine, dix à quinze per–
sonnes sont emp r i s o n n é e s dans une chambre
étroite, et les percepteurs é t a n t persuadés,
qu'il n'y avait pas moyen de percevoir un
sou, ils les l'ont sortir de leur prison et leur
font jouer le violon par force et les font
danser. Tout le bétail d'un des villages de
Tertchan est emp o r t é , pour percevoir les-
30
livres d ' i mp ô t a p r è s l'avoir vendu aux
e n c h è r e s ; i l y avait en tout 150 bœufs, des
vaches, des chevaux, des moutons, etc. Le s
paysans ont recours à l'emprunt, et ils arri–
vent à se procurer les 20 livres à un taux
é l e v é ; i l les portent au gouvernement qui
leur réclame les 10 autres livres, et comme i l
fut impossible de les payer, tout le bétail
est vendu à moitié prix et tout l'argent est
retenu pour le compte des i mp ô t s . Dans un
autre village, quiconque n'a pas pu payer
ses dettes, on l'a fait soi tir, par le froid gla–
cial, on l'a placé sous un grand panier et on
a fait couler de l'eau sur lui deux ou trois
fois par jour. Il est inutile de vous parler des
bastonnades, i l y a plusieurs p r o c é d é s de don–
ner des coups, choses devenues habituelles.
En p r é s e n c e de ces vexations, tout révolution–
naire est digne d ' a p o t h é o s e pour le peuple
a rmé n i e n ; des jeunes gens qui se sentent
en e u x - même s une vocation pour la révolu–
tion, entreprennent la propagande ça et
l à ; i c i chaque a r mé n i e n a son idée, sa foi,
pour la politique, et on peut dire, qu'en
général, tout fait pressentir un second mou–
vement g é n é r a l que favorisera grandement
la politique extérieure.
L'autre soir, quelques soldats, les armes
dans les mains, attaquent l'église de Sourp-
Fonds A.R.A.M