donna tout et d é c r é t a qu'aucune action ne
sera i n t e n t é e contre l u i .
No u s ne nous é t o n n e r o n s pas si dans
quelques j ou r s nous apprenons q u ' i l est
n o m m é chef d'un corps de poursuite, voire
m ê m e préfet.
L a population est impitoyablement per–
s é c u t é e par les a u t o r i t é s qu i ont d i s p e r s é
dans les villages c h r é t i e n s de nomb r eux
d é t a c h e m e n t s de gendarmerie
c h a r g é s
d ' o p é r e r des perquisitions pour se saisir
des armes des c h r é t i e n s . C'est surtout
depuis que le gouvernement turc a en–
tendu que des armes passent par notre
pays pou r l'Albanie. Il n'y a pourtant rien
de v r a i .
L a nouvelle qu ' un Con s u l a t de Ru s s i e
sera b i e n t ô t i n a u g u r é à Mi t r o v i t z a et que
le Co n s u l est déjà n o mm é , fut accueillie
avec une grande joie par la population
c h r é t i e n n e q u i sera enfin p r o t é g é e —n o u s
l ' e s p é r o n s , du moins — par une puissance
é t r a n g è r e contre les poursuites iniques d u
gouvernement. E n effet, Mi t r o v i t z a , qu i
est u n point t r è s important de l a Tu r q u i e ,
ne comptait pas un consulat é t r a n g e r .
L e n u m é r o du
Mouvement Macédonien
du 5 a o û t , que nous recevons au moment
de mettre sous presse, publie une nouvelle
série de lettres, aussi tragiques que les
p r é c é d e n t e s et qu i seront a n a l y s é e s i c i
dans quinze jours.
S i mu l t a n é m e n t le gouvernement russe
et le gouvernement au t r i ch i en se sont
a p e r ç u s que les choses se g â t a i e n t dans
les vilayets de Salonique, de Monastir, de
Cossovo et d ' And r i nop l e . Ils ont fait des
r e p r é s e n t a t i o n s à Constantinople; et une
Comm i s s i o n de r é f o r me s a été n o mm é e
par S. M . 1; la Commi s s i o n a reconnu en
grande s o l e n n i t é q u ' i l fallait amé l i o r e r la
gendarmerie de la police locale. Les g o u –
vernement russe et autrichien se d é c l a r e –
ront p e u t - ê t r e pleinement satisfaits.
E n m ê m e temps ils agissaient à Sofia,
d é n o n ç a i e n t aux ministres bulgares les
Com i t é s m a c é d o n i e n s , signalaient les i n –
cursions de bandes r é v o l u t i o n n a i r e s , repre–
naient à leur compte les propres a r g u –
ments du Su l t a n : et a u s s i t ô t l a transpor-
tation par mesure administrative sévissait
en Bu l g a r i e , tant pou r les civils que pour
les officiers suspects de favoriser le mou –
vement m a c é d o n i e n ; et M . Chaugoff, direc–
teur du
Vesterna Posta,
était p o u r s u i v i
pou r offense à u n souverain é t r a n g e r par
la voie de la presse. M . Chaugoff a, en
effet, c ommi s le crime i r r émé d i a b l e de
pub l i e r u n « acte d'accusation » contre
H a m i d et celui-ci a toute licence d ' é g o r g e r ,
mais i l est c o n s i d é r é comme r é p r é h e n s i b l e ,
p a r a î t - i l , de le traiter d ' é g o r g e u r . S i
Gladstone n ' é t a i t point mo r t à temps, i l
eut p e u t - ê t r e é t é p o u r s u i v i , l u i aussi, à la
r e q u ê t e d'un A l i - F é r u h , d'un Mu n i r - b e y
ou de quelque autre serviteur de la lïôte :
mais i l aurait é t é a c q u i t t é , pouvant admi–
nistrer la preuve de ses dires, c omme sera
a c q u i t t é M . Chaugoff, m ê m e du chef d'in–
jure, sauf q u ' i l soit tenu pou r i n j u r i eux de
d é s i g n e r un homme par le n om de sa pro–
fession.
E N A L I Î A N I E .
L e sultan a r e ç u des
chefs des différentes ligues albanaises une
lettre plus comminatoire que respectueuse.
V o i c i ce document :
*
Au nom du peuple albanais.
Le Comité de tous les chefs albanais mu–
sulmans, catholiques et orthodoxes, de
toutes les Sociétés, Ligues et Comités exis–
tant en Albanie et à l'étranger, d'après les
résolutions prises dans les d e r n i è r e s réu–
nions, supplie Sa Majesté le sultan Ab d u l -
Hamid Khan 11 :
Majesté,
Daignez écouter notre parole qui est hon–
nête et fidèle comme i l sied à la parole alba–
naise. Notre condition est la plus triste des
conditions. Le Co n g r è s de Berlin, ma l g r é
l'opposition de Votre Majesté, a fait tout
son possible pour nous livrer pieds et mains
liés au pouvoir des Grecs et des Slaves.
Dans les Parlements d'Europe, on parle de
nous comme d'un peuple africain p r ê t à être
conquis.
Les gouvernements des grandes puissan–
ces prennent des accords r é c i p r o q u e s pour
le partage de notre pays.
L'insulte et l'outrage s'accumulent davan–
tage chaque jour sur le nom albanais.
Nous sommes oubliés de tous ; mais nous
avons de notre côté le droit et l a force; et
nous saurons les faire valoir en temps op–
portun.
Notre territoire n'est pas cultivé; notre
industrie et notre commerce languissent
dans la m i s è r e ; les richesses de nos ports et
le trésor de nos mers excitent la convoitise
des nations é t r a n g è r e s et ennemies.
Nos villes et nos villages vivent inconnus
les uns des autres à cause du manque de
voies de communication.
Les Albanais catholiques et orthodoxes
n ' é t a n t pas c o n s i d é r é s de la m ê m e façon par
le gouvernement que leurs frères Albanais
musulmans, sont obligés de se faire inscrire
comme sujets é t r a n g e r s ; le nombre de ces
naturalisés augmente de jour en jour en
Albanie.
Nous n'avons pas d'écoles en notre lan–
gue et, pendant que le gouvernement de
Votre Majesté accorde toute espèce de pro–
tection aux écoles é t r a n g è r e s , nous sommes
obligés d'être jour et nuit, fusil en main,
contre l'étranger, sur les frontières de la
Grèce, de la Bulgarie, de la Serbie et du
Mo n t é n é g r o . L'Europe pour cela nous ap–
pelle barbares, quoique en vérité en agissant
ainsi nous ne fassions que défendre l'hon–
neur de l'Albanie et assurer la s é c u r i t é de
l'empire.
Majesté,
Le Coran impose à vous, Khalife, le devoir
d'écouter la voix des peuples qui vivent
sous votre ombre. Et aujourd'hui le peuple
albanais vient aux pieds du t r ô n e de Votre
Majesté pour qu'elle l'aide et le sauve de la
situation misérable dans laquelle i l se
trouve.
Nous demandons pour nos Vilayets de
Scutari, de Kosovo, de Yanina, de Monastir,
une administration différente de celle des
Vilayets d'Asie et d'Afrique; de ma n i è r e à
pouvoir, sous la suzeraineté de Votre Ma –
j e s t é , rester une nation indivise et civilisée
au milieu de votre empire et faire face en
votre nom à tous les é t r a n g e r s qui se sont
unis contre nous et contre l'empire ot–
toman.
Nous demandons des écoles en notre lan–
gue et nous prions humblement Votre Ma –
jesté d'accorder et de rendre la liberté à nos
compatriotes de toutes les confessions reli–
gieuses qui se trouvent en prison et en exil
pour des motifs politiques. Les Albanais ne
connaissent pas le mensonge et nous vous
disons franchement que nous avons travaillé
pour constituer notre union.
Tous ceux qui sont de vrais Albanais et
qui ne sont pas les instruments des puis–
sances é t r a n g è r e s acclament unanimement
et veulent pour leur chef s u p r ême , le bien-
aimé Aladro-Kastriota, qui s'est dévoué jour
et nuit à la renaissance de son pays.
Avec ce drapeau et sous les hauts auspices
de Votre Majesté, nous sommes décidés à
obtenir nos droits et à défendre notre natio–
nalité j u s q u ' à la d e r n i è r e goutte de notre
sang. Les Albanais ne connaissent ni le
mensonge n i la trahison; certaines puissan–
ces, à cause de leurs intérêts r é c i p r o q u e s ,
peuvent tromper Votre Majesté; mais les
Albanais ne le feraient jamais, car nous
avons été et nous continuerons à être les
plus fidèles et les plus loyaux de tous les
sujets de Votre Majesté.
Mais, si le gouvernement de Votre Ma –
j e s t é , persistant dans le s y s t ème actuel
exploité par nos ennemis au d é t r i me n t de
l'Albanie et de l'Empire, reste sourd à nos
réclamations, que Votre Majesté le sache, le
peuple albanais est p r é p a r é à affronter
n'importe quelle éventualité, et si Votre Ma –
jesté, maintenant comme toujours, ne peut
rien pour les Albanais, coûte que c o û t e ,
pour sauver notre existence qui est en dan–
ger, avec l'aide de Dieu et ne comptant que
sur notre courage, nous sommes p r ê t s à
agir.
D I E U A V E C NOU S !
.
Su r quoi S. M . I. a d o n n é l'ordre d'ap–
p r é h e n d e r au corps le p r é t e n d a n t d ' A l a -
d r o -Ka s t r i o t a . I l serait plus habile d é f a i r e
en sorte q u ' i l n'y e û t pas de p r é t e n d a n t et
de couper court à toutes les intrigues
autrichiennes et italiennes en accordant
aux A l b a n a i s le peu qu ' i l s demandent :
mais A b d u l - I I ami d a d é c i d é q u ' i l serait le
dernier souverain turc e l i l p r é p a r e par–
tout avec l a m ê m e p e r s é v é r a n c e le d é m e m –
brement de l'empire turc.
P
s
Q
Le Secrétaire-Gérant
:
J E A N L O N G U E T .
Fonds A.R.A.M